Hébergement d’urgence : l’hiver s’achève et l’incertitude demeure

Heureux celui ou celle qui a la chance d’avoir un toit pour dormir la nuit.

L’hiver a été clément, une « chance » pour tous ceux qui sont contraints par la vie de passer la nuit dehors. Eux, ce sont les SDF, les hommes, les pères de famille qui ont laissé leurs femmes et enfants dans les hébergements fournis par les services de la Direction départementale de la cohésion sociale. Séparation, éclatement familial, errements, incertitude quotidienne, voilà le lot hivernal et permanent de ces gens mis au ban de la société.

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Membres du collectif  « Un toit pour tous », de gauche à droite, Régine Galibardy, du collectif d’urgence pour les ROMS, Christian Chauvet, de la Ligue des Droits de l’Homme, Thérèse Lestien, du Comité de défense du droit d’asile, Jean-Louis Théodori et Bernard Némoz du NPA.

D’autres, des bénévoles d’associations réunies dans le collectif « Un toit pour tous », agissent sans relâche afin de trouver une solution pour leurs pairs désœuvrés. Ainsi, Régine Galibardy, du collectif d’urgence pour les ROMS, Bernard Némoz et Jean-Louis Théodori, du NPA, Christian Chauvet, de la Ligue des Droits de l’Homme, Thérèse Lestien, du Comité de défense du droit d’asile, ont rencontré la Direction départementale de la cohésion sociale en ces temps d’urgence dans l’urgence, car à partir du 31 mars, l’administration peut expulser des logements hivernaux ces populations en détresse.

Et la bataille de chiffres s’installe. « Pour la direction, tout va bien pour les gens hébergés dans l’école des Fins et l’annexe du tribunal, soit 150 personnes. Nous sommes en désaccord sur les chiffres, estimant que les hommes, eux, sont à la rue, car seuls mères et enfants sont logés. » Le collectif demande donc d’appliquer la loi, en particulier l’article 345-2-2 du code de l’Action sociale et des Familles.

 

La loi de continuité

Le principe de continuité de l’hébergement établi par l’article 345-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles oblige les structures à accompagner les personnes jusqu’à une solution de logement ou d’hébergement pérenne. Il est donc illégal de mettre des personnes à la porte des structures sans qu’une orientation ne leur ait été proposée. (1)

La loi relative au droit au logement opposable de mars 2007 a introduit un principe de continuité de l’hébergement en centre d’urgence. Ainsi, toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée.

La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions du 25 mars 2009 ajoute à ce principe celui d’un droit à l’accompagnement personnalisé des personnes accueillies dans ces établissements. Toute remise à la rue non souhaitée étant interdite, le juge des référés a suspendu plusieurs décisions du préfet du Rhône mettant fin à l’hébergement d’urgence de familles qui invoquaient la méconnaissance du dispositif de veille sociale, et implicitement, le non-respect du principe de continuité de l’hébergement. (TA Lyon, 1er mai 2010 n° 1002646).

 

Après date butoir du 31 mars : l’incertitude

 « Tous les ans, nous avons toujours une divergence avec la direction de la cohésion. Toute personne dans la rue doit être logée et nourrie », clame le collectif. « On nous répond que le budget est insuffisant et qu’une demande de crédits a été effectuée ».

Chaque année, particulièrement à l’issue de l’hiver, le collectif met la pression sur les pouvoirs publics.

Cela payera-t-il cette année ?

En tous les cas, les deux centres, Fins et annexe du tribunal, seraient prolongés jusqu’au 10 avril, avec l’espoir de moyens financiers supplémentaires pour 90 personnes (les familles à risque seraient gardées, plus les malades et les enfants de moins de 3 ans et les scolarisés). Même chose pour les 45 personnes de l’annexe du tribunal. Et peut-être, plus tard, dans le centre Georges Bonnet, en attente depuis deux ans d’être racheté par une association.

« Ceci dit, poursuivent les membres de « Un toit pour tous », nombre de personnes seront sur le carreau. Certaines logent en hôtel. Et on nous dit, « cherchez des bâtiments », alors qu’il y en a de libres. »

 

Quelle est la population concernée ?

 La plupart viennent des Balkans. Ce sont des demandeurs d’asile, mais aussi des SDF français, des malades. On parle de futurs 24 migrants qui viendraient des « Hot spots » italiens (2). Comme dit Thérèse Lestien, « peu importe leur origine, ce sont avant tout des humains. »

Cependant, au vu de cette situation, le collectif se résout à accepter le maintien du dispositif grâce à quelques assurances, mais on reste dans l’incertitude et le provisoire. « Il n’y a pas de solution pérenne. Les gens se démerdent. Heureusement, cette année l’hiver n’a pas été rude. »

 

Une population stygmatisée : les Roms

 Régine Galibardy est tous les jours auprès des familles Roms.

Son dévouement, son abnégation sans faille la mène auprès de ces gens qui campent sur la voie ferrée dans le quartier de Vovray – Croix rouge. Des rails qui ne servent à rien, mais qui, par la faute de citoyens que ça dérangerait, ceux qui font partie des nantis ayant un toit douillet, et par la ténacité comptable de l’administration, verront bientôt – après les vacances de Pâques – ces 40 Roms expulsés du lieu. « La plupart, explique Thérèse, sont à Annecy depuis deux à cinq ans. »

Ces Roms, peuple maudit et expulsé de partout, même de son pays d’origine, font suivre les jours aux journées. « Beaucoup font la manche, quelques-un travaillent en intérim par insertion, quelques enfants sont scolarisés. On leur recherche du travail avec l’aide de l’association, on effectue les démarches pour l’obtention de la carte vitale, on va à la Caisse d’allocations familiales, on contacte les assistantes sociales du secteur. Certains suivent des cours de français, mais ce n’est pas facile. D’ailleurs, s’insurge Régine, depuis deux ans, l’accompagnement est de plus en plus difficile, les incessantes nouvelles règles compliquant les démarches. »

 

 Après l’école St Joseph quelle « crèche » fraternelle va accueillir les Roms ?

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 Compliqué pour ces Roms et d’autres qui ne viennent pas en France pour le plaisir de voyager ou toucher des allocations, mais pour fuir guerre, corruption, états policiers. Que ferions-nous à leur place ?

« Quand on arrive à en stabiliser certains, c’est plus facile et les éléments positifs sont retenus par la préfecture. C’est le cas pour une cinquantaine hébergés à l’école St Joseph depuis juillet 2015. Ça allait bien, sauf que l’église a décidé de détruire le bâtiment ! On espère une rallonge jusqu’en juin. »

Régine se console en évoquant le fait qu’ils auront été tranquilles pendant une année.

Mais le collectif d’urgence pour les Roms n’en reste pas là et a demandé à toutes les communes de l’agglomération annécienne un petit terrain et un bâtiment pour les recevoir. Attente…

 

Des questions au Préfet

Mais pourquoi ne pas pérenniser des hébergements « grand froid » même quand la température est plus élevée ? Quel est le degré de fermeture ou d’ouverture officiel ? Le réchauffement climatique masquerait-il la misère du pays ? On est en droit de se poser ces questions que tout citoyen soucieux du bien-être d’autrui, quel qu’il soit, est censé se poser.

Tous ces gens qui constituent l’autrui en errance sont au nombre de 354 pour toute l’année sur tout le département. D’autres, demandeurs d’asile en hébergement d’urgence, se montent à 504. Douleur et froideur des chiffres… si tous sont recensés.

 

 Errance, attente, patience

Attente, patience, les mots sont insoutenables devant la détresse de ces populations. Sans arrêt elles se font trimbaler de lieu en lieu. Comme cette famille – actualité récente – en attente d’un appartement d’urgence. Le mari travaille à Annecy dès quatre heures du matin. Sa femme exerce dans un hôtel annécien. La solution proposée : un logement social… à Rumilly ! Ceci malgré la situation de cette famille, évidemment sans véhicule, et l’absence à quatre heures du matin de trains.

On le voit, la question des Roms et des sans abri, errants, réfugiés, migrants ou autres dénominations cachant la misère humaine, est loin d’être résolue et véritablement comprise, saisie à bras-le-corps.

Un collectif parmi d’autres se bat chaque jour pour ne serait-ce que donner une dignité à ces hommes, femmes et enfants sans repère.

 

(1)Référence sur le site de la FNARS : http://www.fnars.org/index.php/reglementation-refugies-migrants/3306-accueil-inconditionnel-reperes-juridiques.)

 (2) terme affreusement froid et administratif malgré la chaleur du mot

 

Auteur: Loïc Quintin

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