Après la démission de Christelle Petex, la 3e circonscription de Haute-Savoie se prépare à vivre une législative partielle dans un contexte politique hautement inflammable. Alors que les candidatures se multiplient de tous côtés, certains appellent à se ressaisir pour ne pas laisser une terre de résistance devenir un laboratoire de l’extrême droite :
Affiches législatives de juin 2024 sur la 3e circonscription de Haute-Savoie ©Camille Content
Un calendrier qui s’accélère sur fond de règlement de comptes à droite
Les dates sont désormais connues : les électrices et électeurs de la troisième circonscription de Haute-Savoie (celle du centre du département, comprenant notamment Bonneville, Reignier, la Roche-sur-Foron ou encore Saint-Jeoire) sont appelés aux urnes pour une élection législative partielle le 25 janvier prochain. Si un second tour de scrutin est nécessaire[1], il aura lieu une semaine plus tard, le 1er février 2026. Et pour pouvoir voter, il faut s’inscrire sur les listes électorales avant… le 19 décembre, soit vendredi prochain.
Après des semaines d’attente, à la suite de la démission de la députée et conseillère départementale Christelle Petex le 6 novembre dernier, le calendrier s’accélère ainsi subitement. Cette dernière, élue Les Républicains (à droite) âgée de 45 ans, avait fini par jeter l’éponge en démissionnant de ses deux mandats, dénonçant des « critiques » et des « menaces » devenues insupportables, après des mois d’arrêt maladie. L’ancienne parlementaire et élue départementale semblait payer son indépendance politique vis-à-vis de son propre camp, et en particulier face au Président du département Martial Saddier. Ce dernier n’avait guère apprécié notamment les critique de Christelle Petex contre son projet de vélodrome finalement avorté[2], au point de soutenir son adversaire Antoine Valentin lors des législatives anticipées de juin 2024[3]. Et c’est ce dernier, actuel Maire de Saint-Jeoire, qui revient en force pour cette législative partielle, bien décidé cette fois-ci à remporter la mise.
L’extrême droite en embuscade
Antoine Valentin n’a que 33 ans, mais déjà une ambition très affirmée et des idées politiques bien arrêtées, plutôt du côté de l’extrême droite. Elu Maire à l’âge de 27 ans en 2020, le jeune édile se définit comme entrepreneur, entendez « entrepreneur politique », car il est également co-fondateur de Politicae[4]. Politicae, c’est cette « école » des futurs maires, un des principaux projets du désormais fameux « plan Périclès » du milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin dont l’objectif est clairement indiqué et assumé : faire basculer au moins 1000 mairies au profit des droites extrêmes lors des municipales de mars 2026[5]. Antoine Valentin, inscrit sous l’étiquette UDR[6], est ainsi au cœur du dispositif élaboré à l’échelle nationale pour faire basculer la République française dans le giron de l’extrême droite. En 2024, il était en tête au premier tour devant Christelle Petex et s’est incliné face à elle au second tour à la suite d’un front républicain, le candidat du Nouveau Front Populaire, Gérard Vez, ayant alors choisi de se désister à son profit[7]. Si d’aventure le Maire de Saint-Jeoire était finalement élu dans quelques semaines, la 3e circonscription de Haute-Savoie deviendrait un laboratoire de la fusion de la droite et de l’extrême droite au profit des idées les plus radicales et ultra-conservatrices. Un comble sur les terres de la Résistance !
Plusieurs candidatures à droite
Christophe Fournier, maire de Glières-Val-de-Borne et vice-président à la région Auvergne-Rhône-Alpes, ancien suppléant de Christelle Petex en 2022, a obtenu l’investiture officielle des Républicains et est soutenu tant par Laurent Wauquiez que par Bruno Retailleau. Il se présente comme le candidat de la droite et du centre.
Mais il y a également Bruno Richard, entrepreneur de 52 ans, qui se présente sous les couleurs de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, à droite de l’extrême droite donc. En 2024, Reconquête n’avait pas présenté de candidat face à Antoine Valentin mais choisit de le faire cette fois-ci.
Une opportunité pour une gauche et des écolos rassemblés ?
La Haute-Savoie est depuis très longtemps une terre de droite[8], n’ayant quasiment jamais élu de député de gauche sous la Ve république[9]. Alors ces divisions à droite et à l’extrême droite pourraient pour une fois profiter à la gauche et aux Ecologistes s’ils saisissaient la balle au bond en s’alliant très largement.
Réunion du NFP à Saint-Jeoire en juin 2024 ©Camille Content
Pour l’instant c’est assez mal parti : la France Insoumise, suivant l’accord national du Nouveau Front Populaire de juin 2024 qui lui accorde la circonscription, a d’ores et déjà investi son candidat et sa suppléante, Nicolas Gavoille et Joëlle Tischhauser[10]. Mais le Parti Socialiste et Place Publique ont laissé entendre dans un communiqué publié début décembre qu’ils ne l’entendaient pas de cette oreille, souhaitant un autre rassemblement[11]. Entre les deux, Les Ecologistes appellent leurs partenaires à respecter l’accord du Nouveau Front Populaire de juin 2024 tout en se montrant ouverts et respectueux du dialogue entre toutes ses composantes[12]. Pour eux, l’enjeu est surtout d’empêcher la droite extrême d’Antoine Valentin de s’emparer de cette circonscription. Un enjeu que partage également les autres partis de gauche comme Haute-Savoie Debout ![13], la branche locale du parti de François Ruffin, ou encore le Parti Communiste, qui ne désespèrent pas d’arriver à mettre tout le monde d’accord.
Pour complexifier encore un peu le jeu, Boris Avouac[14], le maire de la petite commune de St-Laurent, se présente également sous les couleurs de Solution Démocratique, un nouveau parti se déclarant transpartisan et adepte de la démocratie directe. Quant aux régionalistes, ils ne sont pas en reste avec la candidature, une fois de plus, de Laurent Blondaz pour Sabaudia-MRS[15].
Dans ce contexte morcelé et périlleux, il s’agit surtout, bien au-delà des partis et des habituelles querelles de chapelles, de tenter de mobiliser la société civile et les nombreuses associations et syndicats qui existent sur ce territoire, pour ne pas laisser l’extrême droite et ses idées néofascistes faire main basse sur les terres de la Résistance et de son héritage, alors que l’on célèbre cette année le 80e anniversaire de la Sécurité Sociale. Il n’est pas trop tard, mais le temps presse puisque les candidatures doivent être déposées en préfecture avant le 2 janvier à 18h.
Face à l’extrême droite, il convient de rappeler avec force la fameuse maxime de La Boétie : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
Camille Content
[1] Si aucun candidat n’obtient au 1er tour la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.
[2] Relire notre article : https://librinfo74.fr/velodrome-arena-retour-sur-le-soir-ou-la-democratie-locale-a-dit-non/
[3] Lire notamment https://www.liberation.fr/politique/la-deputee-christelle-petex-demissionne-de-son-mandat-et-denonce-des-menaces-20251107_ZNGNULEL7FEKDAPRYUKV26BCKI/
[4] Voir https://politicae.fr/antoine-valentin/
[5] Lire notamment l’enquête de l’Humanité : https://www.humanite.fr/politique/droite/avec-pericles-pierre-edouard-sterin-entend-faire-basculer-1-000-mairies-aux-mains-des-droites-extremes
[6] Union des Droites pour la République, le parti d’Eric Ciotti assumant le rassemblement de la droite dite républicaine et du Rassemblement national.
[7] Lire https://www.lemessager.fr/649319525/article/2024-07-01/legislatives-2024-dans-la-3e-circonscription-de-haute-savoie-gerard-vez-appelle
[8] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Haute-Savoie
[9] Excepté Dominique Strauss-Kahn lors des législatives de 1986 (mais l’étiquette « de gauche » peut s’avérer discutable pour les jeunes générations).
[10] Lire https://c.ledauphine.com/elections/2025/12/02/nicolas-gavoille-candidat-lfi-sur-la-3e-circonscription-de-haute-savoie
[11] Lire https://www.lefaucigny.fr/2025/12/legislative-partielle-le-ps-et-place-publique-appellent-a-l-unite-a-gauche/
[12] Lire https://c.ledauphine.com/elections/2025/12/11/apres-la-demission-de-la-deputee-christelle-petex-tout-le-monde-veut-prendre-sa-place?login=1
[13] Lire https://c.ledauphine.com/politique/2025/07/08/thibault-cusin-referent-departemental-de-haute-savoie-debout
[14] Lire https://solutiondemocratique.fr/borisavouac2026/
[15] Lire https://sabaudia-mrs.org/index.php/2025/11/28/1753/
