Journée de la conscience à l’ONU : quand on n’a que l’amour…

Depuis 2019, chaque 5 avril est désormais célébré comme Journée internationale de la conscience par les Nations Unies. Dans le contexte géopolitique actuel, rappeler l’unité de l’espèce humaine et la nécessité de promouvoir une culture de « l’amour » et de la paix ne peut pas faire de mal, bien au contraire. Et à l’ONU ce vendredi, c’était de plus un conflit oublié de tous qui était mis en avant, celui de la RDC :

Entrée de l’ONU à Genève, 4 avril 2025 ©Benjamin Joyeux

Ce vendredi matin, le soleil est resplendissant sur les rives du lac Léman, formant un arc-en-ciel à travers les 140 mètres d’eau du fameux jet de Genève. Le temps incite bien plus à la balade qu’à l’enfermement dans une salle de réunion. Mais nous sommes le 4 avril et il y a une réunion importante aux Nations Unies à la veille d’une journée internationale d’importance. Alors direction le siège de l’ONU à Genève.

Prendre conscience de l’urgence de la paix

En effet, depuis une résolution adoptée par l’Assemblée générale onusienne le 25 juillet 2019, la Journée internationale de la conscience est célébrée chaque année le 5 avril[1]. Ce n’est jamais qu’une journée mondiale de plus. Certes, mais en remontant à la source de celle-ci, on peut s’apercevoir à quel point elle résonne avec la situation géopolitique actuelle. L’ONU s’est appuyée notamment sur l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme[2] qui dispose que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Rappelant leur tâche de « préserver les générations futures du fléau de la guerre », les Nations Unies en appellent clairement à promouvoir partout « une culture de la paix ancrée dans l’amour et la conscience ».

On peut douter de la pertinence des notions de « conscience » et d’« amour » dans un texte de droit international. Et bien c’est tout l’objet de cette Journée : prendre aux mots cette résolution des Nations Unies, et en appeler à l’ensemble des Etats membres censés en endosser la lettre et l’esprit, pour inciter l’humanité à passer d’une culture de guerre à une culture de paix, d’une culture de compétition à une culture de coopération, d’une culture de la destruction à une culture de préservation de notre environnement. Car contrairement aux siècles passés, nous savons désormais, appuyés par l’ensemble des découvertes scientifiques, que nous ne formons qu’une seule et même espèce humaine, connectée, interdépendante et insérée dans la toile du vivant.

A l’heure de la multiplication des conflits, de Gaza à l’Ukraine en passant par le Liban, l’Arménie, Le Myanmar, le Tchad, le Yémen, le Soudan, la République démocratique du Congo, etc., la paix n’a sans doute jamais semblé aussi précaire depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale[3]. Et les institutions multilatérales dont l’ONU, la première d’entre elles, n’ont jamais été autant en danger que depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche[4]. Alors consacrer une journée supplémentaire à la prise de conscience de l’urgence et de la nécessité de promouvoir une culture de paix n’est franchement pas du luxe !

« Le Congo est en train de disparaître »

Salle XXVII du Palais des Nations, 4 avril 2025 ©Benjamin Joyeux

Ainsi ce vendredi, la grande salle XXVII du Palais des Nations à Genève affiche complet. Une coalition d’associations et d’ONG internationales, dont l’AI-ODD[5], Initiatives et changement[6] ou encore Be the Love[7] y ont organisé toute une série de tables rondes, de témoignages et d’ateliers entre 10h et 18h, en présence de nombreuses personnalités onusiennes et civiles, et de plusieurs dizaines d’étudiants de Sciences Po Grenoble, de Polytech à Annecy, de l’IAE Savoie Mont Blanc, etc., invités à intervenir tout au long de la journée.

Le fameux Dr Denis Mukwege[8], Prix Nobel de la Paix 2018, récompensé pour ses efforts inlassables contre les violences sexuelles faites aux femmes en République démocratique du Congo, est au programme et ne peut finalement pas participer aux échanges. Mais c’est une de ses compatriotes qui livre le témoignage le plus poignant :  la docteure Chantal Chambu Mwavita[9], ministre des Droits Humains de la République démocratique du Congo, venue à Genève exprès pour témoigner lors de cette journée. Celle-ci rappelle que son pays a déjà subi douze millions de morts, sept millions de déplacés internes et plus d’un million de déplacés en dehors des frontières de la RDC. « Il y a un génocide au Congo, et ça fait 30 ans que ça dure » clame la ministre, soulignant que le Congo possède « la deuxième plus grande forêt tropicale au monde (…) un poumon mondial en train de disparaître ». Rappelant que « la vie est sacrée, que ce soit celle des blancs, des Noirs, des Jaunes, des Rouges, etc. », la ministre congolaise demande « la justice, la vérité et la réparation » pour son pays « en train de disparaître » dans l’indifférence de la communauté internationale. Après son intervention, la salle entière se lève pour l’applaudir.

Dr Chambu Mwavita, avec Guila Clara Kessous ©Benjamin Joyeux

Une autre femme est mise à l’honneur peu après par Christian David, ancien rédacteur en chef du magazine UN Special[10], Bertha von Suttner[11]. Cette femme au destin extraordinaire fut notamment l’autrice de Bas les armes ![12], véritable bible du pacifisme, et inspira à Alfred Nobel l’invention du fameux prix du même nom. Cette « force des femmes » est d’ailleurs invoquée tout au long de la conférence par Sofia Stril-River, biographe du Dalaï Lama et cheffe d’orchestre de la journée, en appelant à « un changement vers un monde conscient et bienveillant » par « la force de l’amour ».  L’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable[13] est également mis à l’honneur, alors qu’en dehors des cercles onusiens, plus grande monde ne semble s’inquiéter de leur mise en œuvre.

Certes ce n’est pas une journée comme celle-ci qui suffira à garantir la paix et la survie des institutions multilatérales. Mais en mettant en lumière des conflits oubliés et des personnalités qui luttent dans leur pays pour la culture de la paix, de l’amour de l’humanité et de la bienveillance en action, elle y contribue.

Comme chantait le poète : « Quand on n’a que l’amour, pour parler aux canons, et rien qu’une chanson, pour convaincre un tambour ».

Benjamin Joyeux

[1] Voir https://docs.un.org/fr/A/RES/73/329

[2] Voir https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/

[3] Lire notamment https://www.crisisgroup.org/fr/global/10-conflicts-watch-2025

[4] Lire par exemple https://www.iris-france.org/donald-trump-et-droit-international-un-ifar-west-i-mondial/

[5] Alliance internationale pour les objectifs de développement durable, voir https://www.aiodd.org/

[6] Voir https://www.iofc.ch/fr

[7] Voir https://bethelove.global/

[8] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Mukwege

[9] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Chantal_Chambu_Mwavita

[10] Devenu UN Today voir https://untoday.org/

[11] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertha_von_Suttner

[12] Lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Bas_les_armes_!

[13] Lire https://www.agenda-2030.fr/

Auteur: librinfo74

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