Par Sandra Stavo-Debauge
Jeudi 6 novembre 2025, près de 300 personnes ont rempli la salle Sixtine à Saint-Jean-de-Sixt pour la première réunion d’information consacrée au projet de village olympique des Jeux d’hiver Alpes 2030. Organisée par la SOLIDEO Alpes 2030, maître d’ouvrage du futur site, à la demande du maire de la commune M. Lathuille, cette soirée a révélé les contradictions du discours officiel, un dossier encore flou et les vives inquiétudes du public. En deux heures d’information et d’échanges, les porteurs du projet n’auront pas répondu aux deux questions qui s’imposent : la pertinence d’organiser ces JOP et le chiffrage budgétaire du futur village olympique, laissant la salle avec plus de questions que de réponses.
Cette première partie s’attache à la présentation du projet. Nous traiterons des questions du public dans un second article.

Le maire de Saint-Jean-de-Sixt, M. Didier Lathuille, a ouvert la séance en posant des conditions strictes et en ciblant d’emblée notre media venu couvrir la soirée. « Avant même de commencer, je souhaiterais que cette réunion ne soit ni filmée ni enregistrée. Pourquoi ? Parce que c’est une réunion à destination des habitants de Saint-Jean-de-Sixt. Ce n’est pas une réunion publique et les questions qui seront posées seront répondues (SIC) uniquement si on est sur des questions du village. » Face à nos protestations, l’édile tranche : « La presse aujourd’hui n’était pas conviée. » Il omet de se présenter à la salle (tout le monde ne le connait pas), mais exigera que lors du temps d’échanges, chaque citoyen décline son identité et le quartier de Saint-Jean qu’il habite avant de poser sa question. Le ton est donné : celui d’une réunion sous contrôle… Reflet de ces Jeux imposés sans consultation publique.
Le site retenu pour le projet de village olympique
C’est le site du Crêt qui a été retenu pour le projet de village olympique. En promontoire, il domine le cœur du village et la vallée. Il abrite aujourd’hui l’ancien centre de vacances « Les Elfes » laissé à l’abandon (racheté 1,7 millions d’euros par l’établissement foncier de Haute-Savoie en 2019 avec 400 000 euros de subventions de la région AURA – source du collectif Fier Aravis), le centre de vacances du CCAS (le premier comité d’entreprise de France) encore en activité qui représente environ 2 500m2 au sol, et le camping municipal. Le tout couvre environ 3,3 hectares.
La phase d’héritage prévoit 75 logements, dont la moitié sociaux ou abordables, un gymnase de 3 000 m², la création d’une auberge de jeunesse nouvelle génération ou hôtellerie moderne et la rénovation du centre de vacances CCAS.
« Une opportunité rare pour notre commune de 1 500 habitants » selon le maire
Durant 20 minutes dans son mot l’introduction, le maire déroule les grandes lignes du projet de village olympique présenté comme une « occasion rare » : « Ce projet qui pourrait voir le jour sur notre commune dans le cadre des Jeux Olympiques et paralympiques d’hiver de 2030 présente pour Saint-Jean-de-Sixt et pour le territoire des Aravis une véritable opportunité. Et je pèse ce mot : opportunité. C’est d’ailleurs ce mot opportunité que je souhaite mettre au cœur de mon propos ce soir. Une opportunité pour penser l’avenir du Crêt, pour construire des logements accessibles et durables, pour accueillir un équipement sportif structurant pour le territoire et pour renforcer les liens entre nos communes ». Avec 12 occurrences dans le discours, opportunité sera battue par un autre élément de langage : héritage avec 20 occurrences !
Il précise : « Ce projet est encore récent, nous avons l’information depuis le mois de juin. Il avance rapidement car le calendrier des Jeux est contraint, mais il n’est pas finalisé. Beaucoup d’éléments doivent encore être précisés, affinés, débattus. » Il insiste sur la « transparence » et sur le « projet encore en construction qui continuera d’évoluer au fil des échanges entre les partenaires, les concertations avec les opérateurs et des réflexions que nous mènerons collectivement. »
La commune a gardé la maîtrise foncière des terrains et du centre de vacances des Elfes propriété du SIMA (Syndicat intercommunal du massif des Aravis) : « Avec la perspective des JOP, nous pouvons envisager un projet utile, équilibré et concerté. Ce projet de village olympique doit d’abord être pensé pour Saint-Jean-de-Sixt et les habitants du territoire des Aravis (…) Il permettra d’accueillir les athlètes pendant les Jeux dans des conditions optimales, mais surtout après les Jeux, il doit devenir un nouveau quartier de vie intégré à la commune et répondant aux besoins réels du territoire. »
Pour le maire l’enjeu est triple pour répondre aux besoins du territoire :
- Développer des logements, notamment sociaux et abordables « conformément à notre PLH (programme local de l’habitat) »,
- Développer la pratique sportive avec un gymnase intercommunal de 3000 m2 attendu depuis longtemps,
- Redévelopper un tourisme social avec la rénovation du centre de vacances du CCAS et un nouvel hébergement de type auberge de jeunesse nouvelle génération : « Ce modèle de tourisme accessible et porteur de valeurs de partage fait partie de l’histoire de Saint-Jean-de-Sixt et contribue pleinement à sa vitalité économique tout au long de l’année. »
« Les Jeux olympiques rendent possible un niveau de financement que nous n’aurions jamais pu atteindre seuls pour un équipement public. » Un financement de combien avec quelle part d’argent public, la salle n’en saura rien, mais croyez bien que c’est une opportunité !
Il informe que le conseil municipal a voté « à l’unanimité » le 30 octobre 2025 une délibération de principe concernant ce projet : « Elle acte simplement la volonté de la commune de s’inscrire dans la réflexion, d’accompagner la SOLIDEO dans les études à venir tout en affirmant les éléments de prudence et de vigilance. Toutes les décisions futures, qu’elles soient financières, foncières ou urbanistiques, feront bien évidemment l’objet de nouveaux votes du conseil municipal. »
Il précise enfin que : « les organisateurs des jeux, le COJOP et la Région Auvergne Rhône Alpes ne sont pas présents à cette réunion qui est pilotée exclusivement par la SOLIDEO Alpes 2030 en lien avec la commune et les acteurs locaux. » Pourtant dans quelques minutes, Augustin Tran Van Chau, missionné par le COJOP, prendra la parole pour présenter le village des athlètes ! L’édile n’est pas à une contradiction près.
Un site en partie en friche à reconvertir selon la SOLIDEO
En quinze minutes, le représentant de la SOLIDEO Alpes 2030[1], Simon d’Annunzio, directeur de la supervision et des villages, expose les grandes orientations du projet et les intentions d’aménagement : « Le site du Crêt est un site qui nous paraît tout à fait adéquat pour l’accueil du village olympique de Haute-Savoie. (…) Déjà urbanisé, il accueille déjà des constructions et il est pour bonne partie artificialisé et situé entre les sites des épreuves olympiques, le Grand-Bornand (Biathlon) et La Clusaz (ski de fond). »
Objectif affiché : « Redonner vie à une friche immobilière » et « limiter l’imperméabilisation » du sol : « C’est un patrimoine bâti qui est en friche pour une bonne partie. (…) et qui bénéficie aussi d’un patrimoine naturel assez important avec cette ceinture verte. Un des enjeux du projet, c’est de permettre à la CCAS à l’Ouest de réinvestir ce patrimoine-là et de le rénover. Dans la partie Est, on a imaginé implanter à la fois des logements (compatibles avec le PLU actuel ne dépassant pas le R2), et l’offre d’hébergement hôtelière atypique. L’idée, c’est d’équilibrer les masses bâties et de limiter l’imperméabilisation, développer les qualités paysagères et de biodiversité du site (…) et mettre la nature et le sport au cœur du projet. » Trame verte centrale qui sera en partie bouffée par l’implantation du nouveau gymnase accolé aux deux terrains de sport actuels, mais passons.
Il dira quelques mots sur la programmation en héritage : « L’idée est d’orienter une partie des 75 logements (une quinzaine de logements par bâtiment) abordables et sociaux vers des concepts d’habitat inclusifs. »
La SOLIDEO promet également l’exemplarité environnementale : « On va demander aux opérateurs de répondre sur un seuil 2028 et d’essayer de se projeter sur un seuil 2031, pour être en avance sur la réglementation énergétique. » L
Le gymnase intercommunal, un projet de 2022 relancé
Gérard Fournier, président de la CCVT présente rapidement le projet de gymnase intercommunal : « L’idée du village olympique sur Saint-Jean a accéléré les réflexions sur les besoins du territoire en équipement sportif et culturel. » Le bâtiment d’une surface plancher de 3 000 m² environ comprendra une salle multisports de 1400m2 avec des gradins, un dojo de 250 m² pour le judo et l’aïkido, une salle multi-activités de 250 m² pour accueillir danse, yoga, escrime, et ping-pong. Soit environ 1900 – 2000 m² pour la pratique sportive, auxquels s’ajoutent les vestiaires, les espaces l’accueil, de circulation, les locaux techniques. « Reste en suspens la question des parkings qu’on envisage aussi peut-être pour partie sous le gymnase, ce qui amènerait à le faire sur deux étages. »
Au service de la SOLIDEO dans un premier temps, le gymnase est conçu pour un usage pérenne par les habitants, notamment du haut des Aravis : « On a saisi cette opportunité de la nécessité d’avoir un bâtiment de grande surface pour répondre à certains besoins du village olympique pour positionner le gymnase. On pourrait déjà avoir plus de 50 heures par semaine occupées par ce gymnase. » A 3km de Saint-Jean, La Clusaz prévoit aussi de bâtir son gymnase et voit en grand… Les 2 gymnases seront complémentaires assure le président de la CCVT : « Celui de la Clusaz répond à des besoins plus ciblés clubs de sports locaux mais aussi loisirs avec des propositions complémentaires aux nôtres, comme le mur d’escalade. » Mouais… Il espère bien sûr obtenir quelques financements pour ce projet. « Ce gymnase, il a été dimensionné selon les besoins du territoire pas selon les besoins d’éventuelle surface d’un village olympique », insiste Simon D’Annunzio de la SOLIDEO avant de passer la parole à Augustin Tran Van Chau, expert du COJOP (Comité d’organisation des JOP)
La vie du village des athlètes pendant la période olympique
Missionné pour le COJOP sur les sujets de villages Olympiques, Augustin se lance dans la description de ce qu’est qu’un village des athlètes en période olympique : « La période d’utilisation du village pour les jeux, c’est très court par rapport à la durée de vie globale du projet. Je vais tâcher d’illustrer comment va vivre ce site à l’hiver 2030. On va accueillir 296 athlètes pour le ski de fond, 210 pour le biathlon, et environ 880 résidents au total hébergés au village, avec les entraîneurs, préparateurs sportifs, équipes médicales et techniques… » Les chambres des athlètes (de 12m2 pour 2) seront sommaires, avec des lits simples, une table de chevet et une penderie. « Le cahier des charges du CIO dit qu’on peut mettre un maximum de 8 résidents (de la même délégation) dans un même logement. Ces règles dimensionnent le besoin en nombre de lits. »
Le site comprendra aussi un restaurant de 300 places (1000m2 de surface pour les résidents et 120m2 pour le restaurant du personnel), des espaces médicaux pour les premiers soins[2], des zones de détente, des espaces récréatifs, une salle de sport, des laveries et divers services mis à disposition des athlètes, mais aussi des espaces pour la logistique, l’approvisionnement. Ces équipements aménagés temporairement pour les JO seraient ensuite démontés. « Ce village, c’est la maison des athlètes. C’est un des sites les plus sécurisés pendant les Jeux », précise-t-il.
Simon d’Annunzio, annonce les échéances : consultation des opérateurs immobiliers dès à présent, désignation du lauréat mi-2026, dépôt des autorisations d’urbanismes et des autorisations environnementales si besoin fin 2026, travaux de mi-2027 à mi-2029, puis l’accueil des Jeux du 1er au 17 février 2030, avant la reconversion d’avril à fin 2030.
[1] L’établissement public d’État créé début 2025 compte une quarantaine de collaborateurs et a pour mission de livrer des infrastructures et aménagements nécessaires à l’accueil des jeux, soit environ une quarantaine d’ouvrages sur l’ensemble du territoire des Alpes du Nord et du Sud. Il a également un rôle de centralisation des financements publics et des concours publics sur l’ensemble de ces ouvrages.
[2] des partenariats se nouent avec les services médicaux locaux pour pouvoir traiter les sujets plus graves.


