Des militants associatifs en résistance contre le durcissement de la politique migratoire gouvernementale

Jean-Marc Gaillard de la CIMADE apporte son témoignage

Annecy. Lundi 29 Janvier. Salle Pierre Lamy

Le Cercle Condorcet d’Annecy en partenariat avec la Cimade et la Fédération des œuvres laïques avait invité Jean-Marc Gaillard de la Cimade du Pays de Gex et Olivier Zanarde du Secteur Social de la FOL, en charge de l’accueil en CADA. Le sujet abordé est d’une brûlante actualité, si bien que les personnes sont venues en grand nombre et ont rempli la salle. Beaucoup sont là car elles s’investissent dans des actions de solidarité et ceci depuis fort longtemps.

Comment faire face au durcissement de la politique du gouvernement concernant les migrants ?

Depuis que le président Macron est au pouvoir, on note des distorsions au fil du temps entre ses premiers discours sur le sujet et ce qui se passe sur le terrain : « Je ne veux plus voir des hommes et des centaines d’exilés qui errent… » Mais, l’on constate l’aggravation des conditions d’accueil, l’expression d’un malaise qui porte atteinte à la dignité des gens. Face à la mobilisation citoyenne, des acteurs du secteur associatif, il y a un refus de les entendre.

Des faits, ici et ailleurs, dans notre pays…
Ainsi, face aux circulaires gouvernementales du 15/06/17, 300 organisations s’adresseront à l’état, pour demander une conférence nationale ou des états généraux des migrations.

Gérard Collomb, en visite à Calais : « Il y a d’autres endroits pour se déployer… » Il le déclare avec fermeté, sans humanité.
Le 12/12 : Trois circulaires pour « enfermer les migrants, expulser ceux qui ont été déboutés du droit d’asile ».
Le 8/12 – 15 associations sont convoquées pour entendre les circulaires du 12/12/17. Choquées, elles claquent la porte du Ministère de l’Intérieur.

Le Défenseur des Droits est interpellé sur la légalité des circulaires. Des RV sont demandés avec le Premier Ministre. Rien n’y fera, profonde désillusion ; on constatera que les droits et délais de recours seront restreints, que la durée de rétention sera allongée de 45 à 90 jours.

Les associations entrent en résistance

En parallèle, les associations qui viennent en aide aux migrants ne baissent pas les bras et continuent de se mobiliser à travers le pays, en dépit d’entrave de la justice pour délit de solidarité. Les initiatives sont nombreuses. On observe aussi que certains membres de la majorité se questionnent.

Vers de plus en plus de restrictions des libertés.

On craint que les centres de rétention ne deviennent de plus en plus des centres de détention, que l’on reconduise les migrants aux frontières  du pays entrant. Des politiques dénoncent les atteintes aux droits fondamentaux, par exemple, le long des frontières franco-italiennes. On note aussi des recensement administratifs. Les associations sont effrayées par ce durcissement et les futurs projets de loi prévus en Avril 2018.

« On ne baisse pas les bras… ! »

Il faut continuer à vivre en dépit de ce qui se prépare. Le nombre de personnes accompagnées par les associations va grandissant (100 000 en 2017), sur les des lieux de permanence hebdomadaire, pour constituer les dossiers, trouver les motifs de régularisation, faire face à la police des frontières ; car, il faut le reconnaître « Nous sommes au début du siècle des migrations… »

Et les jeunes, mineurs dans tout cela ?
En 2016 : 13000 – en 2017 : 25000, répartis dans les différents départements. Ils représentent 1% du total des migrants. Assurer l’hébergement, le plus souvent en hôtel, sans soutien…le quotidien devient difficile. Qui est responsable, respecte t-on les droits des conventions internationales ? Ces jeunes font preuve d’adaptation et dès qu’ils atteignent leur majorité, on les expulse de plus en plus souvent. Une véritable bataille s’opère. Les témoignages de ceux et celles qui s’engagent à leurs côtés l’attestent.

Et sur la Haute-Savoie, dans les CADA, que se passe t-il ?

Olivier Zanarde dressera le tableau sur les différents centres d’accueil. Même s’il existe un cadre juridique qui remonte à 1948 (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme), la Convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés et qui s’applique à toute personne craignant pour sa vie ou persécutée, du fait de sa race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social. Il faut ajouter à cela, le Protocole de New-York datant de 1967.
Ceci a été repris par les textes européens qui stipulent que le réfugié doit être logé, accompagné, le temps de sa demande d’asile. Cela a du mal à être appliqué pour tous les demandeurs d’asile par manque de moyens. La FOL 74 gère deux centres comme celui de St-Jeoire depuis 1993. Il y a 60 places spécifiques aux demandeurs d’asile dans ce centre. Les états de santé ont du mal à se faire prendre en compte. Il faut assurer la scolarisation des enfants et ceux-ci jouent un rôle important car leur maîtrise de la langue française leur permet d’être des interprètes de leurs parents.
Constituer des dossiers est un parcours du combattant pour obtenir un hébergement et déterminer les critères. On observe un écart entre la loi et les pratiques au quotidien, prendre en compte ce qu’a vécu la personne qui demande l’asile ( preuves, menaces mettant en danger…) Il s’agit de convaincre l’OFPRA. Comment faire comprendre la situation, quand on est mis en concurrence avec d’autres dossiers et que les centres d’hébergement sont souvent saturés ?

Sur les personnes qui arrivent en France ; seules 10% à 15% sont sûres d’obtenir le statut.

Il n’y a pas d’égalité devant la loi. Pour les mineurs isolés étrangers, il y a toujours cette crainte d’être expulsés à leur majorité et soient l’objet d’un OQTF.

Un échange fourni avec la salle

Les témoignages confirment ce que les intervenants ont développé. La plupart ont eu à résoudre des problèmes dans l’urgence pour éviter le renvoi, dans le pays d’origine ou dans celui où la personne est arrivée précédemment et où l’on a recueilli son identité.
Cela se complique souvent quand il n’y a pas de maîtrise de la langue, que l’interprète doit traduire de manière objective. On observe aussi parfois des « marchandages » des interrogations quant à savoir si un pays est sûr, ce qui est considéré comme atteintes aux droits ( cf les cas de l’Albanie et du Kosovo). On parle alors de protection subsidiaire.

Devant la gravité de la situation, que faire ?

« Il y a un énorme travail à construire pour sensibiliser la préfecture, les politiques et éviter les OQTF avec l’ensemble des associations qui s’investissent sans relâche. Face à l’opinion publique, nous manquons d’information citoyenne. Nous devons œuvrer à présenter les situations aux institutions de l’état et du Conseil Général du 74. C’est un vaste chantier d’éducation des citoyens qui s’ouvre, nous permettant d’être conscient et ceci dès le plus jeune âge. »

Auteur: Colette CHARLET

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