Le paysan et ses parasites ou l’origine de l’économie.
Il faut s’imaginer il y a très longtemps dans une tribu d’humains préhistoriques. Ils vivent encore de la cueillette et de la chasse, se déplacent au gré des saisons et des paysages.
Comme dans tous les groupes humains, on y trouve des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards (le plus vieux à 35 ans), des forts, des moins forts, des sages et des fous, des gentils et des méchants, mais ils vivent sans se plaindre en partageant baies, légumineuses et gibier qu’ils trouvent dans la nature.
Ils ne connaissent pas encore l’économie.
Mais il arrive, peut à peu, une nouvelle façon de vivre qui va profondément changer leur existence. Ils ont domestiqué quelques animaux qui paissent sur les terres communes. Quelques-uns ont même découvert des savoir-faire inédits pour faire pousser des plantes comestibles. Ils construisent des abris plus solides et limitent leurs pérégrinations à quelques aller-et-retour d’automne et de printemps.
L’agriculture est née et, avec elle, une plus grande sécurité dans l’approvisionnement, une fragile abondance.
Nous dirions aujourd’hui : « un excédent alimentaire ». L’économie est sur le point de naître, elle aussi, nous allons assister à son avènement.
Il y a dans le groupe, comme dans tous les groupes, au moins un fou (un malade mental) et un salaud (un inadapté à tendances perverses).
Le fou n’est pas rejeté, il vit dans un autre monde, parle de choses invisibles, ouvre pour tous un monde imaginaire peuplé de démons et de divinités. Bien qu’il ne chasse, ni ne cueille, ni ne cultive, on le nourrit.
L’abruti, on le supporte aussi tant qu’il ne va pas jusqu’à la violence excessive. On le laisse voler aux autres sa pitance.
Et puis l’histoire commence, histoire de l’économie et de la politique, l’histoire commence et se poursuit toujours par le même processus : les paysans qui cultivent la terre sont dominés et exploités par ceux qui ne veulent pas se salir les mains.
Alors le fou fait des émules qui, peut-être, jouent la folie mais, surtout, vont savoir en profiter : « oui, disent-ils, il est un autre monde où vont les morts méritants et d’où les divinités régissent les événements du monde des vivants. Partagez nos délires, sinon vous serez punis car nous sommes les représentants des être tout-puissants, et nous, nous partagerons vos récoltes. Vous nous remercierez. »
Ainsi naquirent le clergé et l’économie religieuse.
L’abruti aussi fait école. Il pille les ressources des villageois et il les terrorise mais il se justifie en passant avec eux un contrat, un contrat forcé mais un contrat, une espèce de contrat d’exclusivité : « je ne vous volerai plus, vous me donnerez ce que j’exige sans que j’utilise ma force contre vous et, en échange, je vous protégerai des autres brigands. Je serai votre brigand attitré. vous m’aimerez »
Ainsi apparut la force armée et, avec elle, l’économie politique.
Les paysans nourrissent tout le monde mais, toujours, on les a méprisés par ce qu’ils n’ont pas été assez malins pour vivre sans travailler comme les clercs et les seigneurs, comme les bourgeois et les aristocrates, comme les exploiteurs de toutes les époques.
On leur a pris leurs terres (qu’on leur a louées). On leur a pris leurs récoltes (pour payer le loyer de leurs terres) et, avec la richesse qu’ils produisent, on a organisé l’économie moderne, celle qui pérennise la propriété et le pouvoir des fous et des brutes qui se sont associés pour asseoir leur domination.
Et ce sont encore les mêmes menteurs et les mêmes voleurs qui veulent aujourd’hui nous faire croire qu’ils ont le droit d’asservir ceux qui produisent la richesse à la sueur de leurs front.