Ce 6 décembre, la galerie de Bonlieu accueillait l’exposition « Des camps du Roussillon au plateau des Glières, les Républicains espagnols”. Ces photos prises en 1938 – 1939 par Philippe Gaussot, engagé bénévole dans les organismes humanitaires, retrace le désespoir et l’errance sur les chemins de l’exil de ces réfugiés espagnols fuyant le franquisme, vers des camps de réfugiés qu’ils appellent des camps de concentration. Des photos visibles jusqu’au 30 décembre.
Il y a des moments où l’Histoire nous saute à la figure comme un boomerang acéré.
Alors que l’extrême droite continue sa progression dans le monde dans l’indifférence générale, comme celle qui a accompagné Hitler, les photos de Philippe Gaussot sur l’exode des réfugiés espagnols fuyant le franquisme, nous pénètre par les yeux jusqu’au plus profond de nous.
C’est grâce à un petit groupe actif des associations de mémoire historique, celle du 24 Août 1944, la Nueve (Paris), et celle de L’Amicale de la Résistance espagnole (Annecy), que ces photos ont été accrochées aux regards des annéciens, avec le concours de la ville d’Annecy.
Hélios Serrate, est intervenu pour décrire son arrivée en France avec ses parents et son frère Crisol, qui a contribué à la mise en place de l’exposition : «
Une quarantaine de personnes issues des associations hispaniques, des milieux culturels et des mouvements solidaires des résistants espagnols contre le régime ignoble et sanguinaire de Franco, ont pu découvrir ou redécouvrir cette période tragique évoquée par le représentant l’association du 24 Août 1944, devant les adhérents à l’amicale de la résistance espagnole, très actifs à Annecy, et par Jean-Philippe le fils de Philippe Gaussot, qui nous a révélé la découverte de ces photos lors d’un déménagement : ”jamais mon père ne m’avait révélé ce pan de son histoire, proche de ces milliers de réfugiés qu’il a pu suivre, aidé, accompagné et photographié pour laisser une trace de leur souffrance. »
L’exposition est divisée en deux parties.
D’une part. la série de photos Philippe Gaussot et les camps d’enfants du Comité national catholique (1937-1940) représente l’accueil des enfants basques et catalans envoyés en France pour échapper aux horreurs de la guerre. L’exfiltration des enfants de Catalogne et du Pays Basque en fonction de l’avancée des troupes de Franco et recueillis dans les centres de vacances des Pyrénées. Loin du bruit des fusils, ils ont pu retrouver le sourire sur les bancs de l’école ou en effectuant des tâches et des jeux collectifs.
La Retirada, l’exode des populations civiles et de l’armée vaincue
D’autre part, les camps (1939) montre les chemins et les circonstances difficiles de l’exil des réfugiés républicains. Gaussot a suivi pas à pas l’exode, en plein mois de février, sur des sentiers de montagne enneigés, pour atteindre un hypothétique refuge en France. L’accueil sera très décevant puisque, notamment les militaires de l’Armée populaire de la République, devront dormir sur les plages glacées des camps de concentration de Roussillon, fermés par des barbelés, gardés par des militaires armés, des spahis sénégalais, algériens et des gendarmes.
Ces négatifs représentent un témoignage exceptionnel et ont la qualité photographique des meilleurs photographes de l’époque. Malgré sa fonction de témoignage, relative à l’œuvre humanitaire liée au Comité national catholique, organisation d’aide religieuse dont il était représentant et délégué, ils transmettent au public non seulement le désordre de l’exode ou l’inquiétude et l’angoisse de ces gens, mais aussi la fierté, la dignité et surtout la combativité.JEC,
Philippe Gaussot, militant chrétien proche du Front populaire
Le photographe et militant humanitaire français Philippe Gaussot (Belfort, 1911- Chamonix, 1977) a joué, témoin avec son appareil photo, de différents épisodes de la guerre d’Espagne liés à l’aide humanitaire, comme l’organisation de camps d’enfants en France et le soutien aux réfugiés entrant en France. en février 1939.
A la fin de la guerre civile espagnole, aidé par plusieurs camarades catalans et basques, il traverse souvent la frontière pour ravitailler les républicains embourbés dans les désastres de la guerre. En février 1939, il effectue son dernier voyage clandestin et revient dans un camion chargé d’enfants et de femmes : « Notre dernier voyage fut à Puigcerdà, où j’ai conduit un camion de sept tonnes, avec l’aide de deux miliciens, dans des rues minées ».
Déjà en France, Philippe Gaussot et le Comité National Catholique animent plusieurs camps de concentration et contribuent à la création d’établissements pour accueillir femmes et enfants. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, ne pouvant être mobilisé en raison de problèmes de santé, il est nommé délégué national du Comité où il est chargé de la reconversion des exilés. Il transformait ainsi des avocats ou des commerçants en tourneurs ou en experts en sinistres. Il participe également activement à la résistance contre les nazis et s’engage dans les F.F.I (Forces françaises de l’intérieur).