Le FCC du CERN, ce chantier pharaonique qui s’invite dans la campagne

Le projet du futur collisionneur, ou FCC, continue de faire parler de lui localement, et pas en des termes très flatteurs, malgré la communication au cordeau du CERN. Ce mercredi soir à Meythet, encore plus de 250 personnes avaient répondu présent à l’appel du collectif CO-CERNés qui informe depuis des mois sur les impacts gigantesques qu’un tel projet aurait sur le territoire et bien au-delà. Même le maire d’Annecy était là. Pas de doute, le projet du FCC va s’inviter dans la prochaine campagne des municipales :

Meythet, en périphérie d’Annecy, mercredi 12 février 2025 peu après 19h. Malgré la nuit tombée et le temps maussade de ce mois de février, la grande salle du Météore se remplit peu à peu. Le parking est déjà complet et les chaises sont prises d’assaut à l’intérieur de la salle. Les visiteurs sont accueillis avec des tracts et des panneaux assez pédagogiques détaillants divers aspects du projet de futur collisionneur du CERN, ou FCC pour les initiés. Environ 250 personnes ont pris place pour écouter attentivement la présentation du nouvel anneau circulaire prévu par le CERN pour une mise en service à l’horizon 2045.

Panneau de présentation des impacts du FCC ©Camille Content

Salle Le Météore le 12 février 2025 ©Camille Content

Le collectif CO-CERNés[1] est à la manœuvre, et son exposé est désormais parfaitement bien rodé. Ce collectif, devenu une association officielle depuis quelques jours, a été créé à la suite d’une première réunion d’informations qui s’était déroulée à Annemasse en octobre 2023[2] à l’initiative de l’ONG genevoise Noé21[3], et organise depuis des mois des réunions publiques un peu partout sur le territoire de la Haute-Savoie qui sont à chaque fois un succès de fréquentation[4].

« Un silence qui interpelle »

Comme à l’accoutumée, l’ingénieur suisse et membre de Noé 21 Jean-Bernard Billeter ouvre concrètement les débats, avec sa présentation PowerPoint implacable sur les impacts sociaux et environnementaux pharaoniques que ne manquera pas d’avoir un tel projet, qualifié par le CERN lui-même de « plus grand chantier d’Europe »[5]. On entend souffler dans la salle, visiblement des gens découvrant l’ampleur du futur chantier et de ses impacts prévus. Elisabeth Charmot, infatigable militante écologiste venue du Chablais, se battant sans relâche contre tous les grands projets inutiles et imposés du territoire comme la future autoroute A412[6], aborde comme à son habitude les aspects juridiques et démocratiques posés par ce projet. Les premières études du FCC ont débuté en 2014 mais les gens en dehors de la communauté scientifique n’ont concrètement commencé à en entendre parler que dix ans plus tard, et principalement grâce aux associations, pas grâce au CERN qui n’a lui-même organisé pour l’instant qu’une seule réunion publique à son siège à Meyrin en avril 2024[7]. Etant donné le gigantisme de ce futur collisionneur de près de 92km de circonférence, c’est « un silence qui interpelle » comme le dit madame Charmot.

Des scientifiques très critiques

Des avis de scientifiques sont également projetés sur un écran géant derrière la scène, comme celui de la physicienne allemande Sabine Hossenfelder qui souligne : « Le monde n’a pas besoin d’un nouveau collisionneur de particules gigantesques. Il coûterait plusieurs milliards de dollars, les bénéfices ne sont pas clairs, et l’argent pourrait être mieux utilisé dans la recherche sur des menaces telles que le changement climatique et les virus émergents. »

A l’écran, salle Le Météore le 12 février 2025 ©Camille Content

Mais ce sont deux scientifiques présents sur scène qui vont porter l’estocade au projet du CERN. D’abord Laurent Husson, géophysicien à l’université de Grenoble et membre des Scientifiques en rébellion[8], pour qui poursuivre aveuglément le FCC dans le contexte actuel d’effondrement climatique et de la biodiversité : « c’est comme si on avait tous un cancer avec des métastases et qu’on se disait qu’on allait encore fumer une dernière cigarette ». Il lui paraît impossible de se projeter dans un tel projet sur un demi-siècle étant donnée l’instabilité actuelle, avec notamment le prix du cuivre qui ne cesse de varier. « Pourquoi le CERN aurait autorité pour préempter une telle quantité d’énergie qui, dans l’état actuel du monde, devrait être une bien commun de l’humanité ? » se demande-t-il, soulignant que « les scientifiques n’ont pas à décider à la place des citoyens. »

Ensuite, Brigitte Pépin-Donat, ancienne directrice de recherches au CNRS, rappelle les grands principes de la recherche fondamentale, se demandant si le CERN ne les a pas oubliés, en s’appuyant notamment sur des lobbies pour faire avancer son projet de FCC. Elle rappelle que la direction du CERN avait notamment approché Elon Musk[9], anecdote éclairante dans le contexte actuel. Pour la chercheuse, « le CERN semble perdre le sens des réalités ».

Des maires se rebiffent ?

Après presque deux heures d’exposés implacables contre ce futur chantier semblant démentiel, beaucoup prennent la parole depuis la salle, dont, surprise au premier rang, le maire d’Annecy lui-même François Astorg. Soulignant qu’il était venu à l’invitation de CO-CERNés, celui-ci annonce alors qu’il va très prochainement solliciter plusieurs maires de Haute-Savoie afin qu’ils aillent ensemble rencontrer officiellement la direction du CERN. Le maire de Minzier, Jérémie Courlet, intervient également depuis la salle, lui qui avait interdit par arrêté les forages de l’étude exploratoire du CERN sur sa commune avant de devoir reculer sous la pression de la préfecture[10].

François Astorg à la fin du débat ©Camille Content

Une chose semble donc certaine ce soir, à un an des futures échéances municipales, le sujet du FCC vient bien de s’inviter dans la campagne, au grand dam du CERN qui sans doute n’en demandait pas tant. Celui-ci devrait bien savoir que depuis Héraclite : « Il faut éteindre la démesure plus encore qu’un incendie. »

Camille Content

Toutes les infos et la pétition sur : https://co-cernes.com/

[1] Voir https://co-cernes.com/

[2] Lire notre article https://librinfo74.fr/futur-collisionneur-du-cern-un-grand-projet-inutile-au-nom-de-la-science-2/

[3] Voir https://www.noe21.org/

[4] Lire notamment https://librinfo74.fr/futur-collisionneur-de-plus-en-plus-de-monde-con-cern-es-et-consternes-2/

[5] Pour l’ensemble des chiffres, voir https://www.noe21.org/cern-fcc et nos différents articles sur le FCC comme

[6] Lire notre article https://librinfo74.fr/une-autoroute-qui-ne-passe-toujours-pas/

[7] Lire notre article https://librinfo74.fr/futur-collisionneur-du-cern-une-premiere-operation-seduction-face-aux-critiques-qui-montent/

[8] Voir https://scientifiquesenrebellion.fr/

[9] Lire par exemple https://www.tdg.ch/cern-elon-musk-pourrait-construire-le-futur-lhc-389360853706

[10] Lire notamment l’article de notre confrère Reporterre : https://reporterre.net/Le-chantier-de-la-demesure-des-physiciens-veulent-creuser-un-tunnel-de-91-km-sous-les

Auteur: librinfo74

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