Quatre témoignages sur la violence policière.
Suite aux nouvelles révélations sur la violence policière qui a provoqué la mort de Rémi Fraisse, opposant au barrage de Sievens, dans le Tarn, nous avons jugé intéressant de publier les témoignages de quatre personnes qui ont participé à la manifestation de Toulouse, le 8 Novembre dernier, en hommage au jeune militant écologiste.
Daniel, Ania, Valentin et Paul expriment leurs motivation et leurs réactions. Nous les relayons, telles quelles, afin de vous permettre d’accéder à des versions personnelles, différentes souvent de celles que les médias officiels nous ont transmises et qui peuvent compléter nos informations.
> Bonjour,
> J’étais à la manif samedi à Toulouse et c’était vraiment l’horreur.
> J’ai eu peur.
> Pourtant je n’avais pas eu peur à Albi le lundi 27 octobre alors que
> je me suis fais plaquer sur un capot de voiture à coups de matraque
> dans le dos par un CRS et gazé lorsqu’ils ont chargé, mais là, à
> Toulouse, il y avait une réelle volonté de coincer les manifestants
> et de leur en faire baver pour les dissuader de revenir manifester.
Daniel
> J’étais à la manif de Toulouse hier, j’étais vachement motivée, je
> m’étais bien préparée psychologiquement, je m’étais dit, si ils
> veulent la guerre, ils vont l’avoir, je voulais prendre une bat de
> baseball , et puis je me suis dit que c’était débile, j’ai préféré
> mettre les baskets de ma fille , j’ai bien fait, on s’est fait
> chargé, gazé, j’avais pas pensé à un truc, qu’on se serait retrouvé
> dans un guet-apens, la gestapo nous avait enfermés dans une avenue,
> aucun moyen de se barrer , elle était partout, avait bouché toutes
> les issus de secours, elle chargeait sur nous, balançait des
> lacrymos , arrêtait des personnes, on a essayé de se barrer pour
> échapper au gaz, à la violence de l’état, impossible de partir, tout
> le monde criait laissez-nous passer, on leur a demandé où ils
> voulaient en venir, on avait bravé l’interdiction, alors on devait
> payer ? et puis, il s’est passé quelque chose, un homme est venu nous
> aider, il nous a fait traverser une résidence qui donnait sur une
> avenue beaucoup plus calme, on est passé, mais d’autres personnes
> étaient toujours de l’autre coté, alors j’ai attendu qu’elles
> sortent, quelque unes ont pu passer, mais quand la gestapo c’est
> rendu compte qu’on se barrait par là, elle est venue, a balancé des
> lacrymos dans la résidence pour empêcher les gens de sortir, j’ai cru
> que j’allais péter un câble, par la suite j’ai appris que des copains
> étaient passés et qu’ils s étaient réfugiés dans un appartement, une
> vielle dame leur avait ouvert sa porte, la gestapo faisait tous les
> étages, frappait à toutes les portes pour arrêter les personnes qui
> avaient pu fuir. Voilà, faudrait peut être se lever le cul,
> maintenant il faut prendre la rue!
>
> Pourtant la manif était vraiment calme, les gens applaudissaient les
> clowns qui essayaient de détendre l’atmosphère et dansaient sur leur
> musique.
> Beaucoup se sont assis par terre, beaucoup criaient « nous sommes
> pacifistes », ce qui ne les a pas empêcher d’être gazés et matraqués à
> bout portant.
> A l’évidence, il s’agit de dissuader les gens d’aller manifester en
> leur faisant peur.
> Sans compter les condamnations avec de la prison ferme déjà tombées.
> Il semble que cette stratégie fonctionne puisque nous n’étions environ
> que 1 500, enfin certainement moins de 2 000, ce qui n’est pas
> beaucoup pour Toulouse. Combien la prochaine fois ? Et pour quel
> sujet de manif ?
>
Ania
> « Que s’est il passé le 08 novembre à Toulouse ?
> Je m’appelle Valentin, j’ai 17 ans, et je suis pacifiste.
> Nous nous sommes tous réunis comme prévu à 14 h place Jean Jaurès.
> Nous avions appris la veille au soir -via les médias- qu’elle était
> interdite.
> Après avoir observé une minute de silence à la mémoire de Rémi, nous
> nous sommes concertés afin de savoir ce qu’on allait entreprendre. Un
> membre du NPA a négocié avec la police et 30 minutes après, il nous a
> appris que la police -via le préfet- nous proposait un nouveau
> parcours : traverser les allées Jean Jaurès. Premier piège de la
> journée mais nous ne le savions pas encore. Dans une ambiance bon
> enfant, la manifestation avançait dans le boulevard Jean Jaurès,
> encadrée par des policiers. Second piège.
> Et tout à coup, en plein milieu du boulevard, des*camions anti émeute*
> (avec de grandes grilles devant le capot) arrivent et *bloquent la
> manif au milieu du boulevard. C’est là que le piège s’est refermé sur
> nous : nous nous sommes aperçus que nous étions totalement
> encerclés. Les CRS et les GM bloquaient le boulevard derrière,
> devant et sur les côtés. *Impossible donc d’en sortir*. Alors on
> s’est tous couchés par terre en signe d’indignation et de non
> violence. Et là c’est le drame : les CRS lancent une sommation pour
> que l’on se disperse (alors que le boulevard était ENCERCLE et que
> l’on ne pouvait PAS partir). Puis ils chargent sur les manifestants
> couchés en première ligne : gaz lacrymogènes en pleine face,
> grenades assourdissantes, coups de pieds, coups de matraques. Nous
> sommes tous restés couchés en nous tenant les uns les autres mais la
> douleur était telle que tout le monde a fini partir en courant petit
> à petit. Pour ma part, j’étais couché devant, en première ligne.
> J’ai reçu coups de pieds, de matraques, de boucliers, et je ne sais
> combien de gaz dirigés vers le sol par les CRS. Je suffoquais
> tellement qu’au bout de 5 minutes j’ai dû sortir en courant. La jeune
> fille à côté de moi est restée 30 secondes de plus et un CRS lui a
> ATTRAPE LA TÊTE PAR LES CHEVEUX AFIN DE LA GAZER EN PLEIN VISAGE*.
> Pour ma part j’ai couru pour me réfugier loin des gaz dans un coin du
> boulevard. J’ai observé une super solidarité, les gens me croisaient
> et me donnaient du sérum pour les yeux. Au bout de 10 minutes ça
> allait (un peu) mieux. J’avais encore les yeux qui pleuraient mais je
> suis revenu sur les lieux.
> Là, j’ai vu une scène de massacre : des policiers frappaient des
> manifestants partout, c’était la chasse, le boulevard était bloqué et
> personne ne pouvait s’enfuir.
> J’étais hors de moi et j’ai commis une erreur : je me suis avancé vers
> un chef des CRS et je lui ai dit toute ma colère, sans violence mais
> avec beaucoup d’entrain dans la voix. Il m’a poussé, et j’ai vu son
> regard vide, sans âme, une seconde. Puis il a levé son aérosol et m’a
> gazé au visage, j’étais en face de lui, à trois centimètres de son
> visage. Puis j’ai entendu des gens lui crier dessus et je suis parti
> car j’avais vraiment mal, j’avais du gaz partout, nez, bouches, yeux,
> oreilles, cheveux, vêtements… La peau me brûlait, je n’y voyais
> rien, je me suis effondré. Heureusement des gens m’ont attrapé et
> m’ont porté jusqu’à chez eux pour que je me rince le visage. La
> douleur était telle que je voulais qu’on m’assomme ! Sur le chemin,
> j’ai observé une magnifique solidarité. Tout le monde me proposait du
> Maalox, du sérum pour les yeux, à manger, à boire… J’étais
> complètement sonné par la douleur.
> On a voulu sortir du boulevard mais impossible, j’ai dit que je
> voulais me soigner, que je ne pouvais plus respirer, et la réponse
> que l’on a eue c’est : « bien fait pour vous, vous y étiez c’est que
> vous le méritez, vous y rester maintenant « .
> On a mis une bonne 1/2 heure à atteindre l’appartement de ceux qui
> m’ont aidé en passant par des rues dérobées. J’ai mis au moins 45
> minutes à m’en remettre.
> Hier soir en rentrant chez moi j’ai voulu me doucher mais tous les
> gaz qui étaient restés dans mes cheveux ont dégouliné sur mon corps
> et ça m’a horriblement brûlé.
> La personne qui est venue me chercher à Toulouse avait même du mal à
> respirer et toussait dans la voiture car j’avais plein de gaz sur moi,
> on a dû s’arrêter plusieurs fois sur l’autoroute pour aérer la voiture
> car il ne pouvait pas conduire !
>
> Bravo à ceux qui sont restés coincés dans le boulevard pendant
> plusieurs heures dans les gaz et les tirs de flashball.
> *Cette manif était un piège : les policiers nous ont menti* (ce trajet
> n’a en réalité jamais été autorisé) et en ont profité pour tous nous
> bloquer dans un espace restreint et nous faire mal. Ils ont attisé la
> haine en chargeant les manifestants pacifiques couchés par terre.
>
> Les policiers sont à l’origine des débordements qu’ils ont
> volontairement provoqués !!
>
> Il faut savoir qu’au début de la manif des gens arrivaient et venaient
> parler avec les policiers, puis se joignaient à eux afin de « faire
> régner l’ordre » et ce n’était en aucun cas des policiers.
> Des policiers de la BAC se sont déguisés en casseurs et ont chassé
> des gens, cassé des vitrines…
> Les policiers se sont joints à des inconnus et leur ont prêté des
> casques afin qu’ils tapent dans le tas !! Et ça, je l’ai vu de mes
> propres yeux !!
>
> Je tiens à remercier les personnes qui m’ont tiré de là car sans elles
> je ne sais pas ce que je serais devenu…
>
> Si quelqu’un a une vidéo ou des photos de ce qu’il s’est passé, que ce
> soit au début quand on étaient couchés ou à la fin quand le CRS m’a
> gazé en face de moi, je suis preneur car des journalistes les
> voudraient.
>
> La peau me brûle encore et ma maison et la salle de bain puent le gaz.
> Je viens de lancer une troisième machine pour laver mes affaires car
> le gaz ne part pas. J’ai peur de prendre une nouvelle douche, c’est
> dire ! Vous pouvez chercher sur youtube des vidéos de ce massacre car
> il y en a sûrement.
> Merci d’avoir pris la peine de lire. J’espère qu’il y a de quoi
> prendre conscience de la barbarie des policiers.
> Je porte plainte mardi. »
Val
> « Bonjour à tous,
> Je suis allés à la manifestation à Toulouse avec des amis et ma
> copine. Nous avons rejoint toutes les personnes déjà sur place, le
> point de RDV était à Jean Jaurès à 14 h.
> Une personne a pris la parole, un membre du NPA nous expliquait les
> conditions de la manifestation comme quoi tout d’abord, *la
> manifestation était interdite mais que finalement, nous avions eu
> l’autorisation d’aller jusqu’à la Médiathèque* (moins d’un km plus
> haut). Nous avons donc commencé la manifestation dans le calme, en
> marchant, les gens chantaient, les slogans à coups de « police partout
> justice nulle part », et autres.
> Avant d’arriver à la médiathèque, il y a eu un gros cordon de CRS qui
> nous a bloqué le passage. La manifestation n’avançait plus. Les gens
> ont commencé à s’assoir, à chanter, à danser, nous attendions dans le
> plus grand calme et un pacifisme exemplaire.
> (1ère sommation) – (2ème sommation)
> Boum, en un rien de temps, les lacrymogènes étaient en l’air,
> retombant sur nous tous alors qu’il n’y avait eu aucune violence
> auparavant !
>
> Le début de l’enfer.
>
> Nous avons tous commencé à reculer, pour pouvoir repartir de là où
> nous venions afin de nous disperser. Et là, surprise, cordon de CRS de
> l’autre côté, avec les gros camions avec les grilles (anti émeute),
> chaque ruelle était bloquée par le PSIG et les CRS. *Nous étions pris
> au piège !! Impossible de sortir de cet enfer !! Le gaz flottait dans
> l’air et nous brûlait à tous les yeux, la gorge, le visage, les
> poumons… Nous avons été bloqués ainsi pendant plus d’une heure !!
> Les CRS bloquaient la sortie, et empêchaient quiconque de rejoindre la
> manifestation. La violence était terrible, les grenades pétaient dans
> tous les sens… j’ai essayé de discuter avec un CRS en lui demandant
> de nous laisser passer parce qu’on voulait partir et ne pas subir cet
> enfer, il m’a répondu « j’ai des ordres »…
> C’est une HONTE !! Le gaz flottait dans l’air, et les CRS ont
> commencé a avancer des deux côtés afin de nous resserrer et de nous
> isoler encore plus. Nous ne savions plus quoi faire, c’était horrible.
> Des gens ont commencé à courir vers une ruelle ! OUF, enfin une
> sortie ! Nous avons pu rejoindre cette ruelle, libérée des forces de
> « l’ordre »…
>
> Enfer !! Partie 2 !
>
> Nous avons donc commencé à emprunter cette ruelle pour pouvoir enfin
> quitter ce chaos… Certains de mes amis étaient devant, à une dizaine
> de mètres de moi, courant pour échapper au désastre.
> Et là, à la sortie de la ruelle, le PSIG a débarqué à une vitesse
> incroyable en courant et *en frappant les personnes qui essayaient de
> s’échapper de cet enfer, à grands coups de matraques.* Mes amis se
> sont fait matraquer dans le dos, sur le bras, et il y en a un qui
> s’est pris un grand coup de pieds dans les parties intimes !!
> De là, notre groupe était séparé, trois ont disparu derrière tout ça
> et le PSIG nous a dit de faire demi tour « CASSEZ-VOUS ! DEGAGEZ ! » en
> frappant leurs matraques contre une grille en métal.
> C’était terrifiant !! Heureusement, un habitant de la ruelle nous a
> sauvés et nous a fait rentrer chez lui, on a attendu que les choses se
> calment, et nous sommes sortis une demi heure après.
> Plus de policiers (à moins de 500m de nous) mais le gaz lacrymogène
> flottait dans l’air des rues avoisinantes. un de nos amis s’est fait
> arrêter. IL N’AVAIT RIEN FAIT !!
> Résultat ? Comparution immédiate, on attend des nouvelles.
> C’EST UNE HONTE !! LA VIOLENCE POLICIERE EST DE PLUS EN PLUS FORTE !
> C’EST SCANDALEUX ET TERRIBLE !
Paul.