Réforme du baccalauréat: le coup de gueule d’un enseignant.

EXPRESSION LIBRE.

Photo Florin AFP

« Et c’est reparti pour une réforme imposée, qui ne prend évidemment pas en compte les conditions matérielles d’exercice de notre métier. Les classes sont à 35, bientôt 38 dans les lycées ? Pas grave – faire de la préparation à l’oral (pour une épreuve dont on se demande bien ce qu’elle va ajouter ou retirer au TPE actuel) dans ces conditions est enfantin.

Que dire sur cette mascarade? Le plus important d’abord : la réforme du Bac on s’en fout. C’est de la poudre aux yeux. C’est juste un symbole de plus qui tombe. Après tout, autant montrer à tous que notre système n’est pas juste et impartial en retirant les cache-misères. Tu viens d’un quartier défavorisé, c’est double peine pour toi : pour réussir tes études, tu dois te coltiner des crétins dans ta classe et un niveau général qui n’incite pas à l’ambition… et ensuite, tes résultats sont dévalorisés parce que tu les as eus dans un établissement où l’on achèterait la paix sociale en surnotant les gamins (ce qui n’est pas ma manière de penser mais bien celle de nombreux recruteurs d’écoles post-bac).

En revanche, le système de majeures/mineures (*), ça c’est scandaleux! Des matières vont quasiment disparaître (SVT) et surtout la plupart vont être totalement sabotées! tu vas faire comment pour enseigner l’histoire en « mineure » à 2h par semaine? Tu vas faire comment quand tu te retrouves avec 9 classes au lieu de 5 ou 6? Ben tu vas proposer moins d’évaluations pour chacune si tu veux encore pouvoir dormir… Et tu les feras en QCM parce que ça va plus vite à corriger.

Et dans le rapport ils préconisent de faire certains cours en commun filière générale/technologique… C’est vrai que la non séparation des scolaires/ascolaires (**) produit de si beaux résultats en seconde que ça mérite d’être étendu…

Dans les commentaires, on entend beaucoup de parasites libéraux dire que le système coûte cher, que notre classement à PISA est désastreux par rapport aux scandinaves ou aux germaniques… qui n’ont pas du tout le même système scolaire, mais qui ont en commun d’avoir beaucoup moins d’élèves par classe et de bien mieux payer leurs enseignants. Mais ça doit être une coïncidence parce que la réforme préfère pomper sur le système anglais et étasunien dont les performances en matière de discrimination sociale ne sont plus à prouver.

Le pire reste à venir : on se plaint déjà de cette forme de « clientélisme » des élèves et des parents qui consiste à exiger et critiquer tout sans rien consentir comme effort… « Mon fils n’a pas de bonnes notes en latin donc il préfère arrêter même s’il a pris la place de quelqu’un lors de l’attribution des classes ». « Ma fille n’aime pas lire donc elle n’a pas lu le livre » (véridique!)

Le système de majeure/mineure… Comment imaginer les répercussions à long terme? J’y vois évidemment un affaiblissement symbolique de la place de l’enseignant (et de l’intellectuel en général…) qui n’est plus considéré que comme un prestataire de service, au même titre que le cuisinier que l’on peut blâmer si les plats sont mal cuits… Mais putain, cuisinier, c’est l’autre métier que j’aurais rêvé de faire, mais c’est délirant de penser qu’ils ont les mêmes missions et/ou les mêmes méthodes.

Pour terminer cette longue diatribe qui ira se perdre dans le désert (ça faisait longtemps que je n’avais pas hurlé tant je sais que cela ne sert à rien), je nous invite à prendre du recul et à considérer l’Education Nationale réformée en regard des autres services publics déjà « transformés ». C’est le même système à chaque fois. SNCF, EDF, hôpitaux, Pôle emploi…

On commence par couper l’argent sous prétexte d’économie, de crise, de productivité. Puis, devant les dysfonctionnements encore plus nombreux, le gouvernement annonce un changement en profondeur pour « moderniser » (et le pire est que ça marche toujours sur les masses qui se prosternent devant la nouveauté annoncée mais ne se demandent jamais si cette prétendue nouveauté n’est pas un retour en arrière camouflé) qui détruit l’essence du service public ciblé : la qualité et l’égalité de traitement de tous les citoyens.

Quelques années plus tard, le gouvernement suivant s’empresse de proposer la privatisation comme seule solution aux problèmes qu’ils ont créés. (et pour les trolls, je ne parle pas de complot mais juste d’une pente idéologique que les gouvernants pro-libéralisme ne considère que comme « la marche du monde ». »

Adrien Xicluna.

 

 

(*) Selon la nouvelle réforme chaque élève devra choisir deux matières mineures (moins approfondies) et deux majeures (ce qui remplacera les anciennes filières L, S et ES).

(**) Ascolaires.

Auteur: librinfo74

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