Glyphosates, on en reprend pour cinq ans

Qu’en pensent les syndicats agricoles (*), la Frapna ou des techniciens ?

Cet herbicide est classé depuis 2015 comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche sur le cancer. Depuis, un panel d’experts de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et de l’O.M.S a estimé en 2016 qu’il est improbable que le glyphosate soit cancérigène par voie alimentaire. Des appréciations similaires ont été rendues par l’Autorité européenne de sécurité des aliments ainsi que par les différentes agences nationales ayant été chargées récemment d’évaluer le risque sanitaire du glyphosate. L’Europe vient de l’autoriser pour cinq ans. Qui croire ?

 

La Confédération paysanne de Haute-Savoie, par la voix d’un de ces deux porte-parole, Pascal Borghini, donne sa position. « C’est une position nationale sur les pesticides. Cela concerne surtout les grandes cultures. Mais il faut baisser au maximum ces pesticides et donner plus de moyens pour accompagner les agriculteurs dans leur conversion. L’ADDEAR (Association départementale pour le développement et l’emploi agricole et rural) fournit des outils pour cela. Il convient de sensibiliser à une agriculture paysanne. On doit entrer dans des méthodes différentes : des cultures sous couvert avec des semis sous couvert, réfléchir à des variétés rustiques, au non labour. Bref, changer les mentalités. Ici, en Haute-Savoie, il y a peu de grandes cultures. »

Sauf dans les vallées, pourrait-on ajouter.

 

Bon sens paysan urgent

 

La Confédération parle de bon sens paysan. Il est temps de le remettre en place dans ce monde voué aux grands groupes, type Monsanto. La Confédération appelle des deux pieds à la transition. « Le Glyphosate n’est pas nouveau. Ceci dit, il faut développer le bio et être clair vis-à-vis de la nature. » Repousser l’annulation – rêvons – à cinq années, avec l’idée de s’en passer complètement, « ce n’est pas un retour en arrière, au temps de la préhistoire, mais c’est s’interroger. »

Pascal Borghini travaille en maraîchage à Passy, sur deux hectares, sans tracteur.

Marc Peyronnard, quant à lui, est un ancien agriculteur de l’Isère. Puis il a fait des recherches dans le milieu phytosanitaire pour le quitter pour des raisons éthiques et s’installer comme maraîcher. Il est retraité. « La Haute-Savoie est peu concernée, et en Rhône-Alpes, ce sont les cultures de maïs et de céréales qui le sont. Il y a des enjeux commerciaux. Le tichogramme est une alternative. Les trichogrammes (insectes) sont utilisés comme agents de lutte biologique contre plusieurs lépidoptères ravageurs, dont la pyrale du maïs. Il n’y a donc pas besoin de traitement. »

Pour lui, on peut se passer du glyphosate en bio et il ne faut pas laisser les sols nus après une moisson en le couvrant avec une graminée. Celle-ci apporte de l’azote à la terre.

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

«C’est le système qui a créé cette situation. Il a augmenté les surfaces cultivées. Il faut faire vite et le glyphosate, comme les autres pesticides, facilite la tâche avec un coût relativement modique, en main d’œuvre également. Avec les méthodes naturelles, la main d’œuvre est plus importante. En outre, poursuit le technicien, le glyphosate, lié aux sols nus en été, sans récupérer l’énergie de la photosynthèse, participe du réchauffement climatique. »

Il clame que le bio n’est pas un retour en arrière, mais un progrès, ainsi que l’agroécologie (le rendement avec ces méthodes est plus fort qu’en 1960, début de l’agriculture intensive). « La transition avant l’arrêt permettra de mettre en place des alternatives. »

Espérons que l’éthique, pour laquelle il a quitté le milieu phytosanitaire (une dénomination inventée par les industriels pour troubler le public), atteindra enfin un jour – rêvons encore – les lobbies et officines divers.

 

Une décision de santé publique

 

Enfin, Eric Féraille, président de la région Frapna, et médecin chercheur, n’y va pas par quatre chemins. « Il faut arrêter le glyphosate immédiatement – interviewé avant la décision européenne – car il existe des preuves suffisantes sur l’aspect cancérigène de cet herbicide. L’analyse est exhaustive depuis 2015. Il est classé cancérigène probable, avant dernière marche sur une échelle de 3. Il manque une preuve expérimentée par l’homme. C’est comme la cigarette. C’est long. Les firmes se battent et diffusent de fausses informations. »

La Frapna a des contacts avec des agriculteurs. « Il y a des alternatives agronomiques et la Frapna milite pour que la FNE demande l’arrêt immédiat. On peut se passer de glyphosate… en bio. »

C’est clair. Ça l’est encore plus quand le président-médecin affirme que le glyphosate débouche les tuyaux, décape tous les métaux, capte les oligo-éléments du sol, qui meurt, la plante meurt… et nous. « On en trouve partout, dans les nappes phréatiques, c’est une contamination totale. »

Eric Féraille insiste sur la sensibilisation du public pour que les consommateurs mettent la pression. « C’est la nécessaire conscience collective. Il faut savoir que d’autres pesticides ont été interdits. Ce n’est certes pas le pire, mais il donne le cancer : un lymphome, aussi plus rigoureusement appelé lymphome malin ou lymphosarcome, est un cancer du système lymphatique.

« C’est une décision de santé publique de le retirer. »

L’Europe serait-elle peu soucieuse de la santé de ses ressortissants ?

 

(*) La FDSEA, contactée à plusieurs reprises, n’a pas répondu.

 

 

 

Auteur: Loïc Quintin

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