La FRAPNA et les Amis de la Terre lancent la bataille contre les canons à neige du Semnoz

 Le SIPAS (Syndicat intercommunal de protection et d’aménagement du Semnoz) a voté récemment l’investissement dans des canons à neige. Alors que le réchauffement climatique se confirme pour l’avenir, cette décision inquiète la Frapna et les Amis de la Terre qui voient là une atteinte à la biodiversité, en contradiction avec la Coop 21.

 

Annie Collinet, membre du conseil d’administration de la Frapna, chargée du Semnoz, ne décolère pas. « La Frapna s’intéresse depuis longtemps au Semnoz, ne serait-ce qu’à travers l’animation du jardin botanique. C’est un observateur de la Frapna qui nous a alertés de ce vote du Sipas. Mais nous avions déjà été alertés lors de l’enquête d’utilité publique, réalisée comme par hasard en plein été 2017, au sujet de l’investissement d’un télémix (cabines + télésièges) pour 7 millions d’euros. Nous avions organisé une mobilisation afin de faire part de contributions individuelles et collectives. Elles n’ont pas été prises en compte. »

 

Enneigement non garanti, avec ou sans canons

 

Le Sipas rétorque que c’est une question de sécurité en ce qui concerne les enfants sur les télésièges, nécessitant l’accompagnement d’un adulte. « Ce n’est pas obligatoire, » clame Annie Collinet. Elle s’y connaît puisqu’elle a souvent accompagné des enfants là-haut et ailleurs pour le Sous des écoles. La Frapna déplore cet investissement alors que l’enneigement n’est plus garanti. Même sentiment pour les canons à neige. « La Cour des comptes elle-même, dans un récent rapport, au vu du changement climatique, demande de ne pas investir mais de diversifier les activités. » Résultat, cet investissement pour un télémix, au mépris de l’enquête d’utilité publique, a été acté en septembre dernier. « Déjà, la neige de culture était évoquée. » Et voilà que quelques mois après, l’achat d’enneigeurs mobiles a été à son tour décidé. « C’est un nouveau suréquipement voté sous la pression des lobbys du ski, alors que la neige n’est plus garantie, vu que la température monte d’année en année. »

La saison a été correcte cette année. Mais attention, combien d’autres ont été écourtées par le passé ? Statistiquement, on remarque bien que la température grimpe tandis que l’enneigement diminue. En prospective, les stations situées entre 1000 et 1700 m (altitude du Semnoz) sont menacées dans l’avenir immédiat.

                                    Anne Collinet, membre de la FRAPNA

« On considère que c’est beaucoup de moyens mis en œuvre pour une seule activité. Comme le Semnoz est proche d’Annecy, il faut diversifier. L’été, il y a du monde, notamment avec la luge d’été. L’hiver, elle n’est pas utilisée. On mise tout sur la neige, comme si le Semnoz était une station de ski – il n’y pas ou peu d’hébergement -, pas d’eau ou peu. »

On peut rappeler que le Sipas s’est constitué à l’origine pour protéger ce site de la construction immobilière et empêcher l’ouverture d’une vraie station.

 

L’eau, un enjeu majeur

 

« Depuis des années, une petite retenue d’eau est utilisée pour les troupeaux. Et l’été, la quantité se réduit. A l’époque, quand elle a été ouverte, on nous répondait qu’elle était prévue pour les alpagistes, pas pour la neige de culture ! »

Le relief karstique retient peu l’eau qui s’infiltre. « Le Sipas dit que si l’eau venait à manquer, les alpagistes n’auraient qu’à augmenter la capacité de la retenue ! »

La biodiversité est également menacée, non seulement par l’addition d’adjuvants (Snowmax) éventuels afin de produire la neige à température plus élevée, mais aussi par le détournement de l’eau, la fonte tardive de cette neige artificielle glacée empêchant la flore de sortir, l’évaporation à la sortie des canons. « D’autre part, les communes, qui ont voté ce choix, risquent elles-mêmes d’être impactés par le manque d’eau – c’est arrivé à Saint-Gervais et La Clusaz. Je crois que les stations comme Aillons mettent en commun leurs ressources pour utiliser la neige existante. »

Le Sipas avance la nécessité de ces installations pour la piste enfants. « On nous leurre, sachant qu’après on élargira à d’autres pistes, déjà réclamé par le directeur de la station.  On tire sur la corde jusqu’au bout du bout. Il faudrait apprendre à ces enfants à respecter la nature. Quand je les accompagnais, on skiait au Semnoz, et ailleurs, en fonction de l’enneigement, leur faisant découvrir d’autres lieux. On n’apprend pas à skier qu’au Semnoz. »

Il est vrai qu’il y a encore vingt ans, quand il n’y avait pas de neige, on ne skiait pas. On savait patienter en respectant la nature.

 


Quelles actions à venir ?

 

« On a déjà joué un rôle d’alerte car le vote du Sipas s’est déroulé en toute discrétion. Nous avons des retours de Facebook. La Frapna réclame un débat avec le Sipas avant qu’il ne disparaisse dans l’agglomération annécienne au 31 décembre 2018. Nous voulons participer à cette agglomération et au contrat de territoire. Cette question du Semnoz doit être traitée dans ce cadre et en présence de tous les acteurs. Nous sommes contre ce raisonnement à court terme du Sipas. »

Les responsables du Sipas pourront venir s’expliquer lors de l’assemblée générale de la Frapna le 5 mai au lycée Baudelaire. Annie Collinet lui rappelle que la structure s’était constituée afin de prévenir de l’implantation d’hébergements en s’engageant sur le refus de mettre des canons à neige.

« L’agglomération annécienne ferme-t-elle les yeux ? Que cela cache-t-il ? On demande donc de participer à ces réunions de contrat de territoire au sujet de l’eau, à être associé sur les études d’impact, et on demande au conseil départemental d’inscrire le Semnoz dans les « Espaces naturels sensibles. »

 

Amis de la Terre : « canons et tunnel, variante du pompier pyromane »

 

Par la bouche de Bruno d’Halluin, les Amis de la Terre s’insurgent contre la décision du Sipas. « Ils ont voté le 14 mars dernier l’équipement de canons à neige. Or, les mêmes élus ont voté en 2016 une convention de financement pour des projets routiers dans le bassin annécien, dont le principal est le percement d’un tunnel sous le Semnoz. N’est-on pas là devant une nouvelle variante du pompier pyromane ? » interroge le porte-parole des ADT.

Pour lui le tabou de la protection du Semnoz tombe.

Il étaye son propos avec une étude commandée par le département et l’agglomération, à savoir l’étude BG (*). Celle-ci affirme que le tunnel générerait à l’horizon 2030 sur la rive ouest du lac d’Annecy 48 % de trafic supplémentaire par rapport à une situation sans tunnel – ceci en heure de pointe du matin en prenant la moyenne des hypothèses et des tronçons entre Duingt et Sévrier. « Ce trafic, poursuit Bruno d’Halluin, amènerait donc une forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en totale contradiction avec les objectifs français et européens sur le climat. »

Selon le projet SCAMPEI 2011 coordonné par Météo France : « Le principal résultat du projet est la diminution forte dès le milieu du 21 ème siècle de la durée d’enneigement de tous les massifs jusqu’à une altitude de 2500 m. » On dépasse les 1700 m du Semnoz. « Ainsi, ajoute le projet, à la fin du siècle, la durée annuelle d’enneigement est réduite de 80 % dans les scénarios les plus pessimistes, 50 % pour les plus optimistes. »

 

Rapport de la Cour des comptes

 

Les Amis de la Terre s’appuient également sur le rapport de la Cour des comptes de février 2018. Ce rapport annonce, « d’ici la seconde moitié du siècle, une modification sensible des conditions d’enneigement et l’élévation concomitante de l’altitude permettant la viabilité de l’exploitation des domaines skiables. » Pour la Cour des comptes, « l’objectif de préservation d’un enneigement suffisant conduit à recourir à des expédients coûteux qui seront difficilement soutenables : aménagement de nouveaux espaces skiables, déplacement en altitude, remodelage des pistes, apports de neige artificielle… Cette production de neige nécessite cependant des températures suffisamment basses, désormais moins fréquentes en début et fin de saison, mais aussi une ressource en eau dont la production, le stockage et le transport incombent souvent aux collectivités publiques. » Plus loin, on peut lire « qu’il s’agisse de dispositifs d’enneigement ou de retenues collinaires nécessaires à leur fonctionnement, ces investissements impliquent des financements importants engageant les collectivités sur le long terme alors que l’aléa climatique s’accroît. »

Enfin, « le tourisme doit rechercher une diversification prudente de l’offre d’activité et préparer la reconversion des sites les plus menacés. »

 

Porte ouverte à d’autres canons

 

Partant de ce constat et de ces prospectives, les Amis de la Terre et Bruno d’Halluin enfoncent le clou. « Plutôt que de remettre en cause les projets qui aggraveraient le réchauffement climatique, des élus ont donc décidé d’équiper le Semnoz de canons à neige. Une porte ouverte à d’autres. On sait que ces premiers enneigeurs ne suffiront pas puisque le climat poursuit son réchauffement – dixit les trois années les plus chaudes : 2015, 2016 et 2017. Et on peut penser que la tendance n’est pas prête de s’inverser puisque l’on continue à lancer des projets type tunnel sous le Semnoz. Ceux-ci participent à réchauffer la planète en général, le Semnoz en particulier. »

La boucle est bouclée. Et de conclure : « Si l’on veut à tout prix à la fois avoir une station du Semnoz enneigée et émettre toujours plus de GES, il va probablement falloir équiper peu à peu tout le domaine skiable, puis finalement abandonner la partie et laisser rouiller les canons par manque de froid pour les faire fonctionner. »

CQFD.

(*) Etude 2015 « Projet mobilité ouest : tunnel sous le Semnoz / BHNS 1508 / NVU » réalisée par le Groupement BG Ingénieurs Conseils et commandée par le CD74 et la C2A.

Auteur: Loïc Quintin

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