Du 6 au 19 octobre, c’est la 36e édition des Semaines d’information sur la santé mentale (SISM)[1]. A cette occasion avait lieu à l’ECREVIS ce samedi toute une journée d’ateliers et de conférences autour du thème de la santé mentale. L’occasion de faire le point avec des professionnels sur un sujet qui nous concerne toutes et tous, depuis nos foyers sur nos territoires jusqu’à l’Elysée où un Président forcené s’est retranché :
Un beau soleil d’octobre enclenche des sourires et réchauffe les visages en ce samedi matin, tandis que des dizaines de personnes comment à influer vers le tiers-lieu devenu le plus célèbre de Haute-Savoie, l’ECREVIS[2]. Avec la quarantaine de collectifs qui s’y réunissent régulièrement et ses plus de 2000 adhérents, c’est devenu un lieu incontournable depuis sa création en 2018, accueillant désormais des évènements officiels comme cette journée intitulée « Santé mentale, toutes et tous concernés ».

Programme de la journée devant l’ECREVIS le 11.10.2025 ©Benjamin Joyeux
Une véritable pandémie
Et il ne s’agit pas que d’une formule, car les chiffres sont tenaces. Voyez plutôt : en France chaque année, ce sont environ 13 millions de personnes qui présentent un trouble psychique. Et si l’on en croit tous les sondages et déclarations effectuées sur le sujet, 53 % des Françaises et Français indiquent avoir connu un épisode de souffrance psychique au cours des 12 derniers mois, soit légèrement plus d’une personne sur deux dans tout le pays[3]. Le précédent gouvernement, lequel, on ne sait plus trop, a ainsi fait de la santé mentale la « grande cause nationale de 2025 », autour du slogan « Parlons santé mentale ! ».
Parler et communiquer c’est bien, mais agir concrètement ce serait mieux, étant donnée l’ampleur du désarroi actuel d’une grande partie de la population. Les jeunes sont particulièrement touchés par les problématiques de santé mentale, notamment depuis 2020 et les différents épisodes de confinement avec la pandémie de Covid 19. D’après les chiffres soulignés par l’Association santé Environnement en Auvergne-Rhône-Alpes (SERA)[4], 58 % des lycéens de la région rapportent par exemple des plaintes psychologiques ou somatiques récurrentes, au moins deux fois par semaine sur les six derniers mois. Par ailleurs, 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois, et les filles sont nettement plus concernées que les garçons (31% contre 17%).
Pourtant face à cette véritable crise sanitaire, la situation de la psychiatrie en Haute-Savoie comme ailleurs n’a cessé de se dégrader, avec des capacités d’accueil et de soins publics qui ont fermé les unes après les autres[5].
Alors il est visiblement grand temps de se retrousser les manches pour que tout le monde puisse s’emparer de ce sujet, ce qui est tout l’objet de la journée de réflexion de ce samedi organisée par KOLLAO[6], l’UNAFAM[7], Gaia SAMSAH le Bilboquet[8] et l’ECREVIS en partenariat avec la ville d’Annecy. Ateliers, fresques, projection de documentaire et témoignages sont prévus tout au long de la journée.
La santé mentale, c’est politique !

Débat avec Jérémy Gallot et Dr Céline Roussel (à gauche), à l’ECREVIS le 11.10.2025 ©Benjamin Joyeux
Une grande conférence prend place à 14h et pendant près de deux heures dans la grande salle du rez-de-chaussée sur le thème « psychiatrie et politique en France », en présence notamment de Jérémy Callot, directeur du centre annécien de psychiatrie ambulatoire (CAPA[9]) et Dr. Céline Roussel, psychiatre au CAPA.
Ils dressent tous les deux (interviews à écouter ci-dessous) un panorama historique de la « folie avec tout son cortège de stigmatisations », expliquant « comment la psychiatrie et la politique se sont mutuellement influencées en France ». Des patients enchaînés au 18e siècle (avant que le Dr Philippe Pinel[10] ne bouleverse le regard sur les aliénés) aux malades parfois surmédicalisés d’aujourd’hui, on voit comment l’évolution de la psychiatrie a suivi celle de la société tout entière et de son rapport aux « fous » et autre « marginaux ». La question est de savoir si la psychiatrie est aujourd’hui « un outil d’émancipation ou un instrument de normalisation », en devant nous poser la question de ce qu’est « la norme dans une société malade » comme le souligne Jérémy Callot.
S’en suivent d’autres ateliers et témoignages avant que la musique ne prenne place sur la scène en extérieur en fin d’après-midi.
Au regard des chiffres du mal être actuel de la population, parler de santé mentale comme on l’a fait à l’ECREVIS tout ce samedi n’est sans doute pas suffisant, mais c’est déjà ça pour celles et ceux qui étaient présents, ayant peut-être dans un coin de la tête la situation politique actuelle du pays, avec un Président qui s’acharne à ne pas vouloir écouter son peuple en renommant un Premier ministre démissionnaire toujours sans aucune majorité. Cela aussi relève de la santé mentale, ce que les Grecs appelaient hubris, ou la « démesure ». Peut-être un trouble de la personnalité narcissique[11] chez Emmanuel Macron ?
Cornelius Castoriadis semblait toucher juste quand il écrivait : « L’homme est cet animal fou dont la folie a inventé la raison. »
Benjamin Joyeux
[1] Voir https://www.semaines-sante-mentale.fr/
[2] Pour Espace Commun de Rencontres Extraordinaires Vecteur d’Idées à Suivre, voir https://ecrevis.eco/site/
[3] Voir les chiffres officiels sur https://travail-emploi.gouv.fr/la-sante-mentale-grande-cause-nationale-2025
[4] Voir https://www.sera.asso.fr/index.php/la-sante-mentale-grande-cause-de-lannee-2025-a-annonce-le-premier-ministre/
[5] Lire notamment notre article d’octobre 2023 : https://librinfo74.fr/la-cgt-denonce-la-situation-catastrophique-de-la-psychiatrie-en-haute-savoie/
[6] Voir https://culturelab.fr/dispositif-kollao/
[7] Voir https://www.unafam.org/
[8] Voir https://gaia74.com/poles-gaia/pole-sante/samsah-bilboquet/
[9] Voir https://capa-annecy.fr/
[10] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Pinel
[11] Voir https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-mentaux/troubles-de-la-personnalit%C3%A9/trouble-de-la-personnalit%C3%A9-narcissique