FIFDH 2024 : les droits humains font leur cinéma sur tous les fronts

La 22e édition du Festival du film et forum international sur les droits humains se déroulera à Genève du 8 au 17 mars prochains. La nouvelle équipe du FIFDH présentait à la presse ce jeudi le programme 2024. Une édition encore très riche et variée qui a l’ambition, via le cinéma, de « donner du sens à notre époque » en mettant en valeur des activistes des droits humains en provenance des quatre coins du Globe. Un festival qui gagne à être davantage connu de ce côté-ci de la frontière :

Un festival incontournable et très dense

Ce jeudi 15 février en fin de matinée, on entraperçoit se faufiler entre les voitures, les tramways et les vélos de la Place Neuve, au centre du vieux Genève, quelques photographes appareil en bandoulière. Leur destination, le Centre de production et de diffusion des Arts vivants. Juste à côté du Grand Théâtre et à quelques encablures du Parc des Bastions, ce lieu culturel inévitable, plus connu des Genevoises et des Genevois sous son nom de Grütli, accueille ce jour la conférence de presse de présentation de la nouvelle édition du FIFDH[1].

Ces 5 lettres, encore assez méconnues dans l’Hexagone, signifient « Festival du film et forum international sur les droits humains », et celui-ci se déroule chaque année durant la première quinzaine du mois de mars en ville de Genève. Au fil de ses différentes éditions, la 22e en 2024, le FIFDH est devenu un rendez-vous incontournable, équivalent pour les cinéastes des droits humains du Festival de Cannes pour le cinéma d’auteur. Sauf qu’ici pas de paillettes ni de starlettes en maillot de bain sur la Croisette, mais une kyrielle d’activistes, en provenance du monde entier, qui croient au pouvoir du 7e art pour défendre les droits humains là où ils sont en danger et remis en question.

Et c’est peu dire qu’en 2024, il y a de quoi faire ! Dans un monde où les crises semblent se multiplier partout, de la guerre en Ukraine à celle de Gaza, du changement climatique aux inégalités femmes-hommes, des droits bafoués des minorités ethniques ou sexuelles (en Chine, en Iran, en Biélorussie, en Afghanistan… mais aussi en nos contrées) aux dérives de l’intelligence artificielle, les dix jours intenses que dure le FIFDH semblent finalement bien peu de chose. Pour cette année, ce sont tout de même 41 films, 24 forums et 23 événements qui sont proposés au public, abordant une multitude de thématiques impossibles à regrouper sous un seul et même angle, si ce n’est celui du pouvoir des images et du cinéma pour rendre compte de l’état du monde.

Une nouvelle équipe aux commandes

De gauche à droite, Rachel M’bon, Robin Adet, Laila Alonso Huarte, Laura Longobardi et Guillaume Noyé ©Benjamin Joyeux

En ce jeudi matin, cinq membres de la direction du FIFDH se retrouvent face aux journalistes, ne disposant que d’une heure pour introduire le programme 2024 et se présenter. Car il s’agit d’une nouvelle équipe très largement renouvelée, la précédente ayant connu de vives tensions en 2023 et un certain nombre de démissions de personnes clefs[2]. Dirigé pendant huit ans par la productrice suisse Isabelle Gattiker[3], partie en 2022, le FIFDH n’avait visiblement pas trouvé en 2023 une formule de gouvernance satisfaisante. Alors en 2024, ce sont désormais trois personnes qui sont aux commandes : Laila Alonso Huarte et Laura Longobardi à la direction éditoriale, et Guillaume Noyé à la direction opérationnelle et administrative.

Mais au lieu de se pousser des coudes en ce jeudi matin, ce nouveau triumvirat laisse l’attachée de presse du FIFDH, Amal Safi, ouvrir les débats, donnant ensuite la parole à Rachel M’bon, co-réalisatrice du documentaire Je suis noires[4], sélectionné au FIFDH 2022. Honorée d’être présente, celle-ci insiste sur la venue très attendue au Festival cette année d’Angela Davis[5], militante américaine des droits civiques mondialement connue, une « source d’inspiration éternelle » pour la cinéaste. L’activiste iconique participera le 16 mars à un forum consacré au racisme et aux violences policières intitulé « Qui gardera les gardiens ? », aux côtés notamment de la militante antiraciste française Assa Traoré[6]. Sans nul doute un des moments phares du FIFDH 2024.

« L’endroit où l’on donne la parole aux activistes »

Guillaume Noyé et Laila Alonso Huarte, parmi les nouveaux à la tête du FIFDH ©Benjamin Joyeux

La nouvelle co-directrice éditoriale Laura Longobardi s’interroge sur le rôle du FIFDH dans « un monde de plus en plus polarisé » où l’on peut facilement se sentir dépassé et impuissant. Et pour elle, cela ne fait guère de doute. Le festival est avant tout là pour « donner la parole aux activistes du monde entier », mais également pour esquisser des pistes de solutions, avec une nouvelle section du Forum intitulée Spotlight, se voulant une plateforme de lancement de films considérés comme « à fort potentiel d’impact ». S’y ajoute le programme professionnel Impact days[7], un accompagnement de films en phase de production auquel plus de 150 cinéastes participent cette année, dont l’acteur mexicain Diego Luna qui se bat pour la liberté de la presse dans son pays.

 

 

 

 

 

 

Présentation de la section Impact days le 15 fév. 2024 ©Benjamin Joyeux

En fait, comme le souligne Robin Adet, programmateur du Festival et cinéaste bien connu du milieu culturel romand[8], « en 2024, il est impossible d’être exhaustif en matière de droits humains ».

Certes, sauf que le conflit actuel au Proche Orient semble cristalliser les regards, et les journalistes présents ce jeudi ne manquent pas d’interroger la nouvelle équipe du FIFDH sur sa position vis-à-vis de la situation à Gaza. Laila Alonso Huarte, l’autre co-directrice éditoriale, tient à souligner que le FIFDH s’est toujours aligné sur la défense des droits humains et des grands principes du droit international, et donc qu’il joint sa voix à celle de la Cour international de Justice pour réclamer un cessez-le-feu à Gaza. Et c’est également pour parler de ce conflit tout en décalant le regard que le FIFDH s’ouvrira le 8 mars par le film Bye bye Tibériade, retraçant à travers la mémoire de plusieurs générations de femmes palestiniennes l’histoire de la Palestine[9].

Mais l’Ukraine et la Russie ne seront pas en reste puisque Dmitri Mouratov, rédacteur en chef du journal russe indépendant Novaïa Gazeta et Prix Nobel de la paix 2021, sera également présent au FIFDH pour y discuter de la réalité de la société russe, le samedi 9 mars[10]. Et dernière grande nouveauté cette année, un accès facilité aux établissements scolaires pour pouvoir disposer des films du FIFDH comme supports pédagogiques. Initier les élèves aux droits humains via le cinéma, un programme éducatif tout de même un peu plus enthousiasmant que le retour de l’uniforme dans nos lycées, non ?

Rendez-vous donc à Genève à partir du 8 mars prochain, et comme l’écrivait René Cassin :

« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit. » Une phrase qui pourrait être inscrite sur la devanture du Grütli.

Benjamin Joyeux

* Le programme complet à découvrir sur : https://fifdh.org/festival/

[1] Lire notre article de l’année dernière https://librinfo74.fr/fifdh-de-geneve-femmes-et-droits-humains-a-lhonneur/

[2] Lire https://www.rts.ch/info/culture/cinema/13895953-en-pleine-crise-le-fifdh-fait-face-a-plusieurs-demissions.html

[3] Lire notamment https://www.letemps.ch/culture/ecrans/isabelle-gattiker-optimiste-indispensable-diriger-fifdh

[4] Voir https://www.akkafilms.ch/je-suis-noires/

[5] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Angela_Davis

[6] Voir https://fifdh.org/festival/programme/2024/forum/qui-gardera-les-gardiens/

[7] Voir https://fifdh.org/pro/agenda-impact-days/

[8] Voir par exemple https://www.blick.ch/fr/news/suisse/petit-evenement-robin-adet-premiere-personne-trans-et-non-binaire-a-chroniquer-sur-la-rts-id17187775.html 

[9] Voir https://fifdh.org/festival/programme/2024/film/bye-bye-tiberias/

[10] Voir https://fifdh.org/festival/programme/2024/forum/la-societe-russe-face-a-la-guerre-en-ukraine/

Auteur: Benjamin Joyeux

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