Henri Burin des Roziers : Une vie au service de l’émancipation des sans-voix et des sans terre

Ils et elles sont venues en nombre en ce dimanche 14 Janvier à la salle paroissiale de l’église du Pont-Neuf, d’Annecy pour rendre hommage à l’infatigable combattant épris de justice . Il aura marqué profondément ceux et celles qui ont croisé sa route au sein des associations, des syndicats, ses collègues, ses frères Dominicains, les peuples du bout du monde… Et pourtant, rien ne le prédestinait à construire une telle aventure !

Rester en lien avec la dure réalité du terrain : telle pourrait être sa devise.

Claude Billot ouvrit le chemin des témoignages avec émotion. Tous portent la trace de l’engagement  humaniste de ce Dominicain. Il y a des dates qui ont laissé trace dans l’Histoire. Ainsi quand il débarque sur Annecy au début des années 70, il sera embauché à la préfecture dans les services de la DASS. Il ne peut rester en dehors du quotidien. Il prend vite conscience que de nombreux droits sont spoliés en dépit de la législation, du Code du Travail (lui qui avait des études de droit)… Alors avec d’autres, il s’impliquera  au sein du Comité Vérité et Justice, lors de la mort d’un « clochard », les marginaux, les gens du voyage,  les bûcherons de Thorens, les exclus… Bref, tous ceux et celles dont les puissants ne veulent pas voir; jusqu’à menacer leur existence. Ces années  sont aussi marquées par le conflit des LIP sur Besançon, il fallait être aux côtés de ceux et celles qui revendiquent une autre façon de construire un autre rapport au travail, soutenir les organisations syndicales.

De même, avec l’ASTI, l’ALAP, dans la vallée de l’Arve, sur Marnaz et Scionzier, il défendra les travailleurs migrants victimes de racisme, dénonçant leurs conditions de vie exécrables dans des taudis, face aux patrons décolleteurs. Il restera toujours  sensible, attentif, disponible et quoiqu’il en coûte. Même si en Haute-Savoie, il dut subir les pressions et menaces d’élus locaux, il y eut toujours cohérence entre les valeurs de l’Évangile et la lutte pour la justice. «  Même si je travaille et vis entièrement pour le peuple opprimé, je me sens loin d’une certaine façon du peuple, des familles, de leur vie quotidienne, de leur personnalité. C’est le moment de me faire plus proche, de me réinsérer, de regarder leur vie toute simple, quotidienne et d’écouter. » ( Gurupi 23 Février 1980).

 

En route vers le Brésil à la fin des années 70…

Il s’engage pour comprendre la situation faites aux Sans Terre, du fin fond de l’Amazonie, en des temps de dictature qui dura jusqu’en 1985. Henri y restera 35 ans.

Il ne cessa de mobiliser l’opinion publique et les médias avec la Commission Pastorale des Sans Terre, aidé aussi par Xavier Plassat. « Celui qui n’a pas compris ce qu’est l’exploitation de l’Homme par le capitalisme n’a qu’à venir ici et notamment dans la partie centrale du Brésil. Cela vous prend aux tripes », écrivait-il.

Les « Les fazendeiros », grands propriétaires terriens se livraient à une exploitation féroce des paysans sans terre, ce n’était ni plus ni moins que de l’esclavagisme et des atteintes profondes aux Droits de l’Homme. On ne peut rester muets lorsque des assassinats se produisent. « La situation de ce peuple est terrible; quand il ne meurt pas de faim et a un lopin de terre, il est pourchassé par la police, battu, torturé, menacé par les tueurs à gages. Il y a ici des paysans en très grand nombre qui ont été chassés  quatre ou cinq fois de leurs terres et ont parcouru déjà des centaines de kilomètres à la recherches d’autres terres : c’est l’Exode du peuple de Dieu. Aujourd’hui, c’est l’Évangile des Béatitudes et dans ce contexte au milieu de ce peuple de pauvres persécutés, luttant pour la justice et la paix, désarmé, démuni et sans aucune violence, cette lecture prend une force extraordinaire… Ce qui m’étonne le plus est la sérénité de ces paysans au milieu de ces souffrances et de ces menaces. Au moment où la mort les frôle à tout instant, ces gens continuent à plaisanter, à rire, à chanter, à bavarder de tout et de rien ». (Xingara 4 Novembre 1979)

Toutes les personnes présentes à cet hommage sentirent la cohérence et le lien entre les luttes menées ici en Haute-Savoie et celles du Brésil. Cela ne peut que nous éclairer sur ce que nous vivons présentement ici, sur le terrain. « Nous avons à faire aux mêmes adversaires ».

J’ai pu m’en rendre compte lors des Forums Sociaux Mondiaux de Porto Alegre au Brésil, où je me suis rendue dès les années 2000. J’eus l’immense bonheur de rencontrer et discuter avec  les représentants du mouvement des Sans Terre(MST).

Paulo Freire leur compatriote leur ouvrit des perspectives pour ne pas désespérer : Pelo Reencantamento do Mundo.( Cela se passe de traduction)  » La paix se construit face aux réalités sociales destructrices. La paix se construit avec l’édification constante de la justice sociale.

On ne peut oublier de telles paroles. Ne trahissons pas ceux et celles qui se lèvent pour lutter.

NB : Il nous faut citer le livre de Sabine Rousseau « Comme une rage de justice » éditions du Cerf, consacré à Henri Burin des Roziers

Auteur: Colette CHARLET

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