Le chemin de la discorde à Faucigny

Modifié le 23 août 23

Pour comprendre l’affaire du projet de route devant la propriété de la famille Lacroix à Faucigny, on doit suivre un véritable labyrinthe qui serpente depuis plus de 7 ans à travers un conflit entre deux personnes, le maire, Barthélémy Gonzalès-Rodriguez, patron de sociétés immobilières et Marie-Françoise Lacroix, directrice de l’école de Contamines Montjoie. Un projet de route, la ferme des Lacroix, la mairie de Faucigny, une zone humide, un vieux puits, des camions, un projet de maraichage, une enquête publique, une DUP, un contentieux, forment un cocktail explosif de haine dans cette petite commune …

Une route communale passe entre un puits et la maison de la famille Lacroix située à quelques mètres de la route. L’élargissement de la route serait catastrophique pour cette famille qui décide de mener un combat contre ce projet. Pour madame Lacroix : ”cette route ne se fera pas”

L’objectif de la mairie est d’augmenter le trafic de cette petite route étroite communale, qu’elle considère stratégique, pour permettre le libre passage de tous les véhicules, y compris des camions de fort tonnages. La famille Lacroix soupçonne des entreprises et des agriculteurs de la commune d’exercer une forte pression sur la municipalité.

À la suite d’une enquête publique favorable à l’élargissement de la route, le Préfet a signé une DUP (Déclaration d’utilité publique) qui donne le feu vert à la mairie pour démarrer les travaux. Madame Lacroix soupçonne le commissaire enquêteur de partialité pour ne pas avoir tenu compte des arguments opposés au projet. Son avocat a présenté un recours au tribunal administratif pour annuler la DUP

Un dialogue difficile
Il existe un tel climat de défiance entre la mairie et Madame Lacroix, qu’aucun accord, ni compromis, n’ont pu être conclus sur sept ans : ”Depuis le début, Madame Lacroix était contre ce projet, commente Alain Pernollet, maire adjoint chargé des travaux, ”ce qu’elle veut, c’est privatiser la route”.

Madame Lacroix a toujours expliqué que l’élargissement de la route serait une grave erreur car cela détruirait le puits nécessaire à l’alimentation de sa maison, et son emprise serait incompatible avec la présence d’une zone humide située à proximité.

La famille Lacroix se dit victime d’un harcèlement permanent de la mairie, de certains agriculteurs, et d’automobilistes.
D’après Madame Lacroix et sa famille subissent les klaxons, de jour comme de nuit à hauteur de leur domicile de la part de personnes du village amenés à emprunter cette route : ”Monsieur le maire se comporte comme un cowboy, roulant sans casque à des vitesses vertigineuses. Dès qu’il me voit, ce sont des torrents d’injures et d’insultes.”

 

Alain Pernollet considère que l’agressivité vient de madame Lacroix : ”Elle insulte les agriculteurs qui passent devant chez elle, elle se couche devant les tracteurs pour les empêcher de passer. Elle jette des cailloux, met des clous sur la route.”

 

Deux obstacles s’opposeraient au démarrage du projet.

La présence d’une zone humide non reconnue par la Préfecture
L’association ”ASTERS Conservatoire d’espaces naturels Haute-Savoie”, a proposé d’inscrire sur sa liste des zones humides, celle de ”entre les deux nants”, à proximité de la ferme Lacroix. L’association a saisi par courrier le Préfet et le maire pour que des experts puissent confirmer sa présence et l’inscrire officiellement dans la liste départementale.

Jamais cette procédure n’a été réalisée. Ce qui permet à la mairie de Faucigny d’affirmer que cette zone n‘existe pas : ”Je suis allé sur place” explique Alain Pernollet. Il n’y a pas de végétation propre à une zone humide.” En fait, Asters a trouvé de l’eau en surface.
Le surprenant, est que la Préfet ne l’a pas validée, bien que dans un courrier la DDT ne nie pas la présence de cette zone mais tient compte de l’argument de la mairie que l’emprise de la route ne dépasse pas les 1000 m2 sur la zone humide, ce qui est autorisé par la loi. Madame Lacroix souligne que c’est un mensonge du maire car il fait état de la route actuelle et non de celle prévue dans le projet, qui dépasse largement les 1000 m2.

Un point de vue confirmé par Jean Vuillet de la confédération paysanne :

Un ancien puits vernaculaire

Ce puits privé vernaculaire, construit par les ascendants de cette famille à une dizaine de mètre du bâtiment, alimente en eau potable l’ancienne ferme où vivent le couple Lacroix et leur fils. La source du conflit est la volonté de la mairie d’élargir à 4 m la petite route goudronnée de 2m entre la maison et le puits. Pour Madame Lacroix, ceci est impossible, car la loi impose une protection de 2 m autour du puits.
Un avis contredit par le maire de Faucigny, joint au téléphone : ”La margelle du puits a été construite par madame Lacroix il y a 2 ans. Le puits n’a jamais servi. Ces relevés de consommation d’eau communale sont stables. Si elle utilisait le puits sa facture serait diminuée. Ce n’est pas le cas.”
Madame Lacroix conteste ce point de vue : ”le puits construit par mes aïeux est très ancien. Ceci est confirmé par un sourcier-puisatier, Isidore, mondialement reconnu, venu sur place. La margelle existait. Comme elle se dégradait, la puisatier nous a demandé de la consolider, comme le loi nous y oblige. L’eau du puits alimente notre maison par une pompe et nous utilisons l’eau de la commune avec parcimonie.

La famille Lacroix réduit l’accès à la route

En guise de représailles, la famille Lacroix réduit la largeur de la route à 2m – qu’elle considère être la largeur réelle – en plaçant des palettes et des gabions contre le puits. Une installation que la mairie n’a pu supprimer malgré les interventions d’un huissier et des gendarmes.

Les travaux de l’élargissement de la route démarreront à l’automne

C’est ce qu’affirment le maire et son adjoint, Alain Pernollet, qui précise : ”On démarre en amont et en aval. Nous avons acheté les terrains nécessaires pour les emprises. Pour la partie de la route devant la maison, de madame Lacroix, on pourra discuter.se mettre autour d’une table pour voir comment faire. »

Le maire est plus expéditif : « Nous pouvons démarrer les travaux grâce à la DUP signée par le Préfet et c’est la préfecture qui fera les réquisitions parcellaires nécessaires. On est prêt. »

Polémique sur un enrochement

Selon madame Lacroix, l’élargissement de la route à 4 m imposerait un enrochement dans le bois en zone d’aléas torrentiel 3* : « La police de l’eau présente ce mercredi 9 août sur place n’était pas au courant de ce projet qui nécessite qui nécessite une autorisation loi sur l’eau et la préservation d’une zone de refuge pour l’avifaune. »
Le maire dément: ”Il n’y a pas d’enrochement prévu pour réaliser la route. Nous avons fait une étude par une société et Madame Lacroix sait qu’il n’y aura pas d’enrochement. Elle vous manipule ! Il y aura des renvois d’eau comme l’entreprise sait les faire.”

Une solution alternative : le dévoiement de la route
Il existe une solution simple qui aurait permis d’éviter un tel conflit dévastateur. Déplacer le tracé de la route au delà de la zone humide. Une solution plébiscitée par le maire et Madame Lacroix :” Le contournement de la route était la meilleure solution pour tout le monde, mais Madame Lacroix s’y est opposée en imposant sans cesse de nouvelles conditions, explique le Maire.


En réponse, Madame Lacroix soutient que c’est la mairie qui a fait capoter le projet puisque à la dernière réunion devant le notaire, son représentant n’est pas venu :”Le maire nous a trahi. La Mairie ne peut pas dire que nous avons abandonné ce projet puisque nous avons accepté de prendre à notre charge les frais de géomètre pour définir le tracé de la route.”

La confédération paysanne médiatrice

Jean Vuillet, de la confédération paysanne essaie de renouer la dialogue entre la mairie et la famille Lacroix. Constatant le blocage nourri par un conflit qui s’est personnalisé entre le maire et Madame Lacroix, il essaie de renouer les liens avec le maire adjoint Alain Pernollet dans un rapport apaisé et constructif pour remettre sur le métier l’ouvrage du contournement.
 Alors que dans l’interview du maire, ce dernier affirmait que le projet actuel se fera coûte que coûte et qu’il ne reviendra pas en arrière, ”dussé-je obtenir la démission de tout le conseil municipal”, Alain Pernollet avoue ”qu’il y croit encore un peu”. Un propos non dénué de contradiction puisque, en même temps, il affirme que les travaux de la route, approuvé par la DUP, commenceront à l’automne en amont et en aval, et qu’il trouveront un accord avec Madame Lacroix pour aménager la route devant chez-elle.

Il n’existe pas de PLU sur la commune


« Cela a toujours été notre volonté de ne pas créer de PLU » explique Alain Pernollet. Il n’y a jamais eu de pression pour en faire un. 17 000 petites communes en France n’en ont pas. On a pas de pression foncière énorme. Les gens cherchent surtout sur Peillonnex ou Marcellez. Mais c’est certain qu’un jour on y viendra.
 Les terrains constructibles appartiennent à des habitants de Faucigny, et s’ils construisent, ce seront des habitations familiales.
 Au niveau de la commune, on n’a pas la volonté d’augmenter la démographie. »
Madame Lacroix est convaincue que derrière ce projet de route, en l’absence de PLU, se profile des perspectives immobilières sur des terrains devenus constructibles grâce à son élargissement.

Le fils Lacroix veut créer une activité agricole


La confédération paysanne soutient ce projet :

Une démarche qui semble vouée à l’échec quand on entend Alain Pernollet porter un jugement déplacé sur ce jeune : ”ce garçon n’a aucun lien social dans la commune. Il est détesté de tout le monde comme ses parents”.



Un conflit nourri par l’opposition entre agriculture industrielle et paysanne

Un simple conflit local dont le maire aurait dû résoudre dans l’intérêt de la bonne entente dans sa commune, ne justifie pas un tel climat de haine. Le nœud du conflit est l’opposition impitoyable entre deux conceptions de l’agriculture : l’industrielle défendue pas la FDSEA et certains agriculteurs du conseil municipal et une agriculture paysanne favorable à l’agro-écologie défendue par la famille Lacroix avec le soutien de la confédération paysanne.



zone d’aléas torrentiel 3 *: Risque de forte crues dévastatrices

Auteur: gfumex

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3 commentaires

  1. Bravo Gérard, excellent reportage.
    Michel

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  2. Je confirme, la margelle dudit puit a bien été construite il y a deux ans. J’avais fait à l’époque une capture d’écran de Google street, il n’y avait rien à cet endroit et, comme par hasard, le puits est apparu comme par magie pour apporter de l’eau au moulin de Mme Lacroix. (Excusez-moi, c’était trop facile !)

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    • L’ignorance est mère de tous les maux : manipulations, préjugés, erreurs de jugement.
      Un puits est un ouvrage souterrain et la margelle est la protection obligatoire de la tête de puits.

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