Julien Salingue : en Palestine, il peut y avoir des explosions populaires momentanées mais pas de troisième Intifada.
Samedi 8 Novembre
Le Collectif Solidarité Palestine d’Annecy organisait une conférence-débat avec Julien Salingue(1) à la salle des Eaux et Forêts.
Devant une soixantaine de participants (dont une bonne partie ne sont pas des militants) la réunion débute par la projection d’un court film documentaire sur Gaza cet été pendant l’offensive israélienne. Ce documentaire de la Télé Suisse Romande montre le caractère aveugle des bombardements israéliens frappant systématiquement des civils et surtout la destruction de l’hôpital Al Wafa de Gaza et le rôle ambigu du CICR.
Julien Salingue rappelle l’étendue des destructions humaines et matérielles à Gaza cet été. Israël contrôle aujourd’hui l’ensemble de la Palestine à l’exception de Gaza. L’Autorité Palestinienne est censée exercer une souveraineté sur les zones autonomes qui représentent seulement 18 % du territoire de la Cisjordanie. Il porte un avis sévère sur l’affairisme et la compromission de l’Autorité Palestinienne. Les zones autonomes ne sont pas l’embryon d’un futur état palestinien contrairement à une idée répandue depuis les accords d’Oslo. Pour que la situation perdure il faut la réunion de deux conditions : la soumission des populations palestiniennes et des négociations permettant de considérer la situation comme provisoire. Dans ce contexte il est demandé à l’AP de maintenir le calme sans que les droits des Palestiniens soient satisfaits et pour cela l’AP est fortement subventionnée par l’UE en particulier (dépend également du reversement des droits de douane par Israël) et dispose d’une police surabondante.
En dépit de cela le conférencier estime que depuis 2000 a commencé l’agonie du processus d’Oslo. Il analyse la victoire électorale du Hamas en 2006 comme un rejet de ce processus. En septembre 2013 il y a eu une reprise des négociations et M. Abbas a avancé des propositions très en retrait par rapport aux positions traditionnelles de l’AP et s’est heurté à un refus catégorique d’Israël d’où l’arrêt des négociations.
L’offensive israélienne poursuivait plusieurs objectifs dont certains n’ont pas été atteints : casser le semblant d’union nationale (né de l’accord sur le gouvernement d’entente nationale), retourner la population palestinienne contre les groupes armés… Il y a aussi, selon Julien Salingue, une opération de politique intérieure du gouvernement israélien qui correspond à un durcissement sioniste au sein de la population israélienne.
Nous ne pouvons oublier qu’il y a un enjeu démographique : provoquer le départ d’une partie des palestiniens (NDLR).
Plusieurs points ont cristallisé les débats :
Le processus d’Oslo :
Pour J. Salingue Arafat a fait le pari que les zones autonomes seraient un point d’appui et il a combiné la répression des groupes armés, la résistance et les négociations. A partir de 2000 il a été isolé et exclu du jeu au profit de M. Abbas. Julien Salingue estime que depuis 2000 a commencé l’agonie du processus d’Oslo.
Le gouvernement d’entente nationale :
Les intervenants ont des appréciations différentes sur ce gouvernement, sur son rôle dans le cadre des accords antérieurs et de la renonciation à la lutte armée.
Pour J. Salingue ce gouvernement se situe dans le cadre dévolu à l’Autorité Palestinienne (exemple : deux dirigeants syndicaux de la FP ont été arrêtés ces derniers jours). Le gouvernement israélien est opposé à toute référence nationale palestinienne et vise au morcellement des zones autonomes.
L’attitude des états arabes :
Un intervenant cite en exemple la répression en Algérie d’une manifestation de solidarité ce qui surprend une partie de l’assistance.
Pour J. Salingue chaque état arabe craint des débordements et il porte un jugement sévère sur le rôle joué par le régime syrien en particulier …
La solution est-elle à deux états ou à un état ?
Pour J. Salingue il n’existe pas de solution à court terme ceux qui disent le contraire dissimulent la vérité. L’état unique existe déjà (Israël) mais il est discriminatoire à l’égard des Palestiniens car Israël est une colonie. Faut-il lutter pour un état palestinien ou pour l’égalité des droits ? Le débat reste ouvert.
Jean-Pierre RICHAUDEAU
(1) Julien Salingue est un chercheur universitaire français docteur en sciences politiques et auteur de plusieurs ouvrages sur la question palestinienne dont « La Palestine d’Oslo ».
