Supprimer le travail serait supprimer l’homme.
Le travail est l’acte de l’intelligence humaine.
Qu’est-ce que l’intelligence ?
La capacité de faire le lien entre une cause et son effet (entre un événement et sa cause, entre un acte et son but…).
Le feu, par exemple, est la cause de la lumière et de la chaleur. Si je veux me chauffer ou m’éclairer, je dois faire du feu. (Et pour faire du feu, je dois connaître la cause du feu et je dois aussi savoir que le feu peut brûler et incendier…)
Savoir, c’est comprendre l’enchaînement des causes.
Agir, c’est utiliser des causes pour produire des effets, et c’est précisément la définition du travail :
le travail est l’application de l’intelligence humaine pour produire tout ce qu’il faut pour vivre. Travailler, c’est être assez intelligent pour conserver et pour améliorer la vie.
Mais travailler, c’est aussi faire des efforts.
La tendance humaine primitive est de dormir ou de rêver.
L’enfant passe du sommeil à l’éveil par le jeu qui est encore un rêve.
L’adulte passe du rêve à la réalité par le travail.
Travailler consiste à renoncer à un plaisir immédiat (et faible) en vue d’un plaisir ultérieur imaginé puis réalisé plus fort et plus sûr (définition du principe de réalité par Freud).
Le travail permet l’accession à la réalité et la transformation du plaisir imaginaire en jouissance réelle. (La chasse, la pêche, l’agriculture, l’industrie, l’art sont autant de moyens de réaliser ses désirs.)
Il permet à l’homme d’atteindre des buts qui seraient impensables sans l’organisation intelligente de ses efforts.
Le travail permet à l’homme de se réaliser.
Mais le travail est aussi le seul moyen pour l’homme de donner consistance à la société humaine par la solidarité.
Le travail est ce qui se partage : le boulanger fait du pain pour les autres, le cordonnier fait des chaussures, l’agriculteur produit de la nourriture… personne ne travaille uniquement pour soi.
On peut considérer que celui qui cultive son jardin uniquement pour lui-même, travaille dans le sens des deux définitions précédentes : il utilise son intelligence et il se réalise dans la production de ce qui est utile à sa vie. Mais son travail reste incomplet s’il n’entre pas dans une relation d’échange avec les autres, ne serait-ce qu’en vendant une partie de sa récolte, soit pour la troquer contre le produit du travail d’un autre, soit pour gagner de l’argent qui lui permettra de bénéficier du travail des autres.
Le travail créé la solidarité sociale et permet au travailleur de se sentir utile et donc d’être reconnu comme un membre de droit de la société qui, par l’organisation du travail et des échanges, devient une société politique.
Le travail est véritablement l’acte de produire de l’humain.
Ne confondons pas le travail avec une activité forcée et exploitée (qu’on appelle aussi travail aliéné) considérée aujourd’hui comme obligatoire pour avoir le droit de vivre.
Ce n’est pas parce que certains ont inventé l’esclavage ou entrepris de faire du travail une marchandise, que nous devons oublier que le travail est le propre de l’homme et l’essence même de l’humanité.
Nous allons peut-être vers la fin du travail salarié mais nous devons veiller à ne pas en finir avec le travail, ce serait en finir avec l’humain.
L’humain à venir reste à construire avec le travail de demain.