Le bio dans les cantines, une résistance, un combat, un film
Guillaume Bodin, dans le cadre des rencontres du film des Résistances, effectue sa tournée de présentation de son documentaire « Zéro phyto, 100% bio ». Il était dernièrement à Seynod avant d’autres dates en Haute-Savoie.
« Les cantines biologiques se développent presque aussi rapidement que l’arrêt des pesticides dans les communes françaises. Des femmes et des hommes, conscients de leurs responsabilités en termes de santé publique et d’environnement, agissent pour des paysages en transition au travers d’initiatives vertueuses. »
Ainsi est résumé le film proposé par le militant Guillaume Bodin. Lui-même a exercé le métier de vigneron en bio et en biodynamie avant d’être cinéaste. Il est donc aujourd’hui réalisateur, producteur et distributeur de ses propres documentaires. « Pour moi, l’image animée est l’un des meilleurs moyens d’accompagner le changement de paradigme. »
On lui doit déjà « La clef des terroirs » qui retrace la vie de vignerons ayant choisi de travailler au plus proche de la nature. Et aussi « Insecticide mon amour », une enquête autour du problème des traitements obligatoires aux insecticides contre la flavescence dorée dans le vignoble bourguignon. « Pour le film Zéro phyto 100% bio, les trois associations partenaires – Agir pour l’environnement, Bio consom’acteurs et Générations futures – m’ont sollicité pour réaliser de courtes vidéos pour cette campagne « Zéro phyto 100% bio », afin d’accompagner les élus, les communes et les citoyens. De là, je leur ai rapidement proposé un documentaire à destination du cinéma. Les salles sont de réels lieux d’échanges d’expériences permettant de débattre et de construire le monde de demain. »
A quand le basculement ?
On est donc au cœur du problème dans son dernier film. Un ouvrage qui souffle un vent d’optimisme ? Est-ce que ça va basculer dans le sens du bio ?
« Il y a le bio, et l’éthique bio, afin de mettre en place et favoriser le commerce équitable entre personnes occidentales et permettre de vivre de son métier. »
Le bio s’industrialise, certes, mais c’est un progrès. « Cependant, dans les supermarchés, il ne faut pas se voiler la face, les marges en bio sont nettement plus élevées que dans les magasins uniquement bio. »
Gardons en tête ce chiffre : la surface cultivée en bio ne représente que 6%. On espère 10 à 12% en 2022. « Actuellement, le gouvernement fixe le cap à 8%. On se pose des questions sur la réelle volonté de passer au bio. »
Quant au local, il faut s’en méfier : l’agriculture locale ne veut pas forcément dire bio.
Un intervenant dans la salle renchérit : « On ne va plus dans le mur, à condition de changer nous-mêmes. A nous, consommateurs de changer le paysage. » Pour Guillaume Bodin, il y a une prise de conscience. Notamment quand on constate une augmentation en 2016 de 25% des achats de produits bio. « Mais attention à quel bio, » souligne-t-il.
La transition est en marche
Soyons vigilants quand on sait que le Conseil constitutionnel a refusé en janvier le passage à 20% de bio dans les cantines. Le film montre que la transition est malgré tout en marche. Guillaume Bodin cite la petite ville de Ungersheim et son maire qui multiplie les initiatives de ce genre. « Humainement, politiquement, ça va très vite quand on prend conscience que notre pouvoir peut être un levier de mise en œuvre de la transition. Gouverner, c’est prévoir, anticiper, innover. Et le courage politique est sanctionné favorablement, si on démontre à la population l’intérêt de ce qu’on fait, » explique l’élu. De la graine à l’assiette, les idées germent.
Alors pourquoi hésiter encore à franchir le pas. Guillaume, ancien ouvrier agricole, parle en connaissance de cause. « Quand on sait tous les méfaits des insecticides et pesticides, il n’y a pas de raison. Moi-même, quand je les côtoie, je saigne du nez. »
De plus en plus de communes passent au bio
Des gens se battent, comme Joël Labbé, un sénateur breton écologiste, qui remet sans cesse sur la tapis ses propositions pour changer les comportements. On voit des communes qui se fédèrent en Bretagne dans le sens du zéro phyto et des cantines bio. On connaît Mouans-Sartoux, pionnière dans le domaine, qui explique le moindre de coût de servir les repas en bio par rapport au conventionnel. Grande Synthe, et aussi Barjac, théâtre du film « Nos enfants nous accuseront », dont le maire, Edouard Chaulet, proclame haut et fort : « Nourrir, c’est aimer », Chambéry, même Versailles, s’y mettent. Désherbage thermique, à la main, cantines au bio, la vague avance inéluctablement.
Un bémol intervient comme quoi les agriculteurs sont formés dans le moule conventionnel et les cuisines centrales courent le risque de devenir des supermarchés. A cela le réalisateur répond que désormais, dans les écoles d’agriculture, toutes les formes de culture sont abordées et le choix laissé. Quant à la cuisine, on le voit dans le film, un chef cuisinier peut faire changer une ville entière (pour l’instant à Versailles, on mange à 2% bio – il y a du chemin à faire, mais ça bouge, là comme ailleurs).
« Zéro phyto 100% bio » ne fait pas la propagande pour telle ou telle couleur politique. Il montre que le sujet est transversal.
Au fait pourquoi dit-on « Phytosanitaire » qui signifie santé des plantes ? « Les lobbies et industries du genre entretiennent le flou. » Il faut donc faire attention aux mots.
Le pouvoir citoyen peut faire changer…
Ces lobbies, Guillaume Bodin les affronte : « Face à eux, le combat pour le bio, c’est de la résistance ! » Ne pourrait-on pas appeler à boycotter leurs produits ? « Un lobby citoyen, lance un autre, peut faire la différence. » Pour le cinéaste, « on n’a pas le droit en France d’appeler au boycott. Toutefois, il existe des sites. » Par ailleurs, des magasins sont engagés, comme Biocoop qui va au-delà du bio. « On peut aussi ne pas acheter des produits qui viennent de très loin. »
Pour le voir le film, on peut aller sur le site www.dahu.bio/cwa et se renseigner sur les dates :
14 novembre à Thônes,
22 novembre à la MJC Novel Annecy,
1er décembre à Chamonix,
8 décembre à Meythet, pour les événements départementaux immédiats…
… et nos enfants nous remercieront.
Loïc Quintin