PHILOSOPHIE. De la nation, du nationalisme et de la souveraineté nationale..

« Nous sommes chez nous ! Nous sommes chez nous… » scandaient les manifestants d’extrême droite lors de la manifestation anti-migrants devant la mairie d’Annecy, samedi dernier.

Entre eux et les contre manifestants venus soutenir les demandeurs d’asile, il y a manifestement  une différence d’interprétation d’un mot fondamental dans le vocabulaire politique, il s’agit du mot « nation ».

La nation peut se définir dans un premier temps comme le pays natal, celui dans lequel un certain nombre d’humains sont nés et ont vécu, partageant une même origine ethnique, une même langue et les mêmes traditions.

La nation est alors un élément identitaire essentiel. Chacun peut se définir comme étant français, italien, allemand… Ou même plus précisément comme breton, Auvergnat voire napolitain ou bavarois.

La France, comme tous les pays modernes, est un ensemble de nations unies et, avec le temps et le brassage interne des populations, elle est devenue elle-même une nation  dans la mesure où elle présente une unité de langue et une communauté d’histoire (comme disait l’autre : « être français, c’est avoir pour ancêtres les gaulois« ).

Le nationalisme est la revendication de cette appartenance et de cette identité avec la ferme volonté de ne pas se mélanger avec des ressortissants de nations étrangères et, par conséquent, d’origines ethniques, géographiques et historiques différentes.

C’est en ce sens que  la revendication à la souveraineté nationale risque de se confondre avec le racisme, la xénophobie ou, en tout cas, la méfiance à l’égard des « étrangers ».

Pourtant, dans un deuxième temps, suite à l’influence de la philosophie des lumières, la nation s’est donnée un tout autre sens : elle est l’ensemble des individus qui ont conclu entre eux un pacte social, c’est-à-dire qui ont décidé de se donner des lois communes et de se constituer en assemblée politique.

Ce ne sont donc plus les caractéristiques naturelles  (origine ethnique et géographique) qui définissent l’appartenance à la nation mais des caractéristiques culturelles relevant de la liberté de chacun d’accepter ou de refuser l’organisation commune qui constitue la société  (la Constitution et les lois).

En ce sens la souveraineté nationale ne consistera plus à préserver les privilèges des plus anciens occupants du territoire mais à faire valoir la « volonté générale » de l’ensemble des « citoyens » associés dans la recherche et la création des institutions et des règlements qui permettront de vivre ensemble avec le moins de conflits possible.

(Non seulement  de vivre ensemble à l’intérieur de l’État-Nation mais également de vivre le mieux possible avec tous les autres Etats-Nations.)

Si la nation se constitue en démocratie, alors la souveraineté nationale se confond avec la souveraineté populaire.  Sachant toujours que le peuple  politiquement défini est l’ensemble  des individus qui partagent le même « intérêt général » et respectent les mêmes institutions.

Les problèmes identitaires et sociétaux qui semblent aujourd’hui préoccuper les peuples plus que tout sont symptomatiques du retour  au sens archaïque du mot « nation » et d’un effacement progressif de sa dimension politique. La dévalorisation de la fonction politique et des hommes qui l’occupent ne peut que confirmer cette tendance régressive vers  un nationalisme primitif.

Et cela peut s’expliquer par le contexte international et par la prise de pouvoir d’une caste supranationale qui fait fi de toute souveraineté populaire, de toute souveraineté nationale et remplace les délibérations et les décisions politiques par leurs impératifs financiers.

Le libre-échange imposé par le libéralisme économique  condamne tous les pays à lutter pour leur compétitivité dans un climat de concurrence, voire de guerre économique sans merci. Il n’est plus question pour les peuples de choisir leurs orientations, il leur faut, pour survivre, s’adapter.

La financiarisation des échanges supprime la politisation des relations entre les nations et entre les individus qui les composent, les problèmes sociaux, environnementaux et culturels passent au second plan devant la nécessité d’obéir aux ordres des maîtres du monde.

Toute volonté, toute décision démocratique  se trouve immédiatement court-circuitée par les diktats des institutions supranationales  telles que l’Union Européenne, le FMI et surtout le concile des grandes multinationales mondiales (World Business Cuncil).

L’impérialisme du pouvoir économique mondial tend, manifestement, à supprimer la dimension politique à tous les niveaux et d’abord au niveau national de sorte que l’on n’entende plus par le mot « nation » une structure de liberté collective et de souveraineté populaire auxquelles peuvent participer volontairement tous les citoyens indépendamment de leurs origines ethniques et géographiques mais que l’on en soit réduit à revenir au concept primitif du mot « nation », rassemblement des indigènes d’une même contrée.

C’est, sans doute,  dans ce deuxième sens que l’entendent ces manifestants qui criaient : « nous sommes chez nous ! Nous sommes chez nous !  » Montrant ainsi que, pour eux, la nation se rapproche de plus en plus de la tribu et que des siècles de philosophie sont en voie d’être effacés par quelques décennies de libéralisme forcené.

Auteur: librinfo74

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