Les canons à neige au Semnoz ne font pas l’unanimité

Le 14 mars 2018, le SIPAS a voté l’investissement de quatre canons à neige. Une décision qui intervient après des hivers plus ou moins enneigés. Un choix qui suscite aussi des interrogations. Françoise Camusso, présidente du SIPAS (Syndicat intercommunal de protection et d’aménagement du Semnoz) répond.

 

 

Quelle est la genèse de cette décision, car il y avait eu des refus auparavant de la part d’élus du SIPAS ?

Il n’y a pas eu de refus, simplement une expression négative de la part de deux ou trois élus. D’autre part, quelques personnes de l’extérieur de la structure résistaient. Ce n’est donc pas énorme et nous n’avions pas envie d’avoir des bagarres. Le Conseil d’administration du SIPAS était favorable aux enneigeurs depuis longtemps et cet investissement a été voté à l’unanimité, nous appuyant sur les perspectives présentées par le bureau d’études.

 

Qu’est-ce qui vous a décidé à franchir le pas ?

Le problème s’est posé lors de l’hiver 2016-2017 avec le manque de neige. Elle est aussi tombée tard. Ce qui fait que l’école de ski français n’a pu donner les cours aux enfants et aux scolaires. Ces enneigeurs assureront donc, si besoin, l’enneigement des 15 % du domaine dédiés aux espaces pédagogiques alpin et nordique.

 

Quel est le coût de ces canons ?

600 000€, pour l’achat de quatre enneigeurs mobiles et le doublement de la retenue collinaire existante. La région alloue 180 000 euros, le département de Haute-Savoie 240 000 et le SIPAS 180 000.

 

Vous savez que le changement climatique s’opère. Les chiffres parlent. Selon une étude de 2011 de la SCAMPEI (Scénarios Climatiques Adaptés aux Zones de Montagne : Phénomènes extrêmes, Enneigement et Incertitudes, en lien avec Météo France), la durée d’enneigement se réduira jusqu’à 2500 m, entre moins 50 et 80%, d’ici à la fin du siècle. D’autre part le GIEC et la Cour des comptes annoncent + 2° dans les Alpes. Qu’en pensez-vous, sachant que pour fabriquer de la neige artificielle, il faut des températures suffisamment froides ?

Nous nous sommes basés sur les études d’un cabinet qui nous a rassuré sur cette question des enneigeurs. Quant à la durée d’enneigement plus courte, je suis sceptique.

 

Ces enneigeurs diffusent de la neige, mais l’on sait que toute la quantité d’eau ne retombe pas et s’évapore. Pensez-vous que la retenue collinaire suffira ?

Les 5000 m3 de la retenue collinaire profiteront à tous, alpagistes comme skieurs. Cet été, il a fallu monter des camions d’eau par manque. La capacité de la retenue collinaire existante va être doublée et donc portée à 5000 m3. Elle sera alimentée uniquement par l’eau de ruissellement collectée au pied des pistes, puis pompée pour être acheminée et stockée dans la retenue. Avec cette retenue, on oublie tous ces transports, car ce n’est pas bon pour le CO2.

Des scientifiques nous ont dit que cette eau est bonne, non polluée. Et nous ne la pompons pas au robinet.

 

La station d’Aillon-le-Jeune a fermé, faute d’enneigement suffisant. Etes-vous inquiète pour l’avenir du Semnoz, compte tenu de toutes ces données ?

Aillon-le-Jeune ferme à cause d’une moins bonne gestion que la nôtre.

 

Ne serait-il pas plus judicieux de diversifier les activités saisonnières du Semnoz au lieu de miser sur le ski ?

La station est diversifiée depuis belle lurette, doublée d’un bon entretien des espaces. C’est une station familiale, notamment l’été. Des activités y sont proposées, un jardin faune-flore tenu par la Frapna (*), une piste de biathlon est désormais ouverte. Le Semnoz est proche du bassin annécien et on y est attachés. Pour nous, il faut faire vivre le Semnoz, car, si l’on n’y prend pas garde, cela risquerait de suivre la situation d’Aillon-le-Jeune. Nous avons peu de subventions pour le fonctionnement (un peu de la région et du département). Nos recettes viennent principalement des gens qui le fréquentent à 80%.

 

La retenue collinaire ancienne n’était prévue au départ que pour l’usage des alpagistes. On n’annonçait pas de canons à neige. Et puis, la retenue sera donc doublée, les canons mis en place.

Je répète que notre décision a été prise afin de faire bénéficier les enfants de cours de ski alpin et de ski de fond (pour ne pas les envoyer dans des stations plus éloignées et plus chères). J’ai abdiqué pour les enneigeurs – avant je n’en voulais pas – devant ma propre conviction. Cette décision participe de notre politique sociale.

Cet hiver, si les canons fonctionnent sur les sites pour enfants, les adultes n’en réclameront-ils pas à leur tour ?

Non, car ils ne verront pas fonctionner les canons : il y aura suffisamment de neige comme l’hiver dernier.

 

(*) Le point de vue de la Frapna

La Frapna se pose aussi des questions : Combien faudrait-il stocker d’eau pour enneiger artificiellement tout le domaine skiable (en plus de ce qu’il faut réserver aux alpagistes) ?

  • Peut-on alimenter une retenue collinaire uniquement avec ce qui tombe du ciel?
  • Quelles conséquences aurait une éventuelle extension des parkings existants sur les sols (qu’ils imperméabilisent, favorisant ainsi le ravinement et l’érosion) et sur le débit en eau des communes alimentées par les sources du Semnoz ?
  • Quelles activités multi-saisons développer dans le contexte climatique actuel de moyenne altitude ?
  • Quelle cohabitation entre ces activités ?
  • Pour quelle valorisation du massif ?

Ces interrogations directement liées au projet d’aménagement du stade de neige méritent réflexion et études techniques approfondies. Mais, au-delà, elles posent surtout la problématique d’un partage équitable de l’espace de par la localisation du domaine skiable sur un massif à destinations diverses tout au long de l’année (pastorales, touristiques, sportives et récréatives).

Afin d’éviter tout conflit d’usages, il semblerait donc plus que jamais opportun d’engager une concertation globale avec les élus et les collectivités concernées sur l’intérêt et la possibilité de mettre en œuvre sur le Semnoz l’outil «Espaces Naturels Sensibles» (ENS) particulièrement approprié pour assurer la préservation de la qualité du site, de ses paysages, des milieux naturels, des espèces et de leurs habitats. La mise en œuvre par le Conseil Départemental de son deuxième schéma départemental des SDENS représente de ce point de vue une opportunité intéressante.

 

 

 

 

Auteur: Loïc Quintin

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1 commentaire

  1. Bonjour,

    « Il n’y a pas eu de refus, simplement une expression négative…… »
    « Ce n’est donc pas énorme et nous n’avions pas envie d’avoir des bagarres. »
    « Quant à la durée d’enneigement plus courte, je suis sceptique. »
    « Elle sera alimentée uniquement par l’eau de ruissellement collectée au pied des pistes,……….des scientifiques nous ont dit que cette eau est bonne, non polluée. »
    « Non, car ils ne verront pas fonctionner les canons…….. »

    Voilà le degrés de réflexion de la part de : « présidente du SIPAS (Syndicat intercommunal de protection et d’aménagement du Semnoz) …… »alors j’imagine qu’elle n’est pas seule; mais cependant mal entourée.
    Les arguments employés sont très loin de l’enjeu que cela représente en terme et d’investissement et d’impact.
    Une fois de plus ils réfléchissent à court terme.
    Comment peut-on avoir si peu de recul et si peu de maturité et occuper un poste comme celui-ci ?
    Syndicat intercommunal de protection…………………..!!!
    On nous prend vraiment pour des imbéciles…ou surtout nos enfants !

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