Du 22 au 27 juillet, la 14e édition du Cosmo Jazz Festival prend place à Chamonix et aux alentours pour offrir des concerts librement accessibles dans les décors exceptionnels du Mont Blanc. Ce jeudi 25 juillet, André Manoukian, co-fondateur de ce festival, était lui-même au piano sur le site de Charamillon. Une parenthèse musicale bienvenue en ces incertitudes estivales :
Festival haut perché
C’est bien connu, la musique est censée adoucir les mœurs. Et de douceur, il y en a bien besoin par les temps qui courent. Après des semaines de politique intensive, alors que le pays se cherche toujours une majorité pour gouverner et que le Président de la République tente de se dissimuler derrière une « trêve olympique » illusoire, un peu de musique ne peut pas faire de mal. Surtout lorsqu’on peut assister à des concerts gratuits de haute tenue dans des lieux extraordinaires en altitude.
C’est le pari du Cosmo Jazz Festival. Créé en 2010 par André Manoukian, auteur-compositeur bien connu des auditeurs de France Inter, et son épouse Stéphanie, ce festival atypique propose depuis 14 ans, en plein air au cœur de l’été, des concerts gratuits dans des sites emblématiques autour de Chamonix. L’idée de départ est de partager avec un large public la passion de la musique en général et du jazz en particulier, au cœur de la vallée de Chamonix où le couple et leurs enfants se sont installés à partir de 2008, en faisant découvrir des artistes dans des décors naturels grandioses. Et ça marche, puisque la fréquentation dépasse aujourd’hui les 30 000 personnes.
Cette année, le Cosmo Jazz Festival se déroule du 22 au 27 juillet[1], avec toute une kyrielle d’artistes plus ou moins connus en provenance du monde entier, dont André Manoukian lui-même.
Parenthèse enchantée
Et c’est ainsi qu’on se retrouve, ce 25 juillet 2024 en fin de matinée, en plein soleil, en face de la gare du petit village de Montroc, au fond de la vallée de Chamonix et au pied du Col des Montets. Des centaines de personnes entament déjà l’ascension, enfants et chiens compris, et il n’y a plus qu’à suivre la foule pour environ une heure de randonnée avant de pouvoir accéder au site prévu, celui de Charamillon, que l’on peut rejoindre également en télécabine, bien plus pratique pour les personnes moins endurantes ou à mobilité réduite.
La chaleur de cette fin de matinée reste raisonnable et les 400 mètres de dénivelé se passent sans encombre, malgré la foule qui provoque quelques embouteillages piétons assez pénibles pour qui connaît le charme de la montagne hors saison. Néanmoins le calme règne tout au long du parcours, et on comprend mieux à l’arrivée sur les lieux, tant la perspective est grandiose, un piano à queue trônant majestueusement en plein air, l’immensité neigeuse du Mont Blanc en toile de fond.
André Manoukian a déjà pris place derrière son instrument fétiche, et les notes montent dans les airs, tandis que les centaines de personnes présentes écoutent religieusement, assises ou allongées dans l’herbe, parasols et sandwichs en bandoulière pour les plus prévoyantes. Viennent s’ajouter au piano la voix suave de la chanteuse et compositrice grecque Dafné Kritharas avant celle tout aussi envoutante d’Arpi Alto, crooneuse arménienne, au rythme de tablas indiennes se mêlant harmonieusement à la contrebasse, tandis que trois danseuses ajoutent modestement leur grâce à la superbe des lieux.
On ne sait plus trop se situer musicalement sur le terrain du jazz occidental ou du maqâm[2] oriental et c’est tant mieux car le mariage semble opérer parfaitement. Après deux heures d’écoute attentive, on en a oublié le soleil qui brûle tout de même un peu à plus de 1800 mètres d’altitude. L’imposante masse du Mont Blanc revient alors remettre tout le monde d’aplomb afin de pouvoir commencer à redescendre tranquillement.
Cette parenthèse enchantée nous a presque fait oublier l’espace d’un instant ce qui se joue actuellement dans nos Alpes, entre le détournement de la ressource en eau pour alimenter les canons à neige de stations de ski insatiables[3] ou encore la course en avant pour obtenir coûte que coûte des Jeux Olympiques anachroniques en 2030 sur fond d’accélération de la catastrophe climatique[4].
En attendant, comme l’écrivait Paul Verlaine : « De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’Impair, Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
Benjamin Joyeux
[1] Voir la programmation : https://www.cosmojazzfestival.com/fr/programme
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Maq%C3%A2m
[3] Lire https://www.blast-info.fr/articles/2024/info-blast-quand-les-stations-de-ski-siphonnent-leau-le-prefet-detourne-les-yeux-1NP_mM4MTsi9YeEw5_Fjdw
[4] Lire https://librinfo74.fr/une-delegation-opposee-aux-jeux-dhiver-2030-rallie-a-velo-le-siege-du-cio-a-lausanne-avant-la-date-fatidique-du-24-juillet/