Les AMAP, ça progresse… mais sur fond d’inquiétude foncière

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Odile Hameau au milieu de ses « belles paresseuses »


Le Potager Balmontin, à Seynod-Balmont, a été créé voici une douzaine d’années. A l’origine, seize familles adhéraient au concept.

En 2016, le potager compte quelque soixante et une familles. Parmi ces adhérents, on recense aussi un restaurant et une crèche d’Annecy, et le centre Vallon, pour personnes handicapées. « Les professionnels de la restauration et du milieu social sont sensibles à la démarche », avance Odile Hameau, la responsable de l’AMAP de Balmont. Elle est heureuse de la progression du potager, en expliquant qu’avec la chambre d’agriculture et quelques maraîchers, ils ont mis au point une plate-forme de maraîchage en périphérie de l’agglomération annécienne. « Des jeunes sont venus », se réjouit-elle.

L’AMAP fonctionne avec un bon noyau d’adhérents, la plupart étant eux aussi jeunes, avec des enfants. « De temps en temps, on se réunit autour d’un barbecue. Les parents apprennent le goût et la terre à leurs enfants ».

 

Le grand Annecy inquiète les agriculteurs

Tout semble baigner. Et pourtant, Odile et ses confrères sont inquiets. « Il faut mettre un bémol à tout ça, car le gros problème reste le foncier. La pression est énorme. Le grand Annecy – qui verra le jour en janvier 2017 – inquiète l’agriculture. »

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Pour Odile, il très difficile d’acheter du terrain, même si celui où elle travaille est agricole, non bâti. Elle fonctionne avec 1ha 200, plus 1300 m2 de serres, les tunnels. Elle voudrait bien agrandir, mais alors il faudrait un employé supplémentaire. « Avec 61 familles, j’arrive à saturation. » Odile travaille seule. Des stagiaires ou des saisonniers lui prêtent parfois main forte. « Du 15 mai au 15 octobre, je travaille de 45 à 60h par semaine, et l’hiver à mi-temps. » Elle arrive à se « sortir » un smic mensuel, sans aide ni emprunt bancaire. C’est un choix de vie qui permet à des gens de mettre en pratique les circuits courts. Pour Odile, c’est l’avenir de l’agriculture périphérique des villes, mais attention à ce que les terres agricoles ne soient pas transformées en immeubles. « Après une chute des AMAP il y a six ans, elles sont reparties depuis 3 ans. Cela en partie grâce aux informations, films documentaires sur l’alimentation. Les gens veulent du bio. »

 

Les AMAP sèment l’avenir de l’agriculture périphérique

Une AMAP se tient à Rumilly (35 paniers), une autre à Cran-Gevrier (90 paniers) installée par la commune, une troisième et une quatrième à Meythet et à Annecy (Novel). On voit qu’elles se multiplient, mais Odile n’en démord pas. « D’un coup de baguette, ça pourrait partir en urbanisation. Chaque commune doit pouvoir préserver des terrains. »

Il y a de l’avenir dans le domaine, non nonobstant cette question foncière mais il convient de rester vigilant.


Pour animer l’AMAP, Odile diversifie.

Le plus du potager balmontin, c’est la livraison d’autres producteurs. Du poisson vient du lac du Bourget. On trouve aussi au marché de l’AMAP des œufs d’Allèves, des yaourts de Gruffy, du fromage de chèvre de Saint-François de Sales, du pain de Viuz-la-Chiésaz. « Cette diversification de produits locaux permet d’élargir le bio. L’AMAP du potager n’a pas le label bio – la charte des AMAP n’oblige pas à avoir le label -, mais elle n’utilise aucun pesticide ni entrants. « En outre, je suis des formations bio avec l’ADABIO. »

 

Travailler avec le vivant, ce n’est jamais simple

Titulaire d’un BEPA agricole, Odile se décarcasse et engrange les idées. Comme par exemple en envisageant de développer les fleurs comestibles et la bouquetterie pour les adhérents, les micro-entreprises. Quant au surplus de production, pas question de le jeter comme on peut le voir dans l’agriculture intensive. Elle le donne à une association, ELLES, de femmes en difficulté, à Cran-Gevrier. « Ici, on pratique le partage des récoltes. Si certaines saisons sont moins prolifiques (janvier, février, mars), d’autres compensent. Travailler avec le vivant, ce n’est jamais simple. Il peut   y avoir des pertes, notamment à cause de forts écarts de température. »

On le voit, les produits vendus sont garantis sains, mais derrière il y a tout un labeur et des coûts tels que les semences, les plants, les assurances, la mutuelle, le loyer, pour un chiffre d’affaires d’environ 50 000 €.

Alors l’avenir ?

Odile entend poursuivre jusqu’à sa retraite et former des jeunes. « J’aimerais former et transmettre à un porteur de projet – l’AMAP est conseillée par un agronome depuis trois ans -, mais il faudrait une parcelle en plus. »

Seulement voilà, l’épée du foncier plane au-dessus de sa tête. Odile comme ses confrères s’interrogent. Gageons qu’ils seront entendus et que les édiles ne céderont pas aux sirènes du profit bétonneur.

Auteur: Loïc Quintin

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