Après le succès de la manifestation de Barjac, il y a de l’eau dans le gaz de schiste.

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Le 28 février, à l’initiative du collectif ardéchois « Stop gaz de schiste », 10 à 15 000 manifestants se sont rassemblés à Barjac (Gard) pour s’opposer à une décision de justice rendue fin janvier autorisant Total à reprendre des recherches. L’opposition nationale s’en trouve renforcée après ce succès et entend poursuivre l’action.

Cette question du gaz de schiste intéresse de nombreux citoyens haut-savoyards  réunis au sein d’un collectif.  Le N.G.S. (entendez Non au gaz de schiste) a été initié en 2011 par ATTAC, la Frapna, les Amis de la terre et la Confédération paysanne. Il coordonne en ce domaine la Haute-Savoie, les pays de Savoie et de l’Ain.

On se souvient de leurs manifestations à St Julien-en-Genevois, Bellegarde, St Claude et Aix-les-Bains.

Le NGS était partie prenante de cet appel national pour Barjac.

Lisbeth Perréard, d’ATTAC 74 manifestait contre ce permis dit de Montélimar. « Ce n’est pas un permis, mais 44 couvrant quelque 4300 km2, soit 37 fois la surface de Paris, qui menacent la région. » Face à ces choix difficiles, le gouvernement ne sait pas sur quel pied danser, alternant abrogation, autorisation. Dernièrement, Ségolène Royal engage un recours contre cette décision, ce qui ne rassure pas Lisbeth qui dénonce la manière dont agissent Total et d’autres sociétés en jouant sur les mots : « La grosse société pétrolière ne parle plus désormais de fracturation hydraulique, mais de stimulation de la roche mère. Nous ne voulons pas de recours ou des promesses, mais une interdiction définitive ».

133 demandes de permis sont en cours sur le territoire national avec ceux de Gex. Au bout du Léman – là où le Rhône pénètre dans le lac – il y a le cas de Noville. Des contacts ont lieu entre le NGS et les militants suisses pour s’opposer à la demande initiée par la même société qu’à Abondance. « Profitant que le code minier est en cours de rénovation, les sociétés tentent d’avancer. Il faut rester vigilant. » poursuit Lisbeth.

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 Quelle suite après Barjac ?

 Lisbeth et d’autres se battent et restent optimistes après un tel rassemblement, mais pessimiste par l’audience qu’ils ont dans les médias, sans parler du chantage à l’emploi des lobbyistes des sociétés.

Déjà, le collectif NGS annonce son assemblée générale le 9 avril, à la Maison des eaux et forêts à Annecy. « Il faut mobiliser avant la présidentielle de 2017 en faveur de l’abrogation générale. Il est difficile de motiver les gens et pourtant, en 2011, c’est cette mobilisation citoyenne qui a sensibilisé contre l’exploitation des ressources fossilisées, en particulier le gaz de schiste. »

Fort de ses 2000 adhérents, le NGS relance régulièrement les élus, maires, députés, sénateurs de la région. Lisbeth estime que les élus « ne vont pas suffisamment aux informations. Ils sont contre la fracture hydraulique mais pour la poursuite des recherches. C’est flou, sachant qu’il n’existe aucun moyen propre. »

Des propos que ne dément évidemment pas Jacques Cambon, co-président du collectif Pays de Savoie et de l’Ain, également animateur du groupe genevois d’ATTAC 74… et t surtout ingénieur hydrologue : « Le gaz de schiste et son extraction est une source majeure de pollution. » Pour appuyer ses dires, il cite la situation des USA où, après 15 ans d’exploitation, le recul permet de constater les dégâts. « On recense une pollution de l’eau, de l’air, agissant sur la santé des populations, des séismes. Avec la fracturation hydraulique, on a multiplié par dix le nombre de ces petits séismes. Et le méthane libéré s’est volatilisé dans l’air. »

 

Pour les opposants, il n’y aurait que de « sales » moyens d’extraction.CcTv10GW0AAUmce

Jacques Cambon est catégorique. « Pour extraire le gaz ou le pétrole, il faut fracturer la roche. On a essayé en vain avec d’autres moyens tels que le gaz contenu dans les extincteurs d’incendie qui pollue plus que le CO2, ou avec l’hélium qui coûte une fortune. »

Quelques idées sont émises autour des arcs électriques, mais cela reste en l’état d’idées. A ce jour, il n’y a donc que la fracturation hydraulique qui est ou serait pratiquée. « Et qu’on nous vienne pas nous dire que cela créerait des emplois. Creuser les trous crée quelques emplois et après il n’en reste plus rien. Au contraire, on peut en perdre en agriculture, tourisme. Et si des sociétés trouvaient du gaz de schiste, elles exploiteraient seulement en cas de rentabilité. Elles veulent surtout garantir leur avenir au cas où. »

Lui aussi est dubitatif vis à vis du recours de la ministre de l’environnement. « Nous n’avons pas encore de document écrit à ce sujet et on a du mal à comprendre la position des juges sur cette décision de revenir en arrière. Et Total s’engouffre dans la faille en disant que la loi n’interdit pas la stimulation de la roche ! »

Pour l’hydrologue, il s’agit de dire non une fois pour toutes afin de se débarrasser de l’épée de Damoclès suspendue au-dessus des résistants. Une pétition a d’ailleurs été lancée sur le plan national en demandant l’appui des députés et une autre, à l’image de celle contre la loi du travail, est envisagée sur Internet.

« On attend des décisions locales concernant Gex, Vaud. Et on voudrait contre-attaquer en Suisse à l’égard de sociétés exploitantes qui ont des chairs de géologie à l’université. » Nous avons certaines convergences avec des élus locaux, notamment contre la géothermie profonde (cf Martial Saddier), mais on aimerait qu’il y ait une symbiose complète sur une problématique qui reste transpartis. »

 

 Que disent les élus haut-savoyards ?

 La position de Martial Saddier demeure inchangée depuis 2011.

La commission locale de l’eau, dans le cadre du Syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et des abords, présidée par Martial Saddier, dans sa réunion de juillet 2011 a arrêté la position suivante concernant les gaz de schiste.

« Il est nécessaire d’être particulièrement vigilant à toute nouvelle forme de pression sur la ressource et tout risque de pollution nouvelle ». Et de conclure : « La commission s’oppose à toute démarche liée aux explorations de gaz de schiste, ainsi qu’à toute expérimentation qui pourrait être menée à l’échelle du périmètre du SAGE du bassin de l’Arve ». Et, « la commission souhaite que les procédures d’autorisation soient revues et que sur des sujets de cette importance qui ont un lien direct et étroit avec l’eau soient soumis à l’avis préalable de la CLE ».

Quant à Lionel Tardy, s’appuyant sur la loi du 13/07/11, il est opposé à toute exploitation ou recherche de gaz de schiste. Suite au rassemblement de Barjac, il dit « soutenir les manifestations. Nous sommes concernés car en Haute-Savoie des permis ont été demandés. Mais dans l’état actuel, ces permis n’ont pu lieu d’être et sont tombés en désuétude. »

Le député étaye son opposition par le fait que la situation démographique de la France – 121 habitants par km2 – est trop dense pour ce genre de recherche. « On ne doit pas faire n’importe quoi avec les nappes phréatiques. » Il ajoute sur la balance le peu de rentabilité. « Tout cela ne serait pas rentable, et en outre décalé par rapport au contexte écologique de la France. »

Lionel Tardy reste tout de même vigilant. « Si toutefois les recherches étaient à nouveau envisagées en Pays de Savoie ou du Léman, je serais un des premiers en tête de cortège des manifestants. » Il reste optimiste quant à l’avenir dans ce domaine.

En conclusion – s’il y en a une – ce qu’espèrent les associations – en particulier le collectif NGS -, c’est qu’une décision ferme, claire et définitive pour abandonner l’exploitation soit désormais prise par le gouvernement.

Auteur: Loïc Quintin

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