Le 12 novembre, une centaine de personnes de la communauté hazâra se sont réunies devant les Nations Unies à Genève pour dénoncer les massacres perpétrés à leur encontre par les Talibans en Afghanistan. Des attaques qu’elles qualifient de « génocide » et qui visent particulièrement les filles et les femmes afghanes. Une situation dramatique pour les Hazaras qui appellent la communauté internationale à réagir enfin pour les protéger :

Femmes Hazâra devant l’ONU à Genève le 12 novembre 2022 © Benjamin Joyeux
Ce samedi 12 novembre aux environs de 13h, alors que le brouillard commence à s’estomper un peu, plusieurs dizaines de personnes se rassemblent autour de la célèbre Broken Chair, devant les locaux des Nations Unies, Place des Nations à Genève. Une majorité de jeunes femmes sont présentes et brandissent des pancartes et des drapeaux. Leur objectif, commémorer le 40e jour du massacre perpétré dans le centre éducatif de Kaaj, à l’ouest de Kaboul la capitale afghane, le 30 septembre dernier. Un attentat suicide à la bombe qui avait provoqué 53 morts et plus d’une centaine de blessés[1], en majorité des jeunes femmes qui préparaient leur entrée à l’université, dernière terrible attaque d’une longue série visant particulièrement les Hazâras.
Une minorité historiquement persécutée
La communauté hazâra est en effet l’un des groupes ethniques afghans ayant subi le plus de persécutions au cours de son histoire. Vivant principalement au centre de l’Afghanistan, mais également présents au Pakistan, en Iran, au Tadjikistan et dans une moindre mesure au Turkménistan, et présents dans la région depuis au moins le 15ième siècle, les Hazâras appartiennent à la branche chiite de l’Islam, dans un environnement géographique majoritairement sunnite. Mais certains sont également ismaéliens, sunnites, voir même chrétiens ou laïcs. Car les Hazâras se caractérisent avant toute chose par des valeurs libérales de tolérance, se focalisant sur la connaissance, l’éducation et même l’égalité homme-femme. Des valeurs totalement inacceptables pour les Talibans et les extrémistes de l’Etat islamique.
Dès le début du 20ème siècle, Abdur Rahman Khan, alors émir d’Afghanistan, condamnait par décret les Hazaras comme « infidèles » et exhortait le reste de la population afghane à mener la guerre sainte contre eux. Les deux tiers de la population hazâra sont alors décimés, des milliers de femmes et d’enfants mis en esclavage et leur territoire historique, le Hazarajat, occupé (c’est au cœur de ce même territoire qu’un siècle plus tard, en 2001, les Talibans détruisent les célèbres bouddhas de Bamiyan). La persécution des Hazâras se perpétue jusqu’à nos jours, notamment lors de la première prise de Kaboul par les Talibans entre 1996 et 2001.
Aujourd’hui, les près de 4 millions d’Hazâras vivant en Afghanistan (soit presque 9% de la population) craignent pour leur vie, en particulier depuis le retour au pouvoir des Talibans en août 2021, et n’hésitent plus à qualifier de « génocide » les persécutions qu’ils subissent. C’est pourquoi ils en appellent à la protection de la communauté internationale.
Un appel à la protection internationale
Comme l’indique l’ONG Human Rights Watch[2], depuis le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan le 15 août 2021, le groupe armé État islamique de la province de Khorasan (ISKP), branche de l’Etat islamique en Afghanistan, a revendiqué 13 attaques contre les Hazaras, tuant et blessant au moins 700 personnes.
C’est pourquoi en ce 12 novembre, des représentants de la diaspora Hazâra, regroupés notamment sous la bannière du World Hazara Council[3], manifeste en maints endroits de la planète, et en particulier devant les Nations Unies à Genève. Ils demandent l’aide internationale pour faire cesser immédiatement ce qu’ils n’hésitent pas à qualifier de génocide, comme énoncé sur les pancartes qu’ils brandissent place des Nations.

Manifestation place des Nations à Genève, 12 novembre 2022 © Benjamin Joyeux
Le Conseil mondial hazâra réclame notamment une mission d’enquête onusienne sur les exactions perpétrées par les Talibans et une pression accrue sur leur gouvernement. Parmi les manifestants de ce 12 novembre, certains se montrent extrêmement sévères vis-à-vis des Etats-Unis qui, après 20 ans d’occupation militaire en Afghanistan, ont laissé les Talibans reprendre le pouvoir, abandonnant au passage les minorités ethniques livrées à elles-mêmes. Comme nous le rappelle Jasmin Jaghuri ( en vidéo ci-dessous), en charge de la communication lors de la manifestation, les femmes et les filles afghanes sont les premières victimes de cet état de fait, elles qui, déjà exclues des écoles secondaires et de la plupart des emplois publics, viennent de se voir également privées de gymnases et de bains publics par un pouvoir Taliban barbare et rétrograde[4].
La balle est dans le camp des Nations Unies. Cette manifestation de samedi rappelle également une fois de plus que les premières victimes du fanatisme islamique à travers le monde sont bien souvent les musulmans, et en particulier les femmes.
Benjamin Joyeux
[1] Lire notamment https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221113-apr%C3%A8s-les-parcs-les-femmes-afghanes-priv%C3%A9es-de-gymnases-et-de-bains-publics
[2] Lire notamment https://www.la-croix.com/Afghanistan-53-morts-dont-moins-46-filles-jeunes-femmes-attentat-contre-centre-formation-2022-10-03-1301235951
[3] Lire https://www.hrw.org/fr/news/2022/09/06/afghanistan-un-groupe-affilie-lei-cible-les-minorites-religieuses