ODD 2030 : un agenda pour la survie de l’humanité dont la France ferait bien de s’emparer

Tandis que la France semble s’enfoncer chaque jour davantage dans une crise de régime aux relents autoritaires de plus en plus inquiétants, il existe pourtant un cadre international signé par la quasi-totalité des Etats de la planète qui pourrait servir utilement de boussole à nos dirigeants gouvernant actuellement à vue : l’Agenda 2030, objet d’un colloque à l’ONU de Genève ce 27 mars :

Ce lundi 27 mars dans l’après-midi, une conférence consacrée aux ODD comme « outils de prévention des conflits » se tenait dans les locaux en travaux de l’ONU à Genève[1]. Cette rencontre, organisée par l’Alliance internationale des Objectifs de Développement durable[2] (AIODD), avait pour objectif de rappeler les liens étroits qui existent entre la durabilité prise au sens large, les droits humains et la prévention des conflits pour permettre les conditions de la paix, en présence d’experts et de personnalités internationales, à mi-parcours de l’Agenda 2030.

ONU Genève le 27 mars 2023 ©Benjamin Joyeux

L’Agenda 2030 kezaco ?

Mais avez-vous déjà au moins entendu parler de l’Agenda 2030 et de ses 17 Objectifs de développement durable ? Adopté par la France et la totalité des 193 Etats membres des Nations Unies le 25 septembre 2015, ce programme prend la suite des Objectifs du millénaire pour le développement[3] (OMD) et fixe à la communauté internationale 17 objectifs ambitieux à remplir d’ici l’année 2030 afin de garantir la survie de l’humanité à moyen et long terme. Si le précédent cadre onusien des OMD qui s’appliquait jusqu’en 2015 ciblait prioritairement les pays du Sud pour tenter de diminuer la pauvreté, l’Agenda 2030 est lui universel : il s’adresse à l’ensemble des pays de la planète pour que ceux-ci mènent des politiques publiques ambitieuses et complémentaires, avec par exemple comme premier objectif d’« éliminer la pauvreté sous toutes ses formes partout dans le monde »[4]. L’objectif 2 vise quant à lui à « Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable ». Ainsi de suite jusqu’aux objectifs 16[5] réclamant la paix, une justice et des institutions efficaces et 17[6] prônant des partenariats à tous niveaux entre gouvernements, secteur privé et société civile pour réaliser cet Agenda 2030.

Bien entendu, tout cela peut apparaître comme un énième plan technocratique de l’ONU et de ses institutions internationales pour se redorer le blason et justifier de leur utilité. Surtout que certains ODD restent discutables comme le numéro 8[7] visant à « promouvoir une croissance économique soutenue », ce qui peut apparaître incompatible avec la durabilité. Car comme disait l’essayiste américain Kenneth Boulding, pour croire en une croissance infinie dans un monde fini, il faut être « soit un fou, soit un économiste ». Néanmoins cet ODD 8 prône également « un travail décent pour tous », corrélant la recherche de croissance à un autre but que le seul profit. Bref, même si tout n’est pas parfait, comme le déclare René Longet[8], expert du développement durable bien connu à Genève, à l’ONU ce 27 mars : « Si déjà nous réussissons à mettre en œuvre les ODD, l’humanité sera sur le bon chemin. »

L’urgence d’un « nouveau contrat social mondial »

La conférence de ce lundi est ouverte en musique par Maurice Romanovitch, ancien pianiste d’Edith Piaf et de Jacques Brel et animée par Maurice Simon, élu à la Ville de Gaillard et ancien Président de la Ligue des Droits de l’Homme de Haute-Savoie. Ce dernier en appelle à s’impliquer dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 qui ne constitue pas moins à ses yeux qu’un « nouveau contrat social mondial ». Pascale Fressoz, présidente de l’AIODD et grande prêtresse de la journée, rappelle ensuite le caractère universel des 17 ODD qui s’adressent tout autant aux pays du Nord, bien loin d’être exemplaires en matière de durabilité. Puis les témoignages s’enchaînent durant deux heures, tant en tribune que par écran interposé. Rajagopal P.V, célèbre activiste indien non-violent, qui en octobre dernier, en visite en Europe, s’était rendu sur la ZAD de la Clusaz[9], intervient notamment en visioconférence depuis l’Inde. Pour l’initiateur de la grande marche Jai Jagat Delhi-Genève pour la justice et la paix[10], la mise en œuvre d’une culture de la non-violence et de la paix est « le seul moyen de réconcilier l’être humain et la nature ». Solène Brabant, du DCAF[11], de même que Ndoye Ngone, ancienne ministre sénégalaise, livrent toutes deux un vibrant plaidoyer en faveur de la nécessaire égalité des genres, les femmes jouant un rôle central, en Afrique et partout ailleurs, dans la prévention des conflits et la préservation du patrimoine naturel et culturel. D’où la centralité de l’ODD 5[12] dans la réalisation de l’Agenda 2030. Alfonso Gomez, Conseiller administratif et prochain Maire de Genève, insiste sur le rôle fondamental de la jeunesse dans la réussite des ODD, présente en nombre dans la salle de l’ONU, tandis que Jérôme Bonnafont, ambassadeur et Représentant permanent de la France auprès de l’Office des Nations unies à Genève, souligne le rôle historique croissant et désormais central de la société civile internationale dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030. La conférence s’est achevée peu après 17h avec un appel à signer un Manifeste Paix et Durabilité.

Une feuille de route nécessaire

Au-delà des discours habituels pro domo de ce genre d’exercice, qui plus dans l’enceinte des Nations Unies, toujours difficile d’accès, cette conférence a eu au moins le mérite de mettre en exergue cette feuille de route évidente que sont les 17 ODD de l’Agenda 2030. Car sept ans après leur adoption et à mi-parcours, ceux-ci sont encore bien loin d’être mis en œuvre ou ne serait-ce que suffisamment connus. Si les mots ont encore un sens, cet Agenda 2030, bien qu’imparfait, est donc tout de même le plan le plus universel et le plus ambitieux dont se soit dotée l’humanité à l’échelle globale pour tenter de garantir à la fois sa survie en paix et les conditions d’habitabilité de la planète. Si les dirigeants de la planète s’en servaient réellement comme feuille de route, comme ils s’y étaient pourtant engagés en septembre 2015, notre planète et les peuples qui y vivent s’en porteraient mieux. Ne serait-ce qu’en France, si Emmanuel Macron et son gouvernement actuel s’en emparaient comme feuille de route plutôt que d’imposer au forceps une réforme des retraites rejetée par la majorité des Français, notre société en serait d’autant plus pacifiée.

Pour paraphraser Churchill, peut-être finalement que « l’Agenda 2030 est le pire des programmes, à l’exclusion de tous les autres.» Il mérite en tous cas d’être davantage connu comme nécessaire outil de pression sur nos dirigeants, car il s’avèrera plus difficile de pouvoir qualifier l’ONU d’« éco-terroriste ».

Benjamin Joyeux

[1] Tout le programme sur https://www.aiodd.org/colloque-onu/

[2] Voir https://www.aiodd.org/

[3] Voir https://www.un.org/fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf

[4] https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd1-eliminer-la-pauvrete-sous-toutes-ses-formes-et-partout-dans-le-monde

[5] https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd16-promouvoir-l-avenement-de-societes-pacifiques-et-ouvertes-aux-fins-du

[6] https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd17-partenariats-pour-la-realisation-des-objectifs

[7] https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd8-promouvoir-une-croissance-economique-soutenue-partagee-et-durable-le-plein

[8] Voir son blog : https://blogs.letemps.ch/rene-longet/

[9] Lire https://librinfo74.fr/rajagopal-figure-indienne-de-la-non-violence-en-visite-a-la-cluzad%EF%BF%BC/

[10] Lire https://lvsl.fr/jai-jagat-les-heritiers-de-gandhi-sur-la-route-pour-un-monde-qui-marche/

[11]  Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité de Genève, voir https://www.geneve-int.ch/fr/centre-pour-le-controle-democratique-des-forces-armees-dcaf-0

[12] Voir https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd5-realiser-l-egalite-des-sexes-et-autonomiser-toutes-les-femmes-et-les

Auteur: Benjamin Joyeux

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