L’auberge de jeunesse de la Clusaz crée des liens de partage en créant un jardin botanique ouvert à tous.

Par Sandra Stavo-Debauge

Le scandale de l’accaparement illégal de l’eau qui éclabousse La commune de La Clusaz ne doit pas faire oublier que si des acteurs de la station-village ont fort peu de scrupules, d’autres se démènent pour créer du lien, favoriser les rencontres et la découverte, partager, valoriser la biodiversité et les communs. C’est le cas de l’Auberge de Jeunesse Hi! de La Clusaz. En partenariat avec l’association Concordia pour la deuxième année et avec les lumières du botaniste, le local Nicolas Collomb-Clerc de Botanico, elle a accueilli un groupe de dix jeunes volontaires ukrainiens, allemands, italiens et français âgés de 15 à 17 ans venus participer à un chantier collaboratif du 13 au 25 juillet derniers pour créer un jardin botanique ouvert à tous.

Librinfo a assisté à la visite d’après chantier lors de la journée porte ouverte. L’occasion de faire plus ample connaissance avec les parties prenantes.

 

Implanté au pied du massif de l’Étale, à quelques encablures du télémix, ce vieux chalet rénové, dont l’Auberge de jeunesse est propriétaire, est un lieu à part dans la station huppée de La Clusaz ; un lieu inclusif, ouvert à la diversité, à la mixité sociale et d’un rapport qualité prix imbattable.

Clément Barbier, le directeur de l’AJ qui fait partie de la Fédération unie des auberges de jeunesse (FUAJ) du groupe Hi! France s’emploie, outre des nuités abordables, à proposer des repas généreux faits maison avec le plus possible de produits locaux pour 15 € (entrée, plat, dessert), une table partagée ouverte à tous, pas besoin d’être pensionnaire. « Ici on essaie de faire un hébergement basé sur l’ESS, l’Économie sociale et solidaire, qui englobe toutes les populations pour qu’elles puissent se rencontrer, partager.  Environnement et social sont les valeurs que l’on porte et qu’on essaie de véhiculer dans ce monde où c’est de plus en plus compliqué », témoigne Clément. C’est sûr que La Clusaz et social, c’est presque un oxymoron dans la station où le moindre bien, même classé énergie G, se vend aux alentours de 10 000 € le mètre carré ! « Le social, ça n’est pas ce qui se pratique le plus à La Clusaz, mais c’est important pour nous d’apporter cette touche-là à notre façon et de travailler en collaboration avec la commune pour qu’on puisse créer ensemble ce climat un peu plus basé sur l’humain.

C’est pourquoi, Clément a accueilli ce stage international de découverte du milieu naturel de la montagne.

C’est par exemple ce qu’on arrive à faire dans la botanique avec le local Nicolas Collomb-Clerc de Botanico qui nous accompagne depuis deux ans », précise Clément qui a voulu créer un jardin botanique ouvert à tous, pour « permettre de sensibiliser le public à la biodiversité de nos montagnes, de se sensibiliser à la nature, enrichir ses connaissances et permettre aussi la reconnexion en forêt. » Il y a deux, trois ans, Clément avait  pris contact avec Nicolas Colomb-Clerc car il voulait savoir ce qu’il avait dans son jardin complètement en friche. « En fouillant, on a trouvé pleins de pépites sous des tas d’orties, un petit verger laissé à l’abandon. Alors quand Clément a eu l’idée de faire ce jardin botanique, j’ai dit bingo », s’enthousiasme le jeune botaniste.

Un deuxième chantier collaboratif

Ce jeudi 25 juillet, le soleil ne va pas tarder à se cacher en cette toute fin d’après-midi sur la terrasse de l’Auberge de Jeunesse qui offre une vue magnifique sur la pointe de Borderan. Un peu de fraicheur pour parcourir ce nouveau parcours botanique ludique sera la bienvenue après une journée caniculaire. Parmi les visiteurs, des curieux et des habitants du village bien câblés sur la coopération comme Cathy du Pêle Coworking et initiatrice du Tiers Lieu, Lætitia qui gère les Penates, le co-living pour les saisonniers non loin de l’AJ, Luc une des chevilles ouvrières du projet d’habitat coopératif, mais aussi les voisins, artisans locaux comme Renaud qui ont prêté leur matériel aux jeunes volontaires.

Concordia, association d’éducation populaire, favorise les échanges interculturels et intergénérationnels 

L’été dernier, un premier chantier participatif avec Concordia avait permis de nettoyer l’ancien jardin et de faire quelques aménagements ; construire des bacs pour des plantes comestibles, commencer à creuser des marches et une mare. Cette année, les travaux de gros œuvre de ce deuxième chantier ont permis de faire un chemin qui mène à la forêt juste au-dessus de l’Auberge pour relier le chemin de randonnée. « On a aussi sensibilisé autour de la nature environnante et des plantes (comestibles ou pas) en créant des panneaux explicatifs pour le public. Nico de Botanico a synthétisé les informations, les jeunes les ont illustrés avec leur art et des dessins très personnels », précise Clément.

Assis sur les gradins de terre dans l’amphithéâtre extérieur, nous l’écoutons se présenter ainsi que chaque acteur de ce chantier collaboratif avant de découvrir in situ les travaux qu’ils ont effectués pour réaménager ce jardin en friche et sublimer la biodiversité.

Concordia, une association née après-guerre

Pauline Chatard est venue de Lyon pour passer cette dernière journée avec les jeunes. Elle est chargée de mission chantiers internationaux pour la délégation Rhône-Alpes de Concordia, association nationale dont la mission est de créer des projets d’intérêt collectif avec des objectifs environnementaux, sur le patrimoine, la culture. Née après la seconde guerre mondiale, Concordia, forte de onze délégations en France, a été créée dans le but de reconstruire ce qui avait été brisé par la guerre, l’objectif étant de le faire avec différentes nationalités : « C’est pour cette raison que nos valeurs, aujourd’hui encore sont la paix entre les peuples et la tolérance. Ça peut paraître simple mais je pense que c’est bien de le rappeler en ce moment. Mixité, interculturalité, mixité sociale, lien avec la population locale, notre objectif est de créer du lien sous toutes ses formes », rappelle Pauline.

Il y a Bastien, le responsable technique du chantier, fort de ses connaissances sur l’environnement et la biodiversité : « Ce qui m’a attiré c’était surtout la valorisation du vivant et le fait de travailler avec Clément qui est très orienté sur l’écologie et la protection de l’environnement nous a permis de faire beaucoup plus de choses que prévues sur ce projet. »

Il y a Clémentine, l’animatrice du groupe : « Au-delà du chantier, mon rôle c’est de tisser des liens, de faire des repas tous ensemble, de faire découvrir la vie locale des Aravis aux jeunes avec des sorties dans La Clusaz, des randonnées, assister à des événements et parler du projet sur les marchés locaux. »

Eh puis il y a Mathilde, Roberti, Maya, Pauline, Leonardo, Ibrahima… les dix jeunes, des ukrainiens, des italiens, des allemands et des français. « On réussit à faire venir des jeunes étrangers grâce au réseau nommé L’alliance, une association d’associations de chantiers du monde entier. On crée aussi des partenariats avec des structures socio-éducatives autour de Lyon ; ce sont des structures qui accueillent des jeunes mineurs non accompagnés, ça peut être aussi des jeunes de l’aide sociale à l’enfance. On fait en sorte qu’ils puissent participer à des chantiers », précise Pauline. Grâce au dispositif de l’OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse), les jeunes peuvent se faire rembourser le transport. Quant aux frais d’inscriptions, ils se chiffrent à 250 euros pour les 15 jours.

 

Découverte du sentier botanique avec Nicolas et les jeunes volontaires

Les montagnes rosissent, nous formons deux groupes pour découvrir le parcours. Nico Collomb-Clerc nous guide dans le jardin et captive l’auditoire avec son art de raconter les plantes, leur légende, leurs particularités, leurs vertus, leur nom savant et nous donne au passage quelques idées de recettes avec les plantes comestibles.

Les jeunes plantent les derniers panneaux explicatifs. On remonte jusqu’à une petite source : « elle vient de la forêt, alors quand on a découvert l’eau, on a creusé pour créer une petite mare pour les insectes, les libellules et les plantes. Au début de la semaine elle était remplie à ras bord, mais là, il n’y a plus d’eau. On a mis un panneau pour expliquer », raconte Pauline, 16 ans. Venue de Bretagne, elle a beaucoup appris sur les plantes. « Je suis ici pour être proche de la nature, pour pouvoir être utile et rencontrer du monde. C’est hyper enrichissant toutes ces cultures, c’était même émouvant parce qu’il y avait vraiment pleins de pays différents et qu’on a vraiment pu coopérer ensemble, c’était vraiment beau. En plus l’auberge c’est super chouette comme endroit. » Elle tient aussi à nous montrer la fourmilière géante, puis le coin méditation avec l’arbre à câlin et le hamac où l’on se poserait bien un moment, mais le buffet préparé par les jeunes avec les spécialités de leur pays respectif nous attend !

Auteur: librinfo74

Partager cet article :

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.