Vendredi 18 octobre à Annecy, les Kurdes appellent à un rassemblement de soutien aux populations du Rojava

À l’appel des kurdes d’Annecy, un rassemblement de soutien aux populations du Rojava est organisé devant la Préfecture d’Annecy vendredi 18 octobre  à 18 H.

Contre l’expédition militaire d’Erdogan,

NOUS APPELONS LES HAUTS-SAVOYARDS A SE RASSEMBLER DEVANT LA PREFECTURE D’ANNECY VENDREDI 18 OCTOBRE  A 18 H

en soutien au Rojava géré démocratiquement 

par l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES).

Erdogan a donc mis ses menaces à exécution, en lançant une nouvelle opération militaire d’ampleur contre l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES, Rojava), avec une invasion terrestre et des bombardements sur les villes frontalières de Serekanye, Tall Abyad et même Qamishlo, la capitale du Rojava. L’objectif est clair : détruire la zone d’autonomie créée par les Kurdes, qu’Erdogan ne peut voir que comme une menace pour son pouvoir et son projet nationaliste, alors qu’il a été mis en difficulté lors des dernières élections municipales.

L’annonce faite par Trump du retrait des troupes US de la zone tampon située entre la Turquie et la zone sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), quand bien même le président des États-Unis serait revenu en partie sur ses déclarations, a été prise comme un feu vert donné à Erdogan pour commettre un nouveau massacre.

Le développement du multi-confessionnalisme, le respect de l’autonomie des nationalités, les avancées concernant les droits des femmes rendent son existence intolérable pour l’autocrate Erdogan.

Nous ne pouvons être indifférents au sort des populations qui vivent sur ce territoire, ainsi qu’à celui des combattants des Unités de protection du peuple (YPG)  et des FDS en général. Les victimes pourraient se compter par milliers, et les risques d’enlèvements, d’extorsions, de viols et de massacres sont là.

 

Paris le 12 octobre 2019. Manifestation pour le ROJAVA

Au cri de « Erdogan terroriste » et de « vive la résistance au Rojava », des dizaines de milliers de manifestants protestent contre l’invasion turque dans le nord de la Syrie.

Cliquez pour voir les images de Chris den Hond

– Nous exigeons l’arrêt immédiat de l’opération militaire de la Turquie, qu’il s’agisse de l’invasion terrestre ou des bombardements.

– Nous demandons au gouvernement français d’intervenir diplomatiquement auprès du gouvernement turc et à l’ONU pour exiger l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, afin empêcher le massacre qui se profile.

– Nous revendiquons le fait que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes, ce qui est un axe majeur de la communication et de la politique de la Turquie pour justifier l’écrasement des populations kurdes, d’un côté comme de l’autre de la frontière. 

– Nous exigeons des sanctions contre la Turquie d’Erdogan

Le retrait des États-Unis ouvre la porte à la Turquie

 

Agit Polat, porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). — Les Forces démocratiques syriennes (FDS) et l’autogouvernement ont toujours affirmé que les accords avec les États-Unis n’étaient que des accords tactiques et absolument pas une entente à portée stratégique. Nous savions que, tôt ou tard, les États-Unis se retireraient. Mais, aujourd’hui, nous nous sentons trahis. Ils ont rompu les accords que nous avions passés sur l’établissement d’une zone de sécurité. Les FDS ont respecté à la lettre ces accords. Ils se sont retirés de deux endroits importants : Serekeniye (Ras Al-Aïn) et Girî Spî (Tal Abyad) afin de permettre des patrouilles conjointes États-Unis-Turquie. La trahison des États-Unis a ouvert la porte à l’opération turque. Celle-ci a un objectif principal : anéantir l’autogouvernement pluraliste, pluri-communautaire et pluri-confessionnel qui a été mis en place dans le nord et l’est de la Syrie. La conséquence directe en sera un renforcement du djihadisme et du terrorisme.

 

Les FDS demandent une zone d’exclusion aérienne

Raphaël Lebrujah, journaliste à Qamishlo. — Ça bombarde un peu partout, des cibles militaires, mais aussi civiles, un camp de réfugiés, des prisons. L’armée turque et les milices djihadistes n’avancent que lentement. La résistance des FDS est tenace. Ils sont déterminés à tenir, mais une no-fly zone leur est absolument nécessaire. C’est déjà une boucherie, et les gens (pas seulement les Kurdes) sont désespérés de cette trahison nord-américaine.

 

Les groupes djihadistes remis en selle par la Turquie

Fehim Tastekin, analyste et journaliste. — Si jamais la Turquie s’emparait du territoire du nord de la Syrie, Recep Tayyip Erdoğan poserait trois conditions à un éventuel retrait. D’abord, comme l’autogouvernement avec les Kurdes en Syrie n’a jamais obtenu de reconnaissance régionale ou internationale, il s’emploiera à éliminer ses institutions démocratiques. Ensuite, il proposera comme alternative à l’armée syrienne officielle la nouvelle armée qu’il est en train de créer sous le nom d’« Armée nationale syrienne ». Le président turc va tout faire pour que cette armée soit reconnue officiellement. Enfin, s’il ne parvient pas à renverser Bachar Al-Assad, Erdoğan va s’efforcer de provoquer une partition de la Syrie. Il poursuit le rêve multiséculaire des Ottomans : étendre le territoire de la Turquie — ainsi qu’Atatürk l’avait fait en récupérant Alexandrette (l’actuel Hatay) en 1938.

F. T. — Les groupes rebelles qui soutiennent l’offensive turque ne sont pas des rebelles « modérés ». Ce sont en grande majorité des djihadistes. Il s’agit de plus de cinquante organisations (dont certaines de Turkmènes qui ne sont pas tous des « radicaux »), mais les plus puissantes, du point de vue idéologique et opérationnel, sont des organisations islamistes, comme Al-Qaida, Fatah Al-Cham1, l’organisation de l’État islamique (OEI), Hayat Tahrir Al-Cham… Elles se retrouvent maintenant aux côtés de l’armée turque. Donc l’Armée nationale syrienne créée par la Turquie a et aura une orientation islamiste.

 

Salih Muslim, porte-parole du Parti de l’union démocratique (PYD), principale force politique kurde dans le nord et l’est de la Syrie. —

Nous connaissons ceux qui entrent en Syrie avec les troupes turques. Certains étaient des émirs dans l’OEI, d’autres viennent des villages de Girî Spî (Tal Abyad) et se sont échappés en Turquie quand nous avons chassé l’OEI de cette zone. Ils sont bien connus des habitants de cette région.

Il est évident que cette opération turque va permettre aux groupes djihadistes de se renforcer ou, pour certains, de renaître de leurs cendres. Les Européens devraient en prendre conscience. Les attentats sur le sol européen ont été perpétrés par des terroristes venant de la Syrie et passés par la Turquie. Un renforcement de ces groupes déclenchera certainement de nouveaux attentats en Europe.

Ce qui se passe à Afrin symbolise le projet politique qu’Erdoğan entend appliquer pour tout le nord de la Syrie. Dans le canton d’Afrin, des changements démographiques sont en cours. La ville était à 95 % une ville kurde ; ils n’en reste que 15 %. C’est le résultat d’un nettoyage ethnique auquel se sont livrés les Turcs. Les autres viennent d’Idlib ou de la Ghouta, souvent des familles de djihadistes qui ont combattu avec l’OEI ou Al-Nosra. Pillages, vols, viols, enlèvements contre rançon, c’est ce qui attend tout le nord de la Syrie si la Turquie poursuit victorieusement son offensive.

Calcul risqué de la Russie, impuissance de Damas

F. T. — La Russie cautionne l’invasion turque à condition qu’elle reste limitée dans le nord de la Syrie. Elle espère ainsi pousser les Kurdes dans les bras de Damas. Elle préfère que la Turquie soit présente en Syrie plutôt que les États-Unis, même si elle est consciente qu’une fois installée dans le nord du pays, la Turquie n’en partira pas aisément. Cela explique le silence de Moscou, en plus des accords économiques conclus récemment entre elle et la Turquie.

A. P. — Le principal objectif de la Russie est d’affaiblir les Kurdes et, par la suite, de pouvoir organiser des négociations entre les FDS affaiblies et le régime syrien. C’est un pari risqué parce que, comme l’histoire en témoigne, une fois installée, la Turquie ne partira pas de son plein gré. Mais le principal enjeu pour la Russie, c’est d’éloigner la Turquie de l’OTAN. Pour cela, elle est donc prête à faire des concessions en ce qui concerne la souveraineté territoriale de la Syrie.

S. M. — On constate à quel point le régime syrien est faible et dépendant de la Russie et de l’Iran. L’Iran, comme Israël d’ailleurs, est mécontent de ce soutien de la Russie à l’opération d’Erdoğan ; il a protesté contre la présence de troupes turques sur le sol syrien. La Russie poursuit l’objectif d’un équilibre régional entre la Turquie et l’Iran. Elle ne veut pas d’un Iran trop puissant non plus. Nous avons pu le mesurer pendant l’offensive à Deir-Ezzor où les Russes ont demandé aux FDS de prendre la ville, riche en réserves de gaz naturel. Cette action militaire s’étant effectuée au détriment du régime syrien et de l’Iran.

F. T. — La position de Damas à propos des Kurdes a été formulée ainsi : « Débarrassez-vous d’abord des troupes nord-américaines et après on verra. ». Mais les Kurdes n’ayant aucune garantie que Damas, Moscou ou Téhéran leur accordent l’autonomie qu’ils revendiquent, comment auraient-ils pu demander aux États-Unis de se retirer ? De plus, les FDS exigent une autonomie militaire, ce que l’armée syrienne officielle n’est pas prête à leur accorder.

Damas attend le moment propice pour faire avancer sa propre armée dans le nord de la Syrie. Actuellement, le rapport des forces n’est pas en sa faveur, elle pourrait donc se contenter, dans un premier temps, de récupérer les champs de pétrole de Deir Ezzor. Pour Damas, une invasion turque limitée pourrait être bénéfique. Elle met à mal le contrôle que les FDS exercent sur ce territoire, ce qui lui permettrait d’envisager de le récupérer. Bachar Al-Assad veut bien des FDS affaiblies, mais n’entend pas que la Turquie occupe le nord de la Syrie de façon permanente. C’est jouer avec le feu dès lors que personne ne peut savoir jusqu’où Erdoğan entend conduire son opération sur le plan territorial.

 

En écho à ce rassemblement, pour mieux comprendre les enjeux de ce conflit, nous publions un reportage paru le8 octobre 2017 de Chris den Hond vidéo-journaliste et auteur de plusieurs reportages, notamment sur les Kurdes, les réfugiés palestiniens et Gaza et de Mireille Court. Ce reportage est paru  dans le site « OrientXXI »

 Lors de leur bataille contre l’organisation de l’État islamique, des Kurdes et d’autres peuples du nord de la Syrie tentent de mettre en place au Proche-Orient un projet politique original, ce qu’ils appellent le «fédéralisme démocratique».

Ce projet est contraire au projet religieux d’une bonne partie de l’opposition syrienne, mais s’oppose aussi au projet arabe nationaliste du gouvernement syrien. Et comme si cela ne suffisait pas, ils s’opposent également à un Kurdistan indépendant. «Nous ne voulons pas un Kurdistan indépendant pour les Kurdes, mais une fédération démocratique et pluraliste pour tout le monde», disent-ils.

De Qamishli à Kobané, de Membij à Rakka, ce reportage décrit la laborieuse tentative d’une nouvelle expérience politique en Syrie, malgré les obstacles de la guerre et d’un embargo étouffant.

Ce film est la version vidéo du reportage publié dans Le Monde Diplomatique de septembre 2017 avec le même titre.

Auteur: gfumex

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1 commentaire

  1. super intéressant !
    donc, aucun des gouvernements iraniens, turcs, syrien et arabes ne veulent d’un kurdistan autonome ou bien sûr indépendant. La Russie défend sans doute des intérêts de gaz, mais elle y a perdu des billes avec ces guerres extérieures dont elle se serait passé suite à la propension commerciale hégémonique des USA en en europe centrale et de l’Est après 1989… Elle a cherché des alliés ailleurs après 2005 puisque la CEE est sous tutelle américaine par l’obligation de faire partie de l’Otan, non ? Mais Poutine ne s’est jamais caché d’adhérer à l’idéologie capitaliste après la chute de l’URSS suite à Tchernobyl, dont les USA et la RFA se sont servis aussi. Avait-il les moyen de faire autrement à cette époque ? Avons nous eu les moyens de faire autrement en Europe aussi, vu la démocratie qui se pratiquait et se pratique encore à cet endroit aussi ? Autant de questions auxquelles la nuance s’impose tout de même vue les difficultés internationales actuelles et les répercussions sur chacun des pays.
    à quand une démocratie authentique et éthique digne de ce nom cad du local à l’international en passant par le continental dont la laïcité éthique aussi appliquée de manière cadrée et claire sans passe-droit serait l’élément d’équilibre des forces en tenant compte de l’environnement ? Nous n’en sommes malheureusement pas encore là et la règle des puissances les plus grandes prenant les places vides est toujours majoritaire ; cela a été le cas en europe centrale et de l’est, cela est le cas en Syrie et dans les régions kurdes. Quelle solution apporter pour casser cette dynamique du plus fort ?
    à mon avis, il n’y a pas trente six solutions, la démocratie éthique et transparente dans le milieu du travail et des administrations avec des règles claires que l’on s’impose à tous et toutes.
    Désolée, si j’en heurte quelques’uns/unes. Il ne s’agit pas de religions-là mais de fonder les bases d’un échange équitable et modéré respectant les êtres humains et l’environnement dans leur besoins fondamentaux de manière collective et équilibrée.
    Bonne journée.

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