Yallah Gaza, un film pour donner un visage aux Palestiniens

Alors que les chiffres du nombre de morts dans la Bande de Gaza défilent quotidiennement sur nos écrans depuis des semaines, le film Yallah Gaza en salle actuellement, pose des visages sur le peuple gazaoui et nous rappelle très utilement qu’il s’agit d’êtres humains en chair et en os, victimes de la barbarie de la guerre et d’un projet colonial qui ne veut pas dire son nom :

Roland Nurier au cinéma Le Parnal, le 6 déc. 2023 ©Benjamin Joyeux

Gaza, des visages, des figures

Ce mercredi 6 décembre au soir, le froid ambiant et le verglas n’ont pas découragé les dizaines de spectateurs qui se sont rendus au petit cinéma indépendant Le Parnal à Thorens-Glières, afin de voir le dernier film documentaire du réalisateur Roland Nurier. Intitulé Yallah Gaza[1],ce film tourné en 2021 et 2022 donne la parole à un certain nombre de spécialistes et d‘habitant.e.s de ce petit territoire de 360 km2 sur lequel vivent et désormais tentent de survivre plus de 2 millions de personnes, en faisant un des endroits les plus densément peuplés de la planète.

Les nombreux témoignages qui égrènent le film permettent d’abord de remettre dans une perspective historique cette enclave coupée du monde, coincée entre Israël, l’Egypte et la Méditerranée. Depuis l’Antiquité, la ville de Gaza, fondée vraisemblablement en 1500 av. J.C, est un important carrefour stratégique d’échanges sur la côte méditerranéenne. Lieu imprégné d’une histoire plurimillénaire, le film nous rappelle que Gaza est bien plus que ce « repère du Hamas » tel que résumé actuellement dans la plupart de nos médias, mais un territoire très riche culturellement.

L’université al-Aqsa par exemple, fondée en 2000 dans la Bande de Gaza, est un des établissements universitaires les plus prestigieux du monde arabe.  Elle accueillait jusqu’alors environ 17 000 étudiant.e.s (et de très nombreuses jeunes femmes dont certaines témoignent dans le film de Roland Nurier) qui se formaient dans ses sept facultés à l’art, à l’éducation, aux humanités, aux médias, aux sciences appliquées, à la finance ou encore au sport. Aujourd’hui al-Aqsa est en ruine, et le réalisateur n’a pas de nouvelles des professeur.e.s et étudiant.e.s témoignant dans son film, peut-être morts sous les bombes israéliennes depuis lors.

La force de Yallah Gaza est de faire témoigner des experts internationalement reconnus, comme Jean-Pierre Filiu[2], professeur à Science Po Paris, Eléonore Merza Bronstein[3], anthropologue, ou encore l’ancien journaliste spécialiste du Moyen-Orient au Monde Sylvain Cypel[4], avec des habitant.e.s de Gaza de toutes origines sociales, cadres onusiens, professeurs, pêcheurs et agriculteur, etc. Une jeune joueuse palestinienne de football, répondant au doux nom d’Al-Amour, balle au pied et foulard sur la tête, tient même face caméra des propos féministes susceptibles de mettre en PLS l’ensemble de l’équipe de L’Heure des Pros sur CNews.

Remède aux procès en antisémitisme

Une fois passées les 101 minutes du film de Roland Nourier, il est difficile de voir les lumières de la salle se rallumer pour revenir à la triste réalité et se dire que de nombreux protagonistes du film sont peut-être morts.

Yallah Gaza ne tombe pas pour autant dans le manichéisme en donnant également la parole à un certain nombre d’Israéliennes et d’Israéliens, dont un ancien responsable militaire de Tsahal, qui refusent de cautionner le projet néocolonial en cours à Gaza et dans les territoires palestiniens et séparent très clairement la critique, légitime, du sionisme israélien le plus virulent, niant les droits du peuple palestinien, de l’antisémitisme.

Pourtant, ce terrorisme intellectuel consistant à accuser d’antisémitisme toutes celles et ceux qui se permettent de critiquer la politique d’Israël vis-à-vis des territoires palestiniens est bien répandu ces derniers temps, et en particulier depuis les attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier. En France, c’est un argument récurent pour décrédibiliser toute expression, par ailleurs légitime, de solidarité avec le peuple gazaoui actuellement massacré sous les bombes israéliennes (les spécialites parlent aujourd’hui de plus de 20 000 morts et plus de 100 000 blessés, dont une majorité de femmes et d’enfants, à Gaza !)

Yallah Gaza, en donnant la parole aux principaux concernés des deux côtés, tout en choisissant le parti pris de ne pas laisser de place aux partisans du colonialisme israélien, aujourd’hui au pouvoir à Tel-Aviv, permet d’éviter les pièges rhétoriques des réactionnaires des deux camps.

On souhaite une longue vie au film et rendez-vous devant la préfecture à Annecy, samedi 9 décembre à 14h, pour réclamer à nouveau un cessez le feu immédiat à Gaza. Car comme le dit le rescapé de la Shoah Joseph Weismann : « on ne doit jamais accepter l’inacceptable ! »

Benjamin Joyeux

[1] Qu’on peut traduire dans l’esprit du film « en avant Gaza ! »

[2] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Filiu

[3] Voir https://be.linkedin.com/in/eleonoremerzabronstein

[4] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvain_Cypel

Auteur: Benjamin Joyeux

Partager cet article :

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.