Y a-t-il des limites à la compétitivité?
La commission européenne, le gouvernement et le Medef n’ont plus que ce mot-là à la bouche: la compétitivité. C’est elle qui serait, à leur avis, la clé de la victoire sur le chômage.
Et, en effet, si l’on admet le monde tel qu’il est et les conditions de la concurrence sans limite vers laquelle le système libéral nous conduit, il faut bien reconnaître que le travail ira de plus en plus à ceux qui accepteront de se plier aux impératifs de la compétitivité.
Or, quels sont ces impératifs ? Ils sont très simples à formuler. Pour être compétitif, il faut : premièrement, travailler intensément, deuxièmement, travailler pour un salaire le plus bas possible, troisièmement, accepter des conditions de travail avantageuses pour les investisseurs, quatrièmement ne pas rechigner devant les inconvénients occasionnés par la production intensive sur l’environnement.
En bref, il faut baisser le coût du travail.
Toutes ces conditions sont déjà réunies dans certaines régions du monde. Voyez le documentaire : « nous achetons, qui paye ?» Lotta Ekelund, la réalisatrice du film, nous fait visiter les usines et les faubourgs deTirupur en Inde du sud et nous permet d’entendre les points de vue des travailleurs aussi bien que des paysans dont les terres sont devenues stériles du fait de la pollution industrielle.
De grandes marques de prêt-à-porter occidentales, comme, par exemple, H&M, se fournissent là-bas parce que les prix y sont très compétitifs. Et pour cause : on y emploie de préférence des enfants et des femmes et même les hommes y ont des salaires défiants toute concurrence. Ils travaillent au minimum 12h par jour et on leur interdit de boire de l’eau pour éviter qu’ils aient à faire la queue (et perdent ainsi un temps précieux pour l’entreprise) devant la porte des deux toilettes prévues pour 1200 personnes.
Ils ont la misère mais ils n’ont pas le chômage.
Nous avons le chômage, pas encore assez de misère pour être vraiment compétitifs.
Autant dire que, selon le vocabulaire actuel du gouvernement socialiste, nous avons des progrès à faire.
Nul doute qu’avec la loi El Khomri qui vient de nous être imposée par la force, notre code du travail se modernise et que, dans peu de temps, nous pourrons entrer en concurrence avec les travailleurs de Tirupur pour enfin « inverser la courbe du chômage« .
De toute façon, on ne voit pas comment ils pourraient survivre encore longtemps aux conditions sanitaires auxquelles la compétitivité les condamne.
Autrefois on travaillait pour vivre, bientôt nous travaillerons uniquement pour être compétitifs, peu importe si nous en crevons.
https://vimeo.com/8213672