Des électro-hypersensibles témoignent

Cet article fait partie de l’enquête réalisée par Loïc Quitin sur le thème des risques sur la santé des ondes électromagnétiques.

On dénombre entre 70 000 personnes et jusqu’à 2% de la population qui souffrent de ce mal handicapant. Certains en arrivent même à vivre isolés du monde. Mais la plupart du temps, les électro-hypersensibles continuent malgré tout à mener une vie à peu près normale. Ils tentent de se protéger de ces ondes en évitant de s’exposer aux objets émetteurs comme les antenne-relais, téléphones portables, wifi, etc.

Ils luttent pour la reconnaissance de leur handicap.

Un combat difficile, étant donné que l’électrosensibilité n’est pas officiellement reconnue comme maladie en France et fait l’objet de controverses entre experts, malades et associations écologistes.

Voici quelques témoignages réunis par Science et Avenir.

Céline, électro-hypersensible depuis cinq ans, est restée vivre en banlieue parisienne

« J’ai débranché mes appareils électroniques et, presque instantanément, mes symptômes se sont volatilisés. J’ai commencé à ressentir les premiers symptômes d’électro-hypersensibilité en 2008, lorsque j’ai emménagé dans un nouvel appartement : je ressentais une grosse fatigue, des troubles de la concentration et de la mémorisation, des troubles de la digestion, de l’irritabilité », raconte-t-elle.

Professeur Belpomme

Professeur Belpomme

Comme beaucoup d’électro-hypersensibles, elle ne fait pas le lien immédiatement avec les ondes. « J’ai d’abord cru à une intolérance alimentaire, mais les analyses médicales n’étaient pas concluantes. Ce sont les sensations de vertige, indescriptibles, que je ressentais souvent, et le fait que les symptômes disparaissaient lorsque je n’étais pas chez moi, qui ont mis la puce à l’oreille d’un médecin qui m’a conseillé de consulter le professeur Belpomme. » 

Ce dernier lui diagnostique une « intolérance aux ondes électromagnétiques de basses fréquences » et lui suggère de débrancher son boîtier internet, son ordinateur et tous les appareils électroniques. Presque instantanément, ses symptômes se sont volatilisés. Selon Céline, son électrosensibilité était surtout liée au réseau wifi, c’est pourquoi elle a déménagé dans une zone où ce réseau est faible. Mais contrairement à de nombreux électro-hypersensibles, elle a tout de même gardé… son téléphone portable. « Je ne passe pas d’appels car cela me provoque des bourdonnements dans l’oreille, mais je peux envoyer des textos sans problème », précise-t-elle.

 

Sophie Pelletier, patiente devenue co-responsable du Collectif des électrosensibles de France

« Parfois, j’avais l’impression qu’un flux électrique me traversait le corps »

Pour Sophie Pelletier, son « intolérance au champ magnétique » n’était pas liée à son lieu de vie, mais de travail. Ingénieure en environnement à la tour Montparnasse, à Paris, elle souffrait de problèmes de mémorisation et de concentration derrière son ordinateur, ainsi que de troubles du sommeil. « En 2010, du jour au lendemain, je me suis mise à me réveiller toutes les nuits brutalement dans un état d’hypervigilance », raconte-t-elle.

En 2011, les symptômes se sont aggravés.« Je ressentais des maux de tête lorsque quelqu’un téléphonait près de moi, mais aussi de la tachycardie, des palpitations cardiaques, et un épuisement général. Parfois, j’avais l’impression qu’un flux électrique me traversait le corps, c’était horrible », se souvient-elle. Pollution aux métaux lourds, maladie de Lyme, déséquilibre de la thyroïde… Les médecins décidaient d’explorer plusieurs pistes, en vain. Par la suite, le professeur Belpomme lui parle d’une « intolérance aux ondes électromagnétiques de basses fréquences » (du type de celles émises par la téléphonie mobile). Pour elle, aucun doute : « ce sont les rayonnements émis par les antennes-relais du quartier et ceux de la tour Eiffel et de la gare qui sont en cause ». Depuis, Sophie a été reconnue travailleur handicapé, mais il a fallu deux ans d’éloignement de son lieu de travail pour que son niveau de sensibilité aux ondes redevienne gérable.

 

Hugo (*), qui a travaillé deux ans près d’un instrument générant des champs électromagnétiques

« Je souffrais de troubles de la mémoire comparables à ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer »

Pendant deux ans, Hugo, lui, travaillait près d’un instrument scientifique générant des champs électromagnétiques importants. Sur son lieu de travail, il constatait qu’il souffrait de symptômes « anodins », »des troubles de la circulation et des acouphènes », précise-t-il. Viendront ensuite « des troubles de la digestion et de la concentration ». Il mettra plusieurs mois pour obtenir une réaffectation sur un autre lieu, mais se retrouvait près d’un router wifi, ce qui ne lui posait pas de problème au début. Seulement, un mois après sa nouvelle affectation, il remarquait qu’il ne supportait plus les portables, les ordinateurs, les écrans, qui lui provoquaient des douleurs aux cervicales et aux mains. Il souffre également de troubles de mémoire majeurs, « proches d’un début d’Alzheimer », qui disparaissent quand il n’est plus exposé aux ondes électromagnétiques. Lui aussi sera diagnostiqué « intolérant aux ondes électromagnétiques de basses fréquences » par le professeur Belpomme et déménagera pour ne plus subir les ondes wifi que lui infligent ses voisins. « Je vis en banlieue mais ai blindé les murs pour ne pas être en contact avec les ondes wifi de mes voisins », explique-t-il. Un baldaquin lui est aussi nécessaire pour dormir. Il ne lui reste qu’un combat à mener : celui de faire reconnaître son handicap comme maladie professionnelle. En 2012, son employeur refuse la reconnaissance de son handicap en maladie professionnelle, et ce « contre l’avis de l’expert médical qu’il avait lui-même sollicité », affirme-t-il.

Le point commun de ces trois personnes électro-hypersensibles ? Elles ont été diagnostiquées « électro-hypersensibles » par le professeur Dominique Belpomme, professeur en cancérologie à l’université Paris-Descartes qui dirige également l’Institut européen de recherche sur le cancer et l’environnement à Bruxelles. Il s’est engagé dans un travail de recherche visant à démontrer biologiquement l’existence de ce qu’il suggère de nommer « syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM). »

 

« Beaucoup de gens sont affectés, mais ne le savent pas et attribuent leurs symptômes à d’autres pathologies »

C’est ce que dit Titouan (*), qui, lui aussi, a rencontré le professeur Belpomme, et qui porte le débat sur un plan plus général, laissant une lueur d’espoir aux personnes affectées.

« Mon électrosensibilité est arrivée avec un diagnostic, mais en réalité, les symptômes étaient là bien avant sans que j’en sois conscient. »

Quels sont ces symptômes ? « Ils sont apparus avec l’émergence de la téléphonie mobile au début des années 2000. Ce sont des troubles de l’attention, vertiges, grésillements, désorientation, perte de mémoire à court terme. C’était progressif, mais le point de non retour a été le travail en clinique avec une forte exposition aux ondes des appareils. »

Après maintes consultations chez des spécialistes, face au déni de l’employeur, Titouan démissionne pour chercher un travail plus approprié. C’est alors qu’il choisit de créer son entreprise indépendante de conseils.

 

Empoisonné par les ondes

 « Le déclic qui m’a fait prendre conscience du mal insidieux a été la rencontre avec un biologiste qui m’a montré au microscope électronique les conséquences sur des spermatozoïdes de la proximité d’un téléphone portable. Voilà l’effet des ondes sur le vivant, malgré les réfutations de l’ANSES. »

Sa situation de travailleur indépendant n’a cependant pas amélioré sa santé. « Tous les supports possibles émettant des ondes (3G, 4G, tablettes, etc) rendent difficile ma vie professionnelle. »

Ce qui irrite Titouan, c’est que la plupart des gens sont incrédules. Il se souvient de petits tests qu’on lui soumettait, comme de lui faire croire – à l’aveugle – que des téléphones portables étaient éteints. Il sentait bien les ondes de celui qui restait allumé.

Alors quoi faire ? « Comme j’ai une formation scientifique à la base, j’ai souhaité vérifier la véracité de tout cela. J’ai donc rencontré le professeur Belpomme et il m’a fait un encéphalogramme poussé. Les résultats étaient tangibles et rationnels : j’étais électro-hypersensible. »

L’administration, suite à cet examen, a reconnu Titouan comme travailleur handicapé.

 

Comment se protéger au quotidien ?

 Titouan conseille et pratique l’éviction d’appareils en éteignant la wifi, les téléphones portables, chez soi et ailleurs (autant que possible).

« Se faire comprendre des autres n’est pas facile. Cela est équivalent à la situation des fumeurs face aux non-fumeurs dans les années 80, ces derniers ayant du mal à se faire comprendre. »

Pour Titouan, on sait pertinemment, malgré les allégations officielles, les effets sur la santé – d’autres pays l’on reconnu, comme la Suède, depuis longtemps.

 

Prendre conscience pour les enfants

appel paris

Appel de Paris

 C’est le cri du cœur de Titouan pour cette catégorie de la population dont le cerveau n’est pas complètement solidifié. « Le professeur Belpomme vient de diagnostiquer un cas d’Alzheimer à un adolescent de 15 ans. » Et de poursuivre : «  Il faut les protéger au moins par la voie officielle, car c’est une question de santé publique (voir l’appel de Paris en 2004 : www.appel-de-paris.com où d’éminents professeurs et écologistes ont pris position). En 2050, 40% de la population sera atteinte d’Alzheimer. »

 

Conserver son intégrité face aux agressions

Ça fait peur. Cependant, Titouan tente d’apporter une lueur d’espoir. « On peut vivre à nouveau normalement. Une personne affectée peut s’en sortir à condition qu’elle sache conserver son intégrité face à toutes sortes d’agressions. Il ne s’agit pas de se blinder, mais de filtrer. C’est à dire laisser entrer ce qui est bon et rejeter le mauvais : c’est constitutif du corps humain. »

Il préconise pour cela d’utiliser toutes les ondes positives telles que l’eau, boisson à haute énergie.

L’eau c’est la vie. Ainsi, la personne affectée se « restaure ».

Gageons qu’au-delà de la généralisation de la téléphonie et de l’Internet mobiles, les enjeux économiques, financiers et stratégiques considérables qu’elle génère, la santé sera préservée à travers des actions et des volontés politiques dignes du respect de l’humain.

* les prénoms ont été changés à la demande des interlocuteurs

Auteur: Loïc Quintin

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