Les bouquetins entre brucellose et chevrotines
Après le safari sanitaire des bouquetins du massif du Bargy organisé le 8 et 9 octobre par le Préfet de Haute-Savoie pour éradiquer la brucellose, les Aravis ont retrouvé le silence bienfaisant des alpages.
Les bouquetins ne savent plus sur quels sabots danser !
On aurait pu s’attendre à la reprise des hostilités après la décision du Tribunal administratif de Grenoble de refuser de suspendre l’arrêté préfectoral autorisant cet abattage pour contenir la maladie de la brucellose dont 40% sont atteints.
Mais la pression exercée par la suite sur Segolène Royale par les associations environnementales nationales – pression relayée par Nicolat Hulot – ont permis aux bouquetins de gambader en toute liberté jusqu’à aujourd’hui.
Un répit bienvenu pour le gouvernement en cette période électorale.
Si les bouquetins sont en sursis, la brucellose se porte bien
La question de l’éradication de la maladie est toujours d’une actualité brûlante dans le camp des éleveurs, même si la neige a pointé ses blancs flocons.
Si le ton du représentant de la confédération paysanne est beaucoup moins virulent que celui employé par Bernard Mogenet, président de la FDSEA, l’objectif est le même : éradiquer au plus vite la maladie, « même s’il faut abattre des sujets sains », car « les conséquences économiques risquent d’être désastreuses pour la profession ».
Frapna74 et Confédération Paysanne : arguments et contre arguments
Face aux éleveurs, la Frapna74 affirme que les bouquetins représentent un risque très faible de contamination pour le cheptel et encore moins pour l’Homme, un constat admis par tous.
Toutefois, cette association de protection de la nature, à l’instar des éleveurs, a la ferme volonté d’éradiquer à terme cette infection sournoise.
Un point de vue que partage Jean Vuillet de la Confédération paysanne.
Le désaccord porte sur les procédures à mettre en œuvre.
Pour les associations environnementales et de protection des animaux sauvages, il est hors de question d’abattre des animaux sains : « Nous devons vérifier chaque sujet grâce au dépistage « in situ » par les agents de la l’ONCFS en présence des vétérinaires qui pourront euthanasier sur place les bouquetins infectés. »
Une procédure que rejette Jean Vuillet : « le choix des associations de préserver tous les bouquetins sains en limitant le risque de transmission aux autres hardes, est quasiment inapplicable sur le terrain compte tenu des énormes moyens à mettre en œuvre. Mais surtout ce choix maintient à long terme la présence de bouquetins brucelliques et expose plus fortement les élevages domestiques dans un premier temps. »
Ce à quoi répond Jean-Pierre Crouzat : « Les études conduites par les experts ont permis de démontrer que l’abattage massif, rapide, non différencié, loin de réduire la maladie, a pour conséquence d’augmenter les risques de diffusion de l’infection. »
Le poids des « écologistes « de salon
Jean Vuillet est convaincu qu’un accord peut être trouvé avec la Frapna74 : « Je suis convaincu que Jean-Pierre Crouzat, avec lequel je me suis longuement entretenu, est très proche de mes positions quant aux méthodes à utiliser ».
En résumé, le responsable de la FRAPNA aurait à ménager le « bouquetin et le choux » avec les « écologistes de salon », qui, bien au chaud devant leurs ordinateurs, donnent des leçons aux éleveurs.
Le Préfet s’impose comme un chef de guerre.
Sur les dix scénarii d’éradication de la brucellose étudiés par les scientifiques de l’ANSES(**), deux d’entre eux ont la meilleure probabilité de limiter la persistance de la maladie et les risques de contamination domestique.
Si les associations environnementales préconisent le point 2,2 qui évite l’abattage des sujets sains, le Préfet a pris un arrêté le 16 septembre, enclenchant le point 3.2, qui a exactement les caractéristiques inverses.
Cet arrêté autorise l’abattage de 200 à 300 bouquetins – soit l’intégralité des animaux du massif – à l’exception d’un noyau sain de 75 individus, préalablement identifiés.
Environ 70 animaux ont déjà été abattus les 8 et 9 octobre dans le cadre de cet arrêté.
La Frapna estime qu’une forte proportion de ces animaux étaient sains.
Lettre ouverte adressée au Préfet (cliquez ICI pour lire la lettre)
Dans cette lettre, Gilles de La Brière dénonce les conditions de l’opération des 8 et 9 octobre en écrivant : « Ce qu’il faut éradiquer, c’est la brucellose, pas les bouquetins. »
Gilles de La Brière, habitant du Bété, hameau de Mont Saxonnex, explique qu’il fréquente ce massif de puis 1955 et dénonce les échecs du Préfet pour éradiquer efficacement la brucellose.
Pour cet amoureux de la nature, le premier échec du Préfet date de 2013 où la tentative d’éradiquer la brucellose aurait entraîné une augmentation de 15 à 40 % de l’infection.
Le deuxième échec est l’abattage de 70 bouquetins début octobre « sans distinction entre contaminés ou non ».
Cet ancien chef d’entreprise dénonce les moyens déployés (120 CRS + 80 gendarmes, + 40 gardes + 20 personnel de l’environnement et 2 hélicoptères. Un coût qu’il estime au moins à 800 000 € ce qui mettrait le coût d’abattage d’un bouquetin à plus de 10 000 €, avec un prix du kilog de la viande qui tutoie celui du caviar.
Pendant ce temps l’infection avance, les nouveaux mâles contaminés vont transmettre la maladie, et le coût final de l’éradication totale de la brucellose risque d’atteindre des sommets aussi vertigineux que ceux parcourus par ces magniques habitants de nos montagnes.
(**) ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail