Les Restos du Cœur, plus qu’un repas, un véritable accompagnement social

On connaît les Restos du Cœur surtout à travers la distribution alimentaire. Or, les bénévoles accompagnent socialement les bénéficiaires dans divers domaines, sans pour autant verser dans l’assistanat. Didier Lotte, président haut-savoyard, explique le fonctionnement.

 

Quand Coluche a lancé les Restos, il ne pensait pas que l’initiative allait devenir pérenne. Et pourtant, si les Restos n’existaient pas – au même titre que d’autres ONG caritatives-, beaucoup de gens ne pourraient s’alimenter et sortir de l’ornière. « Il est difficile d’exister. Les subventions nous font vivre avec les dons. Pourtant, les premières diminuent au niveau du département et des mairies, déplore Didier Lotte. Nous devons faire des manifestations pour récolter de l’argent : lotos, concours de belote, etc. N’oublions pas qu’à part cela, nous n’avons pas de recettes puisque la nourriture est distribuée gratuitement. »

Un budget difficile à équilibrer

 

Le budget de 280 000€ par an est difficile à équilibrer, 40% concernant rien que la location des locaux, dont l’entrepôt à Pringy. Il est vrai que les gouvernements successifs profitent bien de ces associations qui fonctionnent sur le bénévolat essentiellement. « Si l’on valorisait le bénévolat en équivalents temps pleins, en base SMIC chargé, cela reviendrait, pour 71 000 bénévoles en France, à 210 millions d’euros. »

Les subventions existent, mais à pas cette hauteur, évidemment.

Les bénévoles ne comptent pas leurs heures. A commencer par le président, aux Restos depuis trois ans, qui officie quelque 30h par semaine, « histoire de faire quelque chose de ma retraite, » dit-il modestement.

Ils sont 450 comme lui en Haute-Savoie répartis sur les huit sites : le siège à Pringy, les magasins à Faverges, Rumilly, Annecy, Annemasse, Thonon-les-Bains, Cluses et Thiez. Le plus gros se tient à Annecy, rue de Rumilly.

 

Un stockage impressionnant géré par des bénévoles

Diverses missions sociales

 

L’aide alimentaire est la plus connue. Moins visibles, de nombreux accompagnements existent. Comme l’aide à la personne, une des raisons d’être des Restos, afin que les personnes deviennent autosuffisantes. Elles sont aidées pour les démarches administratives, l’accès à la justice, les cours de français, la gestion du budget en micro-crédit, pour le passage du permis de conduire. Et puis aussi le départ en vacances de familles, quinze l’été dernier, en collaboration avec la Caisse d’allocations familiales et les chèques vacances. « Ils sont heureux de partir, » se réjouit Didier Lotte.

Par ailleurs, les Restos soutiennent les bénéficiaires pour la recherche d’emploi, et pour les envoyer gratuitement chez le dentiste, certains n’ayant pas de mutuelle, trop chère, ou encore chez le coiffeur. Bref, le rôle social des Restos est primordial. « Cela permet de les réinsérer, et leur redonne la confiance. En 1974, il n’y avait pas de chantiers d’insertion. En 2017, cent chantiers ont fonctionné. L’accueil est également soigné et les bénévoles font des stages de formation en ce sens. »

Il est vrai que quand on pousse la porte des Restos, on ressent immédiatement la chaleur humaine de l’accueil. La mission sociale s’est développée au fil des années. A Ambilly, un centre d’accueil neuf de 50 lits héberge les SDF pendant un à trois ans.

 

La qualité est fondamentale

 

Quant à la qualité de la nourriture, elle est très suivie. « Les aliments viennent du Fonds européen d’aide aux démunis. En France, ce sont la banque alimentaire, le Secours populaire, la Croix rouge et les Restos du Cœur qui en bénéficient. Cela concerne le lait, les conserves. S’ajoutent ce que les Restos nationaux distribuent via des entreprises, à raison d’une livraison par semaine. En mars, une collecte auprès des supermarchés a lieu (7000 tonnes en France, 100 tonnes en Haute-Savoie) pour la campagne d’été. Conserves, huile pâtes, pots pour bébés en sont l’objet. Dans le département, on reçoit des dons d’entreprises, comme Nestlé par exemple. Enfin, la ramasse complète le dispositif. S’appuyant sur la loi de 2014 qui rend obligatoire la distribution des invendus par les supermarchés, on collecte tous les matins sur Annecy. Sans oublier des boulangeries, et bien sûr les particuliers qui contribuent à approvisionner les stocks par leurs dons. »

Les bénévoles ne se contentent pas de distribuer. Ils orientent également les bénéficiaires pour qu’ils aient des repas équilibrés. Ils peuvent avoir sept repas par semaines. « On n’est pas là pour leur donner à manger, clame le président. On leur donne un coup de pouce. Une aide alimentaire peut être obtenue à condition qu’il y ait un reste à vivre. »

La qualité est une règle fondamentale, contrôlée par l’Etat.

Didier Lotte réagit à la question, volontairement provocatrice, de savoir si on ne donnerait pas à manger aux pauvres pour mieux les endormir. « D’abord, ils ne sont pas nourris sept jours sur sept. On peut entrer aux Restos, et ensuite on réinsère. Ce n’est pas de l’assistanat. Les gens ont une carte pour trois mois, renouvelable. Le suivi fait que l’on discute avec eux. Il y a même un psychanalyste. On a des accords avec la CPAM. Je le répète, les Restos ne sont pas là pour seulement nourrir, mais pour assumer un rôle humaniste. »

 

Plus 10% de bénéficiaires en un an

 

4000 personnes bénéficient des Restos sur le département. Bon an mal an, le nombre est à peu près équivalent. Par contre, entre 2016-17 et 2017-18, 10% de plus de bénéficiaires ont poussé la porte.

« Ce sont des retraités, des étudiants, des familles monoparentales, des actifs à faibles revenus, de plus en plus de migrants. »

Ainsi, 570 000 repas sont servis en Haute-Savoie par an. En outre des repas chauds sont servis aux SDF et migrants – problèmes pratiques de cuisson, par définition – le midi et le vendredi à 18h à Annecy, en partenariat avec la Sodexo et le lycée Gabriel Fauré.

Au fil des années, les Restos du Cœur évoluent, la demande augmentant. Pour le moment l’offre suit. Jusqu’à quand ? « Les bénévoles sont pour la plupart des retraités. Et il faut des responsables. Ce n’est pas évident. »

 

La réinsertion avant tout

 

« Quand un demandeur entre aux Restos, aucun jugement n’est porté sur la personne. Ensuite, en confiance, on l’écoute, on fait le point. Les retraités, vu l’état des petites retraites, restent. Les autres sont aidés pour qu’ils redeviennent autosuffisants. »

 

Auteur: Loïc Quintin

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