On entend souvent que les Jeux olympiques et paralympiques 2030 vont se faire. Or, contrairement à ce que les porteurs de projets voudraient faire croire avec leur projet monté en toute hâte, les opposants au projet des JOP2030 expliquent « qu’ils ne sont pas une fatalité ».
Il est vrai que la politique du fait accompli est efficace, la résignation gagnant du terrain. Or s’il y a bien un collectif qui ne se résigne pas et agit, c’est le Collectif Citoyen JOP2030[1] emmené par la juriste et experte financière Delphine Larat qui a réussi à embarquer des ONG comme Mountain Wilderness ou France Nature Environnement dans des actions juridiques inédites.
Les opposants prennent comme exemple la loi Duplomb : « les citoyens ont un rôle à jouer dans ce rapport de force ».
Alors que nous éprouvons chaque jour un peu plus les désastres du réchauffement climatique – canicules, villages de montagne rayés de la carte par des laves torrentielles, des glaciers qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, méga incendies, biodiversité au martyr –, les opposants aux JO considèrent que « le pouvoir, ou plutôt l’oligarchie en place, accélère les offenses démocratiques, sociales, environnementales, climatiques et se place de plus en plus souvent au-dessus des lois… Le projet de Jeux Olympiques et Paralympiques 2030 dans les Alpes françaises en est une illustration criante. Ce caprice de plusieurs milliards d’euros – une gabegie financière -, a été imposé en un temps record dans un entre-soi (de droite), sans que l’avis de quiconque, collectivités locales comprises, n’ait été demandé. Des jeux opaques, en dehors des clous de notre Constitution, fossoyeurs de notre État de droit, de l’écologie et du social, avec, par-dessus le marché, une soumission totale au CIO, association à but non lucratif de droit suisse. Oui, oui vous avez bien lu. »
« La politique du fait accompli »
Les arguments des opposants ne manquent pas : » Les jeux durables au service de la transition », « l’héritage olympique », « les valeurs du sport », ces talismans brandis par les porteurs du projet sont des coquilles vides qui ne convainquent pas grand monde, pas même eux. Ils n’ont même plus besoin de prendre des gants car derrière la façade du discours officiel, une mécanique est à l’œuvre : la politique du fait accompli. C’est bien commode pour empêcher toute velléité d’opposition et toute critique de faire en sorte que la population se résigne en lui laissant croire que « les jeux sont faits ». Et ça fonctionne, ce dont s’alarme Delphine Larat du collectif Citoyen JOP2030. Cette politique du fait accompli n’est pas nouvelle : « Il y a énormément de gros projets qui se font à grand renfort de bulldozers, malgré des recours en justice ou une analyse des risques qui commanderait d’être prudent sur ce que l’on fait. C’était illégal, mais maintenant que c’est fait, on ne peut plus revenir en arrière… ». Cette stratégie, déjà observée avec les mégabassines ou l’A69, se rejoue ici avec les Jeux. « Dans l’esprit commun des gens, les recours contre des infrastructures, c’est quelque chose qu’on envisage et qui a été médiatisé. Mais des recours contre un projet de JO, ça n’a jamais été fait ». On peut se demander pourquoi : « si le modèle du CIO est le même pour tous les pays, le cadre légal des pays n’est pas le même. Et ce qui est illégal chez nous en France, ne l’est pas forcément chez les autres », répond Delphine. La bonne nouvelle, c’est que même si les porteurs du projet nous font croire le contraire, les JOP2030 ne sont pas faits. Parce que l’on trouve des irrégularités d’un bout à l’autre du projet, des leviers ont déjà été activés au niveau juridique, d’autres actions en justice devraient arriver. Autant de grains de sables qui pourraient enrayer la machine. Mais il faut faire vite, la marge de manœuvre se réduit ».
Des actions en justice sont en cours
Tel David contre Goliath, le collectif a porté des recours juridiques inédits pour un projet olympique. Il s’est notamment appuyé sur la Convention d’Aarhus. Cette norme la plus haute ratifiée par la France impose deux mesures : l’évaluation environnementale globale du projet et la mesure d’information et de participation du public du projet dans sa globalité tant que des alternatives sont possibles. « Or ces deux obligations, l’État les a ignorées ». Ces deux mesures devraient être de nature à mettre un point d’interrogation sur le projet lui-même ». » Normalement, ils ne devraient pas commencer à penser aux travaux, ni à lancer des appels d’offres tant que ces deux obligations ne sont pas menées. », rappelle Delphine Larat. « En clair, le projet olympique repose sur un « continuum d’irrégularités[2] ». Tout est bancal, mais l’illusion de la normalité et la précipitation permettent aux porteurs du projet d’avancer ».
Les opposants restent confiants en citant deux procédures en cours :
- Saisine du tribunal administratif pour suspendre le contrat olympique (signé le 9 avril 2035 avec le CIO) jugé inapplicable en l’état, les deux obligations citées plus haut n’ayant pas été respectées.
- Saisine du Comité d’Aarhus de L’ONU, avec une audition prévue en novembre.
« Notez que si le projet de loi olympique est adopté, il va fortement restreindre les possibilités de recours. » insiste le collectif
Projet de loi olympique : « détricotage de nos acquis sociaux et environnementaux »
Pour le collectif des opposants, le danger immédiat réside dans le projet de loi olympique[3]. « Ce projet de loi est marqué par la précipitation et la non-conformité, à l’image du projet JOP 2030 », accuse le collectif.
Déjà examiné au Sénat fin juin 2025, il est inscrit en procédure accélérée à l’Assemblée nationale.
Les députés l’examineront et en débattront début septembre pour un vote prévu fin septembre.
Delphine Larat explique : « Le contrat hôte olympique, contrat type exigé par le CIO, contrevenant à nombre de nos règles de droit, il est donc obligatoire de voter une loi olympique, dérégulant notre droit, pour pouvoir respecter les obligations contractuelles à la charge des régions et garanties par l’État français ».
20 codes et lois seront détricotés
Avec la loi olympique, ce sont pas moins 20 codes et lois qui seront détricotés de pour faciliter l’organisation des Jeux : « retours en arrière notamment en matière du droit de l’environnement et d’urbanisme[4], durcissements en matière de restriction des libertés publiques (notamment la vidéo surveillance algorithmique)… «
Le collectif veut peser sur les députés lors des débats et du vote de la loi olympique
« Cette loi olympique c’est une catastrophe absolue. Si elle passe, on est morts », résume crûment la juriste. L’urgence est donc d’interpeller les parlementaires. « Débats et votes à l’Assemblée constitueront la première et seule possibilité de discuter de l’intérêt général du projet JOP 2030 et de sa pertinence », rappelle le collectif citoyen JOP 2030 dans le courrier envoyé à l’ensemble des députés ce, afin de les mettre face à leurs responsabilités sur ce projet de loi : « en votre qualité de député·es, il est de votre mandat d’interroger le Gouvernement, d’examiner son action et de contrôler l’emploi de l’argent public », écrit-il. Chaque citoyen est invité à faire de même (lien du courrier en fin d’article).
L’autre alerte concerne la garantie du déficit du comité d’organisation, qui devra être intégrée au budget public d’ici 2030, mais pourrait être anticipée sous la pression du CIO. Encore des millions de dettes transférés aux contribuables…
Quid des municipales de 2026 ?
Un autre front est celui des collectivités locales. Les Jeux n’étaient pas dans le programme électoral, ni des dernières municipales, ni des régionales. « Personne n’a été élu pour ça », rappelle le collectif. Pourtant, ce sont bien les communes et intercommunalités qui se voient imposer infrastructures et contraintes.
« Les élections municipales de mars 2026 pourraient être une occasion d’exprimer un rejet populaire des JOP2030. »
Des listes « anti-JO » pourraient émerger. Mais gare aux représailles : « Les robinets financiers seront sûrement coupés dès le début du mandat par les Régions organisatrices », prévient Delphine Larat qui dénonce le cynisme des présidents de Région. En effet, les prochaines régionales ayant lieu en 2028, il y a de fortes chances pour que Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, qui ont mené ce projet de JO avec l’argent des contribuables, ne soient même plus là pour rendre des comptes. « Depuis que Muselier est à la tête de la région PACA, l’endettement par habitant ne cesse d’augmenter. On est en train de creuser notre tombe. C’est comme le cynisme des autorités chinoises qui te liquident d’une balle dans la tête et qui font payer la balle à la famille », s’indigne-t-elle.
Rappelons que les communes et les intercommunalités ne sont pas juridiquement liées au contrat olympique. Elles peuvent donc en théorie se désengager. Un acte de bravoure, qui entraînerait certes des surcoûts – à charge du COJOP de trouver un autre site -, et des pressions régionales, mais qui demeure possible. « Tout ce qui émane comme obligations de la part du CIO, ça s’impose à des personnes qui ne sont pas parties au contrat ! C’est très étonnant et c’est une vraie question juridique qui se pose », souligne madame Larat.
Le révélateur d’un rapport de force
Derrière le récit olympique, il apparaît qu’un système de contournement du droit, de collusion entre privé et public, de pantouflage et de corruption larvée qui se dessine. « Dans le projet de loi olympique, il y a une simplification sur les codes de passation des marchés publics. L’entre-soi est hallucinant… C’est une porte ouverte pour les prises illégales d’intérêts et autres arrangements entre amis », analyse la juriste qui observe aussi que « plus on accueille de grands événements sportifs, plus on détricote notre droit ». Elle en vient même à se demander si ces grands événements sportifs ne sont pas un moyen pour l’oligarchie d’opérer un séparatisme judiciaire.
Le collectif Citoyen JOP2030 appelle donc à la vigilance et à l’action. « On n’a pas un mois », », insiste Delphine Larat. Si la loi olympique passe, le verrouillage sera presque total.
« Les JOP2030 ne sont pas une fatalité, à condition de ne pas se résigner » conclut le collectif.
Sandra Stavo-Debauge
Les échéances et dates à retenir :
- 28 août à Annecy : débat public organisé par le collectif citoyen JOP 2030 à Annecy. https://librinfo74.fr/combien-vont-couter-les-j-o-2030-vous-le-saurez-le-28-aout/
- Septembre 2025 : débat et vote du projet de loi olympique à l’Assemblée nationale.
- 24 septembre 2025 : réunion d’information à Thônes (Espace cœur de vallée) sur les enjeux des Jeux (organisée par le Collectif Fier Aravis et Pour une Transition Participative à Thônes
- Novembre : audition devant le Comité d’Aarhus (ONU – Genève)
Les liens utiles :
- Courrier aux députés concernant le projet de loi olympique à télécharger ici : https://www.collectifcitoyenjop2030.fr/upload/Lettres_courriers/Mail_aux_depute_es_en_prevision_debats_projet_de_loi_olympique.pdf
- Cagnotte en ligne pour participer aux frais conséquents des actions en justice, engagées et à venir :
- Pétition pour demander la suspension du contrat olympique : https://agir.greenvoice.fr/petitions/jop-2030-demande-de-suspension-du-contrat-olympique?
[1] https://www.collectifcitoyenjop2030.fr/
[2] Parmi les irrégularités citées dans le courrier du Collectif citoyen JOP2030 envoyé aux députés :
- Refus de mettre en œuvre la mesure d’information et de participation du public malgré l’obligation faite par notre constitution et la convention d’Aarhus concernant un projet impactant l’environnement, au sens du code de l’environnement tel que reconnu par l’Autorité Environnementale dans son avis du 29 novembre 2024
- Un contrat signé par les Régions AURA et PACA en l’absence de délibération spéciale
- Un contrat léonin comportant une clause compromissoire interdite dans notre droit et s’imposant à des collectivités territoriales (communes) non-parties au contrat
- L’absence d’avis de la HATVP concernant la désignation de M. Grospiron à la tête du COJOP
[3] Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a rendu un avis défavorable concernant le projet de loi. https://www.cnen.dgcl.interieur.gouv.fr/inlinedocs/db6c5b21cc27ab462d0c3aabd3a8b7a0/deliberation-cnen-pjl-jop-2030-extreme-urgence-vdef.pdf
Dans son avis, Le Conseil d’État souligne l’insuffisance de l’étude d’impact et invite le gouvernement à la compléter ( https://www.senat.fr/leg/pjl24-630-avis-ce.pdf ) Il souligne aussi l’absence de consultation du Conseil national de la montagne.s
[4] L’article 13 du texte de loi « permettra de dispenser de toute formalité au titre du code de l’urbanisme les constructions, installations et aménagements temporaires liés aux Jeux. »