Témoignages et éclairages sur la condition féminine en 2016

20160217_211655Le 17 Février, une rencontre-débat organisée à Annecy par l’association Humanisme & Société en partenariat avec Osez le Féminisme 74 (OLF74) a réuni plus d’une soixantaine de participants autour de la question suivante : être femme et s’investir dans tous les secteurs de la société? Neuf femmes de différentes générations et évoluant dans des milieux divers étaient invitées à témoigner : Évelyne Marteau, vice-présidente d’OLF74 et élue au Conseil Municipal d’Annecy, Marie-Noëlle Provent, ex-première adjointe au Maire d’Annecy, Leila Lamnaouer, journaliste et rédactrice-adjointe à l’Essor Savoyard, Julie Daubié, chef d’entreprise reporter d’images et monteuse, Justine Porret, agricultrice et vice-présidente de la Coordination Rurale, Isabelle Buenadicha, avocate, Floriane Grard, lycéenne élue au Conseil Académique du lycée Berthollet et Céline et Aurélie, joueuses de football américain du Bassin Annécien.

Plusieurs thèmes majeurs ont été abordés et ont permis une mise en lumière des problématiques toujours très actuelles de la condition féminine : les stéréotypes et les schémas dominants, l’influence de l’éducation sur la construction de la personnalité et sur les postures de l’adulte, les rôles sociaux et les traits psychologiques attribués traditionnellement aux uns, aux unes et aux autres, avec pour conséquence la légitimité naturelle des hommes contre le manque de confiance habituel des femmes, l’influence de l’expérience historique du pouvoir par les hommes sur l’appropriation ou la non-appropriation du pouvoir par les femmes, le rôle de l’origine sociale dans la manière d’être femme et d’évoluer dans la société, la reconnaissance de la complémentarité hommes-femmes…

Pourquoi encore parler de la condition féminine et du féminisme en 2016 ?

Lorsque l’on parle des femmes, le mot Inégalités revient souvent. Le thème de la soirée ouvre sur deux problématiques distinctes : le statut de la femme et son évolution d’une part et les choix offerts/laissés aux femmes concernant leur vie professionnelle d’autre part. Jusque dans les années cinquante, les femmes ont été quasiment exclues du monde du travail, puis la tendance a diminué grâce à l’éducation et à la baisse de natalité dans les années quatre-vingt. Aujourd’hui encore, un véritable clivage de genre existe. Si la proportion de femmes parmi les salariés atteint 48 %, la différence de salaires à compétences égales est de 25 % en faveur des hommes. Le fameux « plafond de verre » désigne cette limite invisible qui interdit aux femmes l’accès aux postes les plus importants :  30 % des entreprises sont dirigées par des femmes et seuls 30 % des proviseurs sont des femmes. Il y a bien inégalité de traitement et inégalité de visibilité vis-à-vis des femmes (à ce sujet voir le rapport de Reine Prat en 2006).

Les paroles du rappeur Orelsan « Ferme ta gueule ou tu vas te faire marie-trintigner », « renseigne-toi sur les pansements et les poussettes, je peux faire un enfant et te casser le nez sur un coup de tête », même sorties de leur contexte, témoignent d’un type de rapport de domination de l’homme sur la femme encore bien présent aujourd’hui en France. Et Évelyne Marteau d’interpeller : Que dire du fait que la majorité des jouets présentés dans les catalogues aujourd’hui est « genrée » ? Selon la vice-présidente d’OLF74, le 21ème siècle démarre mal pour les femmes à cause de la situation de crise qui a souvent pour conséquence directe un net recul des droits des femmes. De plus, la société française reste patriarcale et symboliquement, les troubles viennent des femmes qui ne font pas ce qu’on attend d’elles. Le combat aujourd’hui porte sur l’égalité des droits entre hommes et femmes et non sur l’égalité homme/femme. C’est une des raisons d’être de l’association Osez le Féminisme.

Témoignages de femmes

De gauche à droite : Évelyne Marteau, Céline et Aurélie (joueuses de football américain), Julie Daubié (vidéaste), Justine Porret (agricultrice et vice-présidente de la Coordination Rurale), Leila Lamnaouer,  Floriane Grard (lycéenne).

Voici dans l’ordre d’intervention, les témoignages des femmes qui ont accepté de participer à cette rencontre-débat.

Marie-Noëlle Provent, ex-première adjointe au Maire d’Annecy, parle d’Yvette Martinet élue au Conseil Municipal en 1965 et qui disait qu’il ne s’agissait pas « d’être une femme alibi mais d’avoir un réel engagement pour l’intérêt public ». Mme Provent qui a bien connu Yvette Martinet, souligne son souci de l’humain, sa grande empathie et sa recherche permanente de création de lien social et de cohabitation intergénérationnelle. Selon elle, les traits de caractère de Mme Martinet ont typiquement marqué sa manière d’aborder et de bâtir la politique sociale de la ville d’Annecy.

Leila Lamnaouer, journaliste et rédactrice-adjointe à l’Essor Savoyard raconte son parcours dans un milieu plutôt masculin. Elle se souvient que les obstacles qu’elle a rencontrés au niveau professionnel sont plutôt venus des femmes. Ainsi, sa chef lui demande de ne pas envisager de maternité  pour au moins un an, lors de sa première embauche. Dans ses rapports hiérarchiques avec des hommes subalternes, elle dit avoir rencontré certaines difficultés telles qu’une remise en question constante de son autorité et des confrontations quotidiennes qui l’amènent à conclure qu’il faut savoir faire preuve d’un caractère bien trempé et être capable de s’imposer plus qu’ailleurs lorsque l’on est une femme dans ce milieu particulier.

Julie Daubié, réalisatrice audiovisuelle, reporter d’image est co-fondatrice du collectif « Les Fondues de Films », basé à Seynod.

Elle témoigne d’un environnement local très agressif dans le secteur de l’audiovisuel et majoritairement masculin. Avec deux collègues femmes, elles se sont associées et organisent aujourd’hui leur activité professionnelle selon leurs propres critères et besoins. Elles ont par exemple réfléchi à la manière d’alterner leurs grossesses pour assurer la continuité de leur activité. Julie sourit en disant que ce genre de discussion et d’arrangement n’auraient pas pu avoir lieu ni même être imaginés dans un milieu masculin. Les associées ont pris le parti d’aborder leur travail sans renier leur nature féminine, c’est à dire en incluant des manières de faire plus intuitives, plus sensibles, plus empathiques que leurs collègues masculins. La façon de traiter les sujets diffère, de même que le choix des sujets, ce qui leur permet, au final de sortir du lot, en particulier pour les interviews et les voix-off.

Julie Daubié cite parmi les éléments favorables de son parcours personnel, le fait d’avoir été élevée à la campagne, le fait d’avoir été autorisée par ses parents à envisager ce métier, la confiance qu’on lui a accordée, le fait que son conjoint la soutienne et qu’il s’occupe de leurs enfants autant qu’elle et enfin, plusieurs modèles de femmes avant-gardistes qui lui ont, en quelque sorte, montré la voie et lui ont permis d’oser se lancer à son tour. Elle a réalisé un documentaire intitulé « travail en voie lactée » au sujet de l’allaitement au travail. De son expérience d’environ 800 interviews réalisées chaque année, elle tire un constat : lorsqu’elle arrive sur un lieu de tournage et qu’elle n’a pas son matériel avec elle, on la prend souvent pour une serveuse ou on ne la remarque pas. Julie ajoute que pour avancer en tant que femme, il faut aussi apprendre à lâcher, c’est à dire à laisser à d’autres, au conjoint notamment, des responsabilités habituellement réservées aux femmes.

Justine Porret, agricultrice et vice-présidente du Syndicat Coordination Rurale, rapporte qu’au cours de son parcours pour devenir agricultrice, son rêve d’enfant alors qu’elle ne vient pas de ce milieu, elle a été souvent aidée par des hommes. Elle souligne que dans son milieu, la force physique fait une vraie différence entre hommes et femmes et que pour continuer à avancer, il faut lutter contre les préjugés et savoir rester féminine dans un milieu d’hommes. Elle avoue que son conjoint préfèrerait qu’elle reste à la maison le soir.

Isabelle Buenadicha, avocate au Barreau d’Annecy, a prêté serment en 1977. A propos de la condition féminine dans ce milieu, elle dit ne jamais avoir ressenti de frein dans son évolution professionnelle qui aurait été lié au fait d’être une femme. En revanche, plusieurs clients lui auraient affirmé préférer travailler avec une femme avocate plutôt qu’avec un homme. Elle avoue cependant la nécessité en tant que femme, de faire preuve d’esprit combatif, d’adversité, et de caractère dans ce milieu, encore plus que lorsque l’on est un homme, pour s’imposer et se faire respecter. « Une femme doit conquérir sa position par son travail et sa personnalité ».

Floriane Grard, lycéenne, élue au Conseil Académique du lycée Berthollet et vice-présidente de la Maison des Lycéens.

Concernant ses mandats, elle dit devoir régulièrement réaffirmer son autorité vis-à-vis d’autres élus garçons. Elle constate qu’au niveau national, tous les postes à responsabilité des instances représentatives des élèves (Conseil National de la Vie Lycéenne et Conseil Académique), sont tenus par des garçons.

Céline, 20 ans et Aurélie, 16 ans, deux joueuses de football américain du Bassin Annécien sont venues témoigner de leur condition féminine dans ce milieu quasi exclusivement masculin. Le plus gros obstacle est médiatique : on ne parle pas du football américain féminin, pourtant une équipe féminine française participera à la prochaine Coupe du monde en Septembre prochain. La plus grosse difficulté est de recruter de nouvelles joueuses et de faire face aux préjugés extérieurs. Au sein du club, joueurs et joueuses se respectent. Le coach chuchote que les filles sont beaucoup plus disciplinées et apprennent et assimilent les questions stratégiques beaucoup plus vite que les garçons (et toc!).

Les associations organisatrices

L’association « Humanisme & Sociétés », représentée par Thomas Meszaros*, maire-adjoint d’Annecy, une municipalité UDI-LR, est une association qu’il définit « apolitique ». Elle a pour objectif principal d’organiser des conférences et des débats sur des thèmes de société. Elle se donne trois missions principales : une mission d’information et d’échange par l’organisation d’événements réguliers, une mission de communication à destination de publics diversifiés (élus, fonctionnaires, dirigeants…) et une mission d’expertise destinée à évaluer des actions menées dans différent secteurs, politique, économique, juridique ou social.

Osez le Féminisme 74 (OLF74) a été créée en 2013 à Annecy par Estelle Pignet, la présidente actuelle, c’est l’antenne Haut-Savoyarde de l’association nationale du même nom. Selon sa vice-présidente Évelyne Marteau, OLF74 est une association « féministe, progressiste, universaliste, abolitionniste et laïque ». Son objectif n’est pas de prouver l’égalité homme-femme mais de réduire les inégalités qui existent encore entre les hommes et les femmes au 21ème siècle. L’atteinte de cet objectif passe notamment par la lutte contre les stéréotypes et contre les violences faites aux femmes. OLF74 est convaincue que le changement des mentalités passe par un travail commun mené à la fois par les hommes et les femmes. En Haute-Savoie, OLF74 mène des actions de sensibilisation auprès des jeunes et intervient dans les collèges sur le thème du sexisme ordinaire et dans les lycées sur celui du harcèlement de rue. L’association travaille aussi avec les élus locaux sur ces sujets. Le samedi 5 Mars, OLF74 sera au Forum de Bonlieu à Annecy pour fêter la journée de la femme (qui tombe un mardi 8 Mars cette année).

* maire-adjoint à la municipalité d’Annecy

Ressources :

Accueil


http://osezlefeminisme.fr/
https://fr-fr.facebook.com/OsezLeFeminisme74/
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/prat/egalites.pdf

Auteur: gfumex

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