« En cas de nouvel abattage des bouquetins au Bargy, il y a risque d’un Sivens ++ »

Article modifié le 18 novembre

Jean-Pierre Crouzat FRAPNA

C’est le cri d’alerte que pousse Jean-Pierre Crouzat avec une colère maîtrisée. Il est administrateur de la FRAPNA et de la LPO, mais surtout coordonnateur du dossier brûlant des bouquetins depuis quatre ans.

Quatre années déjà que ces beaux animaux du massif du Bargy défraient la chronique. Pourtant, en mai dernier, les ministres de l’environnement, Ségolène Royal, de l’agriculture, Séphane Le Foll, et la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité, Barbara Bompili, ont signé une lettre de recadrage adressée au préfet, Georges-François Leclerc, contre l’abattage systématique des animaux, prônant une approche beaucoup plus écologique. L’été s’annonçait beau pour les défenseurs de la méthode douce. Mais, ils restaient tout de même vigilants.

 

Vigilance

 

Ils avaient raison, car l’été s’est achevé et l’automne est fragile.

« Tout est parti de la réunion au sommet d’Evian, rencontre franco-allemande, où le président de la République a aussi eu une entrevue avec Bernard Accoyer, un des chantres de l’abattage total des bouquetins. Le préfet était également présent. »

Par ailleurs, Xavier Beulin, président de la FNSEA, et Bernard Accoyer, ont fait pression au plus haut niveau. Et Jean-Pierre Crouzat de s’interroger sur le processus de décision qu’il qualifie de « lamentable ».

En effet, dans cette affaire des rouages nécessaires à la décision sont bafoués.

 

Si l’on remonte à 2013, un arrêté (1/10/13) avait été pris, sans consultation publique. Cet arrêté a finalement été annulé grâce au recours entrepris par l’ASPAS, les accompagnateurs en montagne et One Voice. 234 bouquetins avaient tout de même été abattus en quelques jours, car les requérants avaient été déboutés. Par contre, en 2015, le juge leur a donné raison, annulant par-là l’arrêté préfectoral, du fait que le public n’a pas été consulté. Il ne l’a toujours pas été.

 

Arrêté illégal

On arrive à septembre 2016 où, suite aux pressions exercées ci-dessus, le préfet requiert à nouveau un abattage massif et indiscriminé avec seulement le maintien d’un petit noyau sain. Patatras, la lettre de cadrage de mai est remise en cause. Cependant, ni la ministre, ni le préfet n’étant présents à la dernière réunion du CNPN, et sans avis du public, l’arrêté est illégal. Pour Jean-Pierre Crouzat, « la ministre avale pas mal de chapeaux (boues rouges des Calanques avec Manuel Valls, désavouement par le président de la République pour les bouquetins). On joue contre la montre ou au jeu de la lenteur. »

Espoir, le préfet ne peut pas lancer de tirs, car il n’est pas autorisé. Et puis la neige arrive. « De toute façon, il y a du monde prêt à remonter là-haut. A chaque fois qu’il y a eu une présence, les gardes de l’ONCFS ont renoncé à tirer par risque d’accident. En outre, les médias locaux et nationaux relaient. »

 

Deux-tiers des bouquetins sains

 

librinfo-photo-bouquetinLa solidarité pro-bouquetins est solide. Mais Jean-Pierre Crouzat avertit : « Si l’ordre d’abattre est donné, il y a risque d’un Sivens ++. » Il faut donc gagner du temps.

Côté cheptel sauvage, un comptage récent a eu lieu. Il a dénombré 300 à 350 bouquetins, plus une cinquantaine de petits de l’année. Les deux-tiers sont sains. Néanmoins, quelque 450 bouquetins ont été abattus depuis la fin 2012.

Et quid des transferts de massifs ? « L’ONCFS a repéré et identifié quatre bouquetins (porteurs de colliers) qui sont partis dans les Aravis, mais on ne connaît pas leur état. Les mâles fuient quand leur harde se réduit. Cela confirme bien qu’en cas de tirs, le risque de dissémination augmente. »

Bonne nouvelle, le protocole de vaccin a été étudié cet été par l’ONCFS et l’ANSES. Des tests d’innocuité devraient être mis en route. Il a été prouvé – ce que ne veux pas entendre la FNSEA – que le risque de transmission de la brucellose du sauvage au domestique est quasi nulle à minime, et à l’homme, nulle à quasi-nulle. Il y a eu un cas bovin et deux cas humains, soignés depuis, pour lesquels la responsabilité des bouquetins n’est d’ailleurs pas prouvée en 17 ans.

 

En conclusion, s’il y en a une un jour, Jean-Pierre Crouzat est favorable au traitement de la brucellose à travers la vaccination des bouquetins sains, donc sans abattre la totalité, mais seulement ceux atteints par la maladie. Maladie dont l’origine n’est d’ailleurs pas forcément dues aux bouquetins, mais à une vache infectée il y a plus de quinze ans, comme l’avait avancé l’INVS dès 2013.

Il est vrai que l’agriculture de concentration animalière favorise la propagation. C’est ce que redoutent ces agriculteurs. Moins de concentration serait également une voie…

 

Des randonnées de sensibilisation aux bouquetins, à leur découverte, sont prévues les 6 et 20 novembre, dans le massif du Bargy, encadrées par des accompagnateurs en montagne.

Une belle occasion d’admirer ces animaux paisibles et la biodiversité environnante dont ils font partie.

Auteur: Loïc Quintin

Partager cet article :

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.