De la fourche à la fourchette

 

La Confédération paysanne prône une alimentation de qualité

accessible à tous

La Confédération paysanne dénonce une agriculture business intensive qui met à la fois des agriculteurs sur la paille et pénalise les consommateurs pour la qualité alimentaire et nutritionnelle.

 

Catherine Gehin-Baillard, agricultrice, membre du bureau de la Haute-Savoie et du comité national du syndicat paysan, éclaire la situation sur le terrain.

Avec son mari et son fils de trente ans, elle constitue un GAEC de 60 vaches laitières plus les génisses, soit 120 animaux. Cent hectares de terres à La Muraz, au pied du Salève, permettent de produire quelque 6000 litres de lait par an, récoltés par les Fermiers savoyards afin de fabriquer du reblochon.
« Je ne viens pas du milieu agricole, tandis que mon mari a pris la suite de sa famille. Nous sommes tributaires d’un cahier des charges strict en ce qui concerne la méthode agricole, incluant le respect de l’environnement. Nous ne cherchons pas à le détruire. »
Le choix est simple pour Catherine : « Soit on pratique une agriculture, comme on le fait, légitime, dans le sens de se libérer du travail – moins de 18h par jour -, soit on entre dans une production industrielle. Pour notre part, on ne regarde pas à l’objet de l’investissement en conservant un certain confort de vie pour nous et les animaux. »

 

L’alternative en marche

Selon la syndicaliste, l’agriculture intensive est vorace et prédatrice de celle que nous préconisons. Par exemple, la nourriture des animaux est basée sur le foin et le maïs grains. « Ce dernier aliment est un complément avec une récolte en « tout vert », sans ensilage. Il faut cela pour atteindre les 6000 litres. Avec uniquement du foin, on stagnerait à 3000. Nous achetons nos aliments car nous ne cultivons pas. Cela a bien sûr un coût en plus du logement des animaux. »
Alors que les consommateurs privilégient encore leurs achats en supermarché, il semble que la réaction paysanne est faible. La Confédération et Catherine Gehin-Baillard dénoncent cependant cette agro-alimentation à la matière brute inexistante, fondée sur la transformation. « Aux gens d’être attentifs ! » proclame l’agricultrice, reconnaissant que l’information paysanne est à développer. « L’alternative est devenue évidente. »

 

PAC = agro-industrie

Comment peut-on faire pour qu’une alimentation de qualité soit accessible à tous ? « Il faut réorienter la PAC, car chaque citoyen paye son alimentation industrielle à travers cette politique. »
Un étiquetage nutritionnel serait le bienvenu. Mais les clients liraient-ils ? « De quelle alimentation parle-t-on avec tous ces produits rajoutés ? Sans compter la rémunération des agriculteurs qui se base sur les cours mondiaux. »
Le fait de produire l’alimentation du bétail à la ferme au lieu de l’acheter réduirait les coûts. « En ce qui nous concerne, nous achetons déjà à des coopératives, d’autres agriculteurs non. Par ailleurs, les terres arables diminuent en Haute-Savoie au profit d’infrastructures. Nous n’avons que 3ha de terres labourables sur 100. Ici, c’est trop pentu. Les élus doivent faire la différence entre terres arables, prairies de fauche et pâturages. »
Cette année, la sécheresse s’est en outre invitée, obligeant le GAEC – comme d’autres exploitations – à puiser dans les stocks.

 

Les circuits courts pas si évidents

La syndicaliste agricole déplore aussi le travail en circuit long. « En Haute-Savoie, on ne peut pas être tous en circuits courts, car les coopératives laitières ont disparu. Il faut conserver à tout prix celles qui subsistent. Nous ne voulons pas de groupe qui rachète tout le monde – exemple Lactalis – et ne pas se déconnecter du monde réel. Même si les consommateurs sont favorables aux circuits courts, il faut dire que des gens travaillent aussi bien en circuit long. L’important est de diversifier et ne pas se cantonner à la monoculture. »

 

Initiatives locales

Les circuits courts permettent d’employer des personnes. « La qualité doit transparaître dans le goût, l’environnement et le social. L’humain est primordial. »
Des initiatives locales voient le jour, mettant en avant des méthodes douces de travail. « De notre point de vue, des fermes ont des procédés innovants dans le durable. Loin de l’agriculture utilisant des drones – la « Smart agriculture ». Un GAEC haut-savoyard fabrique son propre matériel pour l’agro-écologie ; des anciennes variétés de semences sont remises au goût du jour, adaptées au terroir. »

 

Et le bio dans tout ça ?

Catherine Gehin-Baillard reste prudente. « Le bio est à un tournant. Il a certes le vent en poupe, mais il ne faut pas se retrouver face aux mêmes dérives, c’est à dire l’intensification. » Pour elle et la Confédération, le cahier des charges français reste ouvert, mais n’est pas assez dur. L’agriculture paysanne du syndicat va plus loin. « On doit aller dans une agriculture au commerce équitable, autonome, décisionnaire, sans main d’œuvre bon marché, en respectant l’environnement. Le bio n’est pas positionné sur tout cela. »

 

Et de s’interroger. « Pourquoi mange-t-on ? Pour le ventre ou pour la bonne santé ?« 

Pour sa part, elle ne fait plus ses courses en supermarché, privilégiant le marché, les petits commerces, les fruits bio, et cultive ses propres légumes. « On ne mérite pas d’avoir cette nourriture sans goût. »

Selon la Confédération paysanne, « la société doit donc se retrouver pour penser des politiques permettant aux paysans de vivre d’un métier valorisant, et à tous d’accéder à une alimentation qualitative. »

C’est ce qu’elle appelle « la démocratie alimentaire. »

Auteur: Loïc Quintin

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