Face au changement climatique, les énergies renouvelables ont le vent en poupe, dont l’hydroélectricité, en particulier dans nos montagnes qui ne manquent pas de cours d’eau. Or l’installation de centrales hydroélectriques n’est pas neutre et provoque bien souvent des bouleversements sur la biodiversité de ces milieux aquatiques. Mais comme celle-ci est trop souvent méconnue, elle a tendance à passer par pertes et profits. Un habitant de Saint-Gervais-les-Bains a donc décidé de réaliser un film sur le sujet pour faire connaître la biodiversité des cours d’eau de nos montagnes :

Torrent du Bon Nant © M.Pion
Une ruée vers l’or bleue au détriment de la qualité des eaux
Véritable château d’eau de l’Hexagone, la Haute-Savoie compte plus de 800 cours d’eau dont une cinquantaine de plus de dix kilomètres[1]. Elle constitue donc un terrain de jeu particulièrement intéressant pour les projets de production d’hydroélectricité. Il y a bien entendu la centrale de Passy[2], la plus puissante de notre département, alimentée par le barrage des Houches et rénovée récemment. Mais il y a également de nombreux projets de petites centrales hydroélectriques qui se déploient tous azimuts sur les torrents alpins au nom de la course aux énergies renouvelables, comme le décrivait l’année dernière un article de notre confrère Reporterre[3]. En effet, sur les 323 barrages hydroélectriques que comptent les Alpes françaises (sur les départements de Haute-Savoie, Savoie, Alpes Maritimes et Hautes-Alpes), 124 ont été érigés seulement depuis l’an 2000.
Des projets qui ne sont pas sans poser un certain nombre de questions, dont celle de leurs impacts sur la biodiversité aquatique locale. On se souvient par exemple de la centrale hydroélectrique de Sallanches qui a vu en décembre 2022 son autorisation d’exploitation annulée par la justice[4], au grand dam du maire de la commune, car elle risquait de mettre en péril le bon état des eaux. Cette ruée vers l’or bleue ne fait sans doute que commencer, dans un contexte d’amplification du réchauffement climatique entraînant une course aux énergies renouvelables, rendant la production d’hydroélectricité particulièrement attrayante. Et tant pis pour la biodiversité !
Documenter la biodiversité de nos cours d’eau
C’est dans ce contexte que Mickaël Pion, habitant de Saint-Gervais-Les-Bains, ancien architecte reconverti dans la protection de l’environnement, a décidé de réaliser un film pour mieux documenter la biodiversité de nos torrents et cours d’eau de montagne.

Mickaël Pion au bord du Bon Nant © M.Pion
Celui-ci nous explique la genèse de son projet : « Toute la biodiversité qu’il y a dans les cours d’eau, elle n’est en fait pas du tout connue. On a l’impression souvent en regardant un torrent qu’il n’y a que de l’eau et des cailloux. S’il y a par exemple peu ou pas de poissons, beaucoup de porteurs de projets hydroélectriques diront qu’il n’y aura donc pas d’impact sur la biodiversité. Or ce milieu grouille de vie, dont de multiples invertébrés invisibles à l’œil nu, mal répertoriés et donc pas suffisamment protégés. »
Au départ, Mickaël Pion pensait simplement faire des photos pour documenter cette faune méconnue et impactée en silence par les activités humaines. Mais au fur et à mesure de ses recherches, celui-ci a considéré qu’un film grand public à vocation pédagogique était nécessaire. C’est pourquoi il vient de lancer une campagne de financement participatif :
https://fr.ulule.com/docu-biodiversite-des-torrents-de-montagne/
Pour Mickaël Pion : « Le premier objectif de ce film, c’est déjà de faire connaître et de montrer tout ce qu’il y a dans les cours d’eau, pour que dans l’imaginaire des gens, un torrent ne soit plus juste de l’eau qui coule sur des cailloux mais bien un milieu de vie où il y a plein de bestioles, une très grande diversité. Il a vocation à documenter de façon scientifique des espèces qui jusqu’à présent ne sont pas encore assez connues. »
Mais ce projet de documentaire a également une vocation plus politique : « Le deuxième objectif de mon film est que cet état des lieux permette de lancer la discussion autour de notre réel besoin en projets hydroélectriques, parce que la France est déjà bien équipée en hydroélectricité et nos cours d’eau sont en mauvaise santé. A-t-on vraiment besoin de les impacter encore davantage ? »
Mickaël Pion va commencer son exploration dans les eaux du Bon Nant[5], ce magnifique torrent affluent de l’Arve qui traverse sa commune.
Comme l’écrivait Shakespeare : « Quel besoin y a-t-il que le pont soit plus large que la rivière ? Le nécessaire est toujours la plus juste des concessions. »
A l’heure où la science est de plus en plus décriée, à vos claviers pour sponsoriser ce nécessaire et ambitieux projet.
Benjamin Joyeux
[1] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_cours_d%27eau_de_la_Haute-Savoie
[2] Voir https://www.edf.fr/hydraulique-pays-de-savoie/amenagement-hydroelectrique-de-passy-barrage-des-houches
[3] Lire https://reporterre.net/Minibarrages-les-torrents-alpins-sacrifies-pour-produire-de-l-energie
[4] Lire notre article https://librinfo74.fr/centrale-hydroelectrique-de-sallanches-les-arguments-contre-la-justice-et-les-ecolos-prennent-leau/