Sale temps pour les abeilles de Cran menacées par le frelon asiatique

Comment vont les abeilles en Haute-Savoie ? : mal ! Et particulièrement à Cran-Gevrier.

Comme partout, on assiste à une baisse du cheptel. À Cran-Gevrier le frelon asiatique, menace supplémentaire,  met en péril les abeilles de la commune.

Pierre Tomas-Bouil, président du syndicat d’apiculture 74(*), nous trace un scénario noir de l’abeille locale

 

Les pesticides, premier tueur des abeilles.

« Les raisons de la diminution du nombres des abeilles sont compliquées, mais le facteur principal tient aux pesticides. Un facteur renforcé par la disparition de la biodiversité, car les abeilles ont besoin d’une grande variété florale, est une cause importante. Mais ceci est lié aux pesticides, car les fécondateurs étant moins nombreux, la reproduction florale diminue. Les abeilles sont fragilisées, les maladies se développent et la fertilité se réduit. »

Pierre Tomas-Bouil évoque aussi tout ce qui touche à l’extension de l’agriculture intensive. « L’élimination des haies, la fauche intensive, la monoculture, ont leur part de responsabilité. » S’ajoute le commerce du vivant. « Comme en France et en Haute-Savoie le cheptel décline, on importe des abeilles de Sicile, de Méditerranée. Des espèces qui ne sont pas adaptées au climat montagnard. Ce commerce fait venir des parasites, comme le varois (Varroa destructor ), un poux. Les abeilles n’ont pas de défense face à cet acarien.»

L’abeille noire de Savoie, elle, est adaptée. L’hiver, elle s’économise, tandis que l’été, elle dure trois semaines. «  »

 

Un frelon venu du Pays du Levant

Pour compléter ce tableau funeste, le frelon asiatique tueur, venu par bateau en 2004, s’est installé en août 2017 à Cran-Gevrier. « Les ruches les plus faibles sont démolies rapidement. Une réflexion est menée actuellement. Les maires, les randonneurs, les apiculteurs sont appelés à la vigilance sur le terrain. On peut adresser toute observation au syndicat (*). » Le frelon asiatique est plus foncé que l’européen, mais n’est pas plus dangereux pour l’homme que les autres.

 

Peut-on rester optimiste ?

 Pour le président, dans les années quatre-vingt, on produisait 40 000 tonnes de miel en France pour 40 000 tonnes consommées. Aujourd’hui, on consomme toujours 40 000 tonnes, mais 10 000 tonnes sont produites en France pour 30 000 provenant de l’étranger. « Dans tous les pays la production baisse, sauf en Chine où le miel est frelaté. »

Et la pollinisation manuelle ou par robot ? « Il y a tellement de variétés de fleurs et chaque fleur ayant un métabolisme, des besoins différents, une stratégie unique que c’est impossible de la faire par l’homme ou artificiellement. »

 

Pierre Tomas-Bouil préconise la traçabilité du miel.

Or, pour lui, la volonté politique de le faire n’existe pas. Quant au bio, « le miel devrait être bio partout. » Les 30% de mortalité des abeilles par an sont compensées par une aide publique.

« En Haute-Savoie, qui a une forte tradition apicole, la baisse existe, mais moins qu’ailleurs. Nous avons beaucoup de miel d’élevage de montagne et peu de cultures. C’est difficile, mais on s’accroche. »

 

Peut-on vivre de l’abeille ?

 « Il faut avant tout avoir la passion et diversifier. » La diversification réside dans la vente de miel, de pollen, de propolis, d’essaims, de reines, de bonbons, de produits dérivés comme les bougies, etc. Et il est conseillé de vendre en direct afin d’éviter les intermédiaires type supermarchés.

La détérioration de l’activité apicole crée un accroissement du prix du miel : « La rareté fait que les prix montent. Les consommateurs doivent réguler le marché et se montrer exigeants en qualité. » S’ajoute à cela le vol de ruches. « C’est lié à la disparition des abeilles. Et ça se passe entre apiculteurs avec le risque de trafic de ces animaux. »

Alors, peut-on encore s’installer devant ces constats ? « L’abeille a une belle image et attire toujours. Le syndicat enregistre 5% d’adhérents supplémentaires, avec un renouveau de 10% chez les amateurs. »

Pour entraîner un nouvel élan, selon le président, « il faut que la politique et la société changent : alimentation, agriculture sont à revoir. Les apiculteurs savoyards sont très conscients de cela. »

Puis la sentence tombe en forme d’avertissement urgent pour l’humanité : « La disparition progressive des abeilles sonne le glas pour l’espèce humaine. La menace sur les abeilles est un signe avant coureur de notre propre disparition. Les abeilles sont présentes sur terre depuis 150 millions d’années. Au rythme actuel de la dégradation de notre planète, les hommes risquent de disparaître avant les abeilles. »

 

(*) Syndicat d’apiculture 74 :

1500 adhérents pour 19 000 ruches ont rejoint le syndicat de Haute-Savoie. Parmi eux, on compte des professionnels et des amateurs. Les premiers possèdent 400 ruches, tandis que les amateurs, majoritaires, pratiquent l’apiculture de manière familiale, la plupart étant pluri-actifs avec peu de ruches.

« C’est surtout la passion qui anime les apiculteurs, » confie le président. Lui-même est bien sûr apiculteur depuis dix ans (17 ruches), retraité, passionné depuis longtemps par les abeilles. Il constate une baisse régulière des abeilles depuis 2000 environ.

06.79.34.60.51 / 04 50 07 92 24 /president@syndapi74.fr

Auteur: Loïc Quintin

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