L’islamisme radical est un problème pour le peuple, il doit donc être un problème pour la gauche.
Un malaise profond touche aujourd’hui un grand nombre de gens de gauche. Peut-on encore poser les questions qui sont déjà posées par le Front National sans craindre de passer pour un adhérent de ce parti, solidaire des xénophobes que l’on rencontre dans ses rangs ? »
Dans un livre récent (la gauche radicale et ses tabous. Ed. du Seuil.) Aurélien Bernier montrait déjà comment le Front National s’était emparé de certains concepts comme « la souveraineté nationale » ou le « protectionnisme intelligent », les gens de gauche se sentant interdits de ces concepts de peur d’être immédiatement jugés comme des extrémistes de droite.
La difficulté tient au fait que nos expressions sont souvent trop lapidaires et que, pour diverses raisons, le plus souvent le manque de temps, nous n’avons pas les moyens de développer le contexte dans lequel elles prennent leur sens et les raisons profondes de nos affirmations qui peuvent, dans ces conditions, être interprétées faussement..
En tout cas, il est dommage que, sous prétexte que ce soit le domaine réservé du Front National, celui dans lequel il a l’occasion de se montrer le plus odieux (et je pense ici par exemple aux sorties affligeantes de Jean-Marie Le Pen sur les Juifs et les fours) les hommes de gauche se dispensent de poser lucidement le problème de l’immigration et plus particulièrement celui de l‘islamisme radical.
On peut en parler pourtant sans être ni raciste, ni islamophobe, ni xénophobe tandis que sa négation peut avoir des conséquences très néfastes pour tout le monde.
Sur le plan international on ne peut pas nier la gravité croissante du problème. Quelles que soient les responsabilités respectives (il n’y a pas de doute que les États-Unis ont offert aux djihadistes l’Irak et une partie de la Syrie comme les Français leur ont préparé la Libye) la montée en puissance d’un djihad armé dans le monde est loin d’être rassurante.
En France, il faudrait être aveugle pour ne pas voir une situation qui se dégrade et, devenant par endroits insupportable, pousse certains électeurs à voter Front National parce que ce parti est le seul à prendre en compte leurs difficultés.
Revenant d’un périple dans le sud de la France, j’ai été touché de voir la misère qui règne dans certaines petites villes autrefois prospères. Cette misère est partagée, souvent, avec un grand nombre d’habitants qui portent le voile ou le pantalon ne dépassant pas la cheville. L’islam s’y expose sans complexe voire d’une façon un peu provocatrice et ne cache pas ses tendances salafistes ou ses subventions du Qatar pour entretenir la mosquée.
Un citoyen lucide y voit évidemment l’effet du chômage et d’une politique mondiale agressive à l’égard du peuple. Certes, bien des difficultés disparaîtraient si chacun pouvait vivre aisément.
La pauvreté est partagée, nous sommes tous victimes du système, mais la solidarité n’est pas au rendez-vous parce que, là où l’islam se radicalise, rien d’autre n’est partagé, parce que des mœurs différentes créent des divisions sociales profondes.
La culture républicaine promeut la laïcité et, avec elle, le respect de toutes les croyances et religions mais l’islamisme radical (qu’il ne faut pas confondre avec la pratique religieuse de beaucoup des musulmans) ne tolère la différence, ce qu’elle appelle la « mécréance » qu’à la condition de la tenir à l’écart. C’est ce qu’on appelle le communautarisme. On accepte l’autre, certes, mais on le méprise parce qu’il mange du jambon ou parce qu’elle porte une jupe. Et cette incapacité à créer avec l’autre des relations claires, mutuellement respectueuses, provoque une scission et un malaise.
Ce malaise est vécu tous les jours par une grande partie du peuple, celui qui vit justement dans les quartiers populaires et qui, malgré des origines extrêmement diverses,se sent uni par une commune difficulté à vivre dans les conditions économiques imposées par le libéralisme financier mais ne partage pas les exigences religieuses de l’Islam radical. Le propre de ces exigences étant, d’ailleurs, de primer sur tout autre devoir civique.
Méfions-nous du prétexte d’une autre culture pour justifier ce que nous n’avons pas à tolérer sans nous renier nous-mêmes. Ce n’est pas parce que telle ou telle pratique barbare, tel ou tel comportement incivique, font partie d’une « autre culture » que nous devons les accepter.
Le peuple (on peut entendre sous ce terme de « peuple », l’ensemble des personnes qui vivent ensemble, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs et ne jouissent pas de privilèges qui les mettent au dessus des lois) est facilement accusé de racisme ou de xénophobie par ceux qui ne partagent pas ses difficultés et ne veulent pas affronter certains problèmes politiques. Les partis de gauche tombent parfois dans ce travers. Mais le peuple n’a pas à se charger d’une culpabilité qui n’est pas la sienne et les jugements moraux ne résolvent rien.
Le peuple votait autrefois à gauche, la gauche exprimait ses désirs et ses craintes. La gauche ( les partis dits « de gauche ») essayait de prendre en compte ses difficultés et de les résoudre.
Faut-il que la gauche soit dénaturée pour abandonner ainsi une grande partie du peuple au Front National, pour ne pas se saisir intelligemment de ses problèmes!
Mais où est la gauche, fière d’elle-même, qui saurait rendre au peuple aussi sa fierté d’être le peuple, capable d’exiger le respect des autres sans considération d’origine ou de croyance et sans peur des mots ?
De même que l’on peut vouloir l’indépendance de la France et la souveraineté populaire sans être « nationaliste »,
de même que l’on peut souhaiter un certain « protectionnisme » pour éviter l’invasion de produits toxiques sans refuser la coopération avec les autres pays,
de même que l’on peut condamner avec vigueur la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens sans être « antisémite »,
de même, on doit pouvoir s’affronter au grave problème du communautarisme islamiste sans être « de droite » et sans s’imaginer solidaire du pire.