La gauche ne peut pas mourir.
Note de lecture d’un article de Frédéric Lordon paru dans le Monde Diplomatique.
Alors qu’on entend dire qu’il n’y a plus de différence entre la gauche et la droite, que la gauche peut mourir (dixit Manuel Vals qui s’en accommoderait très bien) ou qu’elle n’existe déjà plus, il nous paraît important de rendre compte du travail de l’économiste Frédéric Lordon pour relancer le débat d’idées qui permettra de redonner une identité à la gauche et de la reconstruire.
L’égalité et la démocratie ne peuvent être garantis quand la société est abandonnée à l’emprise du capital. Le capital est une puissance qui, comme toute puissance, va se renforcer et avancer tant qu’elle ne rencontrera pas une autre puissance opposée pour lui résister.
Cette puissance là c’est la gauche, la gauche qui refuse la souveraineté du capital.
On entend les éditorialistes des grands médias du système dire que le cheminot ou le postier sont des preneurs d’otages. Mais, en vérité, c’est le capital qui prend en otage la société. Le capital prend en otage les salariés individuellement ( harcèlement, licenciements). Le capital prend en otage les salariés collectivement puisqu’il a l’initiative de la production, des projets et de l’investissement ( qu’on baisse les cotisations sociales ou je m’en vais ).
Être de gauche c’est refuser ce chantage par quatre moyens :
– restriction des mobilités (délocalisations, mouvements de capitaux, implantations de sièges et accès aux paradis fiscaux)
-limitation du coût de l’actionnariat en plafonnant les rémunérations et en les imposant.
-définanciarisation de l’économie et destitution de la propriété financière comme principe de commandement de la production.
-protectionnisme raisonné qui donne un coup d’arrêt à la concurrence sauvage des salariés et des modes de vie.
De plus la gauche doit rendre le capital responsable des torts qu’il crée à la collectivité. Le capital met en place un processus de transformation permanente qui entraîne la remise en cause de la division du travail, un ébranlement des catégories sociales, un bouleversement continuel de la production et une insécurité permanente. Le capital s’amuse avec le jeu de la concurrence, le jeu des déplacements de capitaux, le jeu des fusions-acquisitions. Le capital doit donc répondre des dégâts qu’il provoque en indemnisant les chômeurs et les intermittents, en compensant les baisses de revenus, en mettant en place la réparation des flexibilités et des rythmes de vie brisés.
La gauche se définit donc bien par son rapport de puissance politique avec le capital.
On dit la gauche dépassée mais elle est de prime jeunesse, le cours des choses ne cesse de lui donner raison, le scandale du temps présent l’appelle impérieusement et l’avenir lui appartient.
Article paru dans le Monde diplomatique de septembre 2014.