René Richoux : « Les multiplexes ? Ce n’est pas la mort des salles d’art et d’essai ! »

Ren Richoux, tel en lui-même

Ren Richoux, Président de « Plan large »

René Richoux, passionné de cinéma, est président de l’association « Plan large ». Il réagit à l’éventuelle (*) implantation d’un cinéma multiplexe à Seynod.

« Plan large » réunit des cinéphiles depuis vingt ans et a pour but de promouvoir le cinéma d’art et d’essai. L’association favorise les rencontres autour des films, anime en partenariat avec des salles. « On propose un programme aux salles. On collabore à des festivals comme le cinéma espagnol, on est à l’origine du Clap Maghreb, on est partenaires sur le ciné belge à Novel », explique René Richoux. Ainsi, ces cinéphiles marquent de leur empreinte les salles entre autres la Turbine principalement, Novel, les Nemours, l’auditorium de Seynod, St Julien, Cluses, etc… Le décor est planté.

 

Mais voit-il le multiplexe supplémentaire d’un bon oeil?

 « Je constate. C’est une décision d’élus. Je respecte la légitimité de ceux-ci. La salle va s’implanter à deux pas de l’auditorium et dans le rayon de Pathé. Si tout le monde est d’accord, je n’ai rien à dire. » Si l’on pousse un peu plus loin le bouchon, René Richoux peaufine. « Il s’agit de l’économie du cinéma sur l’agglomération annécienne. Les élus connaissent bien cette dernière et restent dans leur logique. »

On peut citer le cas du cinéma traditionnel à Rumilly remplacé par un multiplexe. Pour le président de Plan large, « l’économie du cinéma change et il y a de moins en moins de différences entre les programmes de multiplexes et ceux d’art et d’essai. Des liens économiques se tissent. » Par exemple l’entreprise familiale propriétaire des « Nemours  » possède également les deux cinémas d’Aix-les-Bains et 50% du Pathé. Les propriétaires des « Nemours » restent donc indépendants. Il existe un accord de programmation entre le cinéma « Les Nemours » et le multipllexe Pathé qui permet d’assurer au mieux la diversité de l’offre de films sur Annecy.

Ceci dit, la diversité existe de moins en moins. Fataliste René Richoux? « C’est dommage, mais c’est comme ça. » Cependant, il martèle que « le profil type du spectateur de cinéma grand public est jeune, tandis que celui de l’art et essai concerne surtout les femmes à 56%.»

 

Mégarama à Seynod?

Là aussi, René Richoux fait un constat, à savoir que les gros groupes s’installent dans des places fortes géographiques, sur de nouvelles zones commerciales – en l’occurrence sur le terrain de Géant Casino -. Selon lui, « les décideurs politiques ne peuvent refuser. »

Celui qui a enseigné le cinéma en scolaire sait de quoi il parle en insistant sur la décision politique. « Telle celle de 1996, date de naissance de Plan large, où trois salles ont disparu : Bonlieu, Les Teppes, Les Marquisats. C’est d’ailleurs pour sauver les salles d’art et essai que l’association a été créée. » Ceci dit, les distributeurs vont là où ça marche le plus mais, pour René, « les multiplexes, ce n’est pas la mort des salles d’art et essai. Ce genre de cinéma ne peut pas lutter contre l’espace, mais le peut contre le temps en exposant les films plus longtemps. » Autrement dit, le ciné d’art et essai s’inscrit dans le durable. « Il ne faut pas opposer les genres, c’est différent, c’est tout. En « art et essai », la relation avec les spectateurs n’est pas anonyme : on débat, on anime. »

Une affirmation à l’honneur de ce type de cinéma.

Mais René Richoux ajoute aussitôt « qu’il ne faut pas être naïf et les salles d’art et essai doivent se défendre, s’allier entre elles. » En aparté, il glisse : « Mégarama fera plus de mal au Pathé qu’aux Nemours. »

 

L’art et essai se porte bien

Quelque 2400 salles projettent de l’art et essai sur la toile en France. Et puis la catégorie est forte de ses réseaux. « La fédération (AFCAE) n’est pas alarmiste. » Outre la fédé, on trouve l’ACRIRA en Rhône-Alpes qui aide aux rencontres et à la diffusion des films, le GNCR pour la recherche, l’ADRC pour la distribution, qui résument à eux tous une politique en direction du public.

« Ce public, il ne faut jamais le mépriser. L’art et essai est un instrument de culture et il ne faut pas le reléguer aux marges. Il faut arrêter de faire de la ségrégation culturelle, genre prise de tête – idée reçue – envers l’art et essai. »

René Richoux reste toutefois vigilant par rapport aux multiplexes pour que l’art et essai ne soit pas isolé. « Ce qui compte, c’est l’engagement. »

 

(*) Des recours (dont Pathé) ont été déposés contre cette implantation.

Auteur: Loïc Quintin

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