Mary Ellen Wilson, battue, affamée, humiliée

Le monde littéraire 

Nous diffusons cet article transmis par Josette Tardivel paru dans le monde littéraire.

Des violence contre les enfants que l’on retrouve systématiquement dans toutes les guerres, comme celle sévissant à Gaza.

 
Battue, affamée, humiliée. Ainsi se déroulèrent les dix premières années de la vie de Mary Ellen Wilson, née à New York en mars 1864. Son père mourut alors qu’elle n’était encore qu’un bébé, et sa mère, sans ressources pour l’élever, la confia à un couple qui paraissait respectable : Mary et Francis Connolly. Mais derrière ces murs, il n’y avait ni protection ni tendresse. Seulement des punitions, des enfermements et la faim. Mary Ellen était traitée comme une esclave au cœur même de son enfance, vivant chaque jour comme une bataille silencieuse pour survivre.
 
Ce secret serait resté enfoui sans l’intervention d’Etta Angell Wheeler, une bénévole qui visitait souvent le quartier. C’est elle qui perçut les signes : la maigreur extrême, les marques sur la peau, le regard éteint d’une enfant brisée par la douleur. Elle tenta de demander de l’aide, mais découvrit qu’à cette époque, les institutions ne disposaient d’aucune loi pour protéger les enfants. Ils étaient invisibles aux yeux de la justice.
 
Alors survint l’inattendu : Wheeler se tourna vers la Société américaine pour la prévention de la cruauté envers les animaux (ASPCA). Si les animaux pouvaient être défendus, pourquoi pas les enfants ? Henry Bergh, président de l’organisation, fut profondément ému et décida d’agir. Avec l’aide d’un avocat, il obtint une ordonnance judiciaire et arracha Mary Ellen à l’enfer où elle vivait.
 
Quand on la sortit de cette maison, la scène était bouleversante : elle était dénutrie, couverte de cicatrices et marquée par une peur qui parlait plus fort que n’importe quel mot. La société, en la voyant, comprit pour la première fois quelque chose qui paraissait évident mais n’avait jamais été formulé : les enfants pouvaient, eux aussi, être victimes de violence.
Le procès contre Mary Connolly bouleversa l’opinion publique. Le plus marquant ne fut pas la preuve matérielle, mais la voix de l’enfant elle-même. À peine âgée de dix ans, Mary Ellen raconta, en sanglotant, comment elle était frappée à coups de fouet, privée de nourriture pendant des jours et contrainte de dormir dans un placard. Son témoignage fut un écho déchirant qui brisa le silence entourant une réalité jusqu’alors ignorée. Connolly fut condamnée à la prison. La sentence pouvait paraître légère, mais le précédent était immense : pour la première fois, la maltraitance des enfants était sanctionnée par un tribunal.
De ce procès naquit la première institution au monde consacrée à la protection des enfants : la Société de New York pour la prévention de la cruauté envers les enfants (NYSPCC). L’histoire de Mary Ellen ouvrit les yeux de la société et donna naissance à des lois, des organisations et des mouvements qui, depuis lors, luttent pour l’enfance.
 
Et qu’advint-il d’elle ? Après le procès, Mary Ellen resta un temps sous la garde de sa grand-mère, puis fut adoptée par une famille qui lui offrit stabilité et affection. Elle put enfin aller à l’école, grandir dans un environnement sûr et reconstruire ce qu’on lui avait volé. Plus tard, elle épousa Lewis Schutt, eut quatre enfants et se consacra à leur donner ce qu’elle n’avait jamais connu : un foyer empli d’amour.
 
Mary Ellen Wilson passa du statut d’enfant réduite au silence à celui de symbole qui éveilla toute une société. Sa souffrance ne fut pas vaine : grâce à son courage, l’enfance cessa d’être invisible et devint un droit qu’il fallait protéger.

Auteur: librinfo74

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