Le mal être des inspecteurs du travail

Ce film, présenté à La Turbine, met en scène le témoignage de 10 inspecteurs du travail.

Fanette Freydier, inspectrice du travail à Annecy, syndicaliste Sud-Travail, et Cécile Roth, inspectrice à la retraite, animèrent le débat, en présence d’ATTAC .

Depuis plus de deux ans, le droit du travail subit des attaques violentes accompagnées d’une série de lois mises en œuvre par ordonnances, décrets. Emmanuel Macron poursuit le chemin  des lois Rebsamen et El Khomri. Les inspecteurs du travail constatent de profonds changements en matière de protection des salariés et éprouvent de plus en plus de difficultés à agir, à dévoiler les atteintes aux droits.

 

Les inspecteurs s’interrogent sur le sens de leur mission

On opère des détournements et comme le décrivait Jean-François Delhaye, dans l’article de Librinfo74 : « Le macronisme n’est pas un humanisme : le gouvernement va traiter le problème en gestionnaire, en se soumettant aux lois du marché ».

Et pour cela, il faut créer les conditions de la soumission à tous les échelons en bafouant toutes les lois ratifiées par l’Organisation Internationale du Travail.

 

Un travail de « détricotage » du code de travail mené par les ministres Rebsamen et El Khomri

Revenons quelques années en arrière. En utilisant des détournements de mots comme : dialogue, mutualisation, modernisation, primauté à l’accord  par le corps social d’entreprise pour dépasser les conflits,; on ne s’est pas rendus compte que l’on détricotait le code du travail petit à petit.

Ainsi, avec la loi Rebsamen de 2015, loi régulant le dialogue social, modifiant les règles de fonctionnement et l’organisation des entreprises dans le champ de la médecine du travail, de la DUP (direction unique du personnel) on va aboutir à la délégation unique du personnel, avec le CHSCT et les CE qui ne formeront qu’une délégation unique pour entamer les négociations. Le crédit d’heures sera réduit, les employeurs ne seront pas obligés de consigner les facteurs de pénibilité de leurs entreprises. On aménagera ainsi certains seuils d’effectifs des CE, l’obligation de reclassement, en cas d’inaptitude sera assouplie, le rôle de la médecine du travail revu. Bref, la liste est longue…

Avec la loi El Khomri, d’Août 2016, on va encore plus loin sous couvert de modernisation du dialogue social. On donnera primauté à l’accord en matière de durée du travail, des nouvelles dérogations  verront le jour relatives au suivi médical et à l’inaptitude. Le Conseil des Prud’hommes ne pourra plus jouer pleinement son rôle, ainsi que l’Inspection du Travail. On le voit récemment et en dépit des levers de bouclier de certains syndicats, les lois de la négociation par accord d’entreprise; sous prétexte que cela est plus facile à trouver. On peut donc déroger au code du travail, car, chaque entreprise fixe ses propres lois, et quid des accords de branche.. On va parfois jusqu’à la dépénalisation de certaines atteintes. Cela ne passera pas parfois par les tribunaux. On minimisera le rôle des inspecteurs du travail, supprimera des commissions spécifiques au sein des CE… Il sera alors difficile nous dira Fanette Freydier d’exercer une activité de contrôle, recueillir les témoignages; même s’il y a eu atteinte à la santé, à l’environnement, problèmes de sécurité…

 

Et ici en Haute-Savoie, que se passe t-il?

On dénombre 24 secteurs d’inspection quelque soit le secteur d’activité. En 10 ans, on note une baisse des effectifs comme dans tout le pays. On se souvient de l’affaire Tefal, où a été mise en cause une inspectrice alors qu’elle ne faisait que son travail. Cela donna lieu à des manifestations de solidarité devant le palais de justice d’Annecy et celui de Chambéry. Cela laissera des traces douloureuses. Laura Pfeiffer s’est pourvue en cassation, mais, de guerre lasse, a préféré partir vers d’autres contrées pour se reconstruire.

Les relations avec la médecine du travail deviennent de plus en plus difficiles. Des entreprises, en cas de graves conflits, font appel à des avocats. Les Comités d’Hygiène et sécurité au travail (CHST) ne peuvent jouer le rôle correctement. La liste s’allonge avec la promulgation des décrets Macron.

 

Mais comment être efficace face à ces dégradations de situation sociale?

Les organisations syndicales sont comme asphyxiées, accablées. Roland Fichet (Sud Solidaires) s’exprimera à ce sujet. Il rappellera  que des luttes avaient permis de créer un rapport de force. Mais, l’époque a changé avec l’accumulation d’ordonnances. Elles ont un impact et affaiblissent les forces syndicales. En cette période de chômage massif, de manque de perspectives politiques, d’évasion fiscale grandissante et où les riches s’enrichissent toujours plus, où le système apprend à tricher, où se développe la répression à l’égard de ceux et celles qui résistent avec l’énergie du désespoir, qui dénoncent comme les inspecteurs, inspectrices….tout est fait pour contourner, pour qu’il n’y ait pas de réelle négociation pour défendre les intérêts des salarié(e)s, mais des accords d’entreprise.

Le but est de conformer nos manières de voir, d’analyser les situations, d’agir pour transformer ce qui est insupportable, de débattre de ce qui se passe dans le monde de l’entreprise. Ainsi, s’installera le fatalisme  dans nos têtes!

Auteur: Colette CHARLET

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