FIFDH 2025 : le cinéma face au monde qui s’effondre sous nos yeux

La 23e édition du FIFDH se déroulera à Genève du 7 au 16 mars 2025. Comme chaque année depuis 2003, de très nombreux films et documentaires et des experts et activistes en provenance de toute la planète sont au programme, présenté ce jeudi en conférence de presse. Face à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et la montée des extrêmes droites partout sur la planète, l’incontournable festival de cinéma sur les droits humains ne pouvait pas faire l’impasse sur ce contexte global extrêmement menaçant, n’épargnant personne, pas même la Suisse.

Ce jeudi 13 février 2025 est une matinée particulièrement maussade pour les journalistes qui traversent sous une pluie battante la Place Neuve afin de se rendre à la conférence de presse, prévue à 11h au Grütli, de l’équipe du FIFDH (Festival du film et forum international sur les droits humains)[1]. La petite salle dédiée se remplit peu à peu, et comme chaque année, l’équipe du festival a organisé une conférence au cordeau, avec dossier de presse détaillé et illustré et présentation rythmée à la minute près de chacun des protagonistes. Nous sommes en Suisse pour les non-initiés, et qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, l’organisation ne souffre pas l’approximation ou l’improvisation.

Une édition riche en écho à l’angoisse actuelle

Cette cuvée 2025 du FIFDH s’annonce une fois encore très riche. Il faut dire que l’actualité a de quoi inspirer les cinéastes : retour de Donald Trump à la Maison Blanche et stratégie de la sidération, montée des extrêmes droites partout, multiplication des conflits armés (à Gaza, au Liban, au Soudan, en RDC…), recul du droit des femmes et des minorités, effondrement climatique, etc. On finit par ne plus savoir où donner de la tête et par se demander à quoi bon à chaque fois s’indigner.

Conférence de presse de la direction du FIFDH le 13 février 2025 ©Benjamin Joyeux

L’angle choisit par le festival cette année tente ainsi de répondre à cette angoisse multiforme qui domine en s’intitulant : « Entre colère et tendresse : le cinéma pour repenser le monde ». Et de nous inviter à « reconsidérer nos systèmes politiques et à faire communauté face à l’ascension des mouvements d’extrême droite et la menace aux droits fondamentaux qu’elle représente » comme l’indique le FIFDH dans son communiqué. Plusieurs films et forums sont ainsi au programme pour explorer le sujet, comme The Last Republican[2], de Steve Pink, qui ouvrira le débat « Où vont les Etats-Unis ? », en la présence du réalisateur et du grand écrivain newyorkais Douglas Kennedy, le 10 mars[3]. 21 forums, plus de 60 films, 115 cinéastes, en tout environ 162 évènements vont se dérouler sur Genève et son canton entre le 7 et le 16 mars.

La Suisse non épargnée

Dans ce contexte de montée de la violence et du péril d’extrême droite, on pourrait croire la Suisse épargnée, de par sa richesse et sa tradition de paix et de neutralité.  Pourtant, si l’on en croit Yves D’accord, président du Conseil de Fondation du FIFDH, la Suisse fédérale aurait tendance en matière internationale à « un vrai retrait au pire moment, alors que nous devons nous mobiliser pour la Genève internationale ».  Car le retour de Trump au pouvoir aux Etats-Unis s’accompagne d’une remise en cause de toutes les institutions garantes du respect du droit international. L’ancien Directeur général du CICR[4] souligne avoir notamment beaucoup d’inquiétudes quant au soutien financier du DFAE[5] pour l’édition 2026 du FIFDH et en appelle à « un réveil pour que la Suisse se rende compte qu’elle a un rôle à jouer » dans le contexte actuel de recul des droits humains. Le message est passé.

Garder espoir

Les deux directrices éditoriales du festival, Laila Alonso Huarte et Laura Longobardi, présentent ensuite plus en détail le programme, qui propose au regard de l’actualité un focus sur les conflits en cours, sous le prisme de la résistance et de la résilience des populations civiles, à Gaza, au Liban ou au Soudan notamment (avec par exemple film Khartoum[6] à l’affiche). Avec également un second angle sur les perspectives de paix à envisager malgré tout, comme pour l’Ukraine où Oleksandra Matviichuk, avocate et militante ukrainienne prix Nobel de la paix 2022, sera présente lors d’un forum intitulé « Trois ans de guerre en Ukraine, et demain ? », le 11 mars à 20h.

De g. à d. Yves Daccord, Laila Alonso Huarte, Laura Longobardi et Guillaume Noyé ©Benjamin Joyeux

Dans ce monde en crise, il s‘agit d’essayer aussi de transcender « la peur, la colère et l’indignation, qui sont légitimes mais peuvent surtout devenir des outils de mobilisation », comme le souligne Laila Alonso Huarte. Se rassembler et prendre soin les un-es des autres est ainsi un des angles principaux de cette édition 2025. Car « l’espoir est une exigence absolue pour nous qui le pouvons », comme le dit la co-directrice éditoriale du festival. Ainsi du film programmé The Tender Revolution[7], qui invite à « une révolution de la tendresse ». D’où également le forum du 15 mars intitulé « Réenchanter l’avenir, garder l’espoir », qui sera présentée par la journaliste Salomé Saqué, désormais célèbre pour son ouvrage Résister[8]. L’économiste Timothée Parrique sera également au FIFDH pour débattre d’un « futur sans capitalisme », de même que le célèbre capitaine et protecteur des baleines Paul Watson pour une grande discussion sur l’activisme à l’ère de la criminalisation, en grande soirée d’ouverture le 8 mars à 20h30 à l’espace Pitoëff.

Avec une telle programmation, la billetterie du FIFDH 2025, ouverte depuis ce jeudi 13 février, risque bien d’être prise d’assaut. Certes ce n’est que du cinéma, mais Alfred Hitchcock disait bien que « le seul moyen que j’ai de me débarrasser de mes peurs est de faire des films sur elles. »

Benjamin Joyeux


[1] Voir https://fifdh.org/

[2] Voir https://tiff.net/events/the-last-republican

[3] Tout le programme ici : https://fifdh.org/festival/

[4] Comité International de la Croix Rouge : https://www.icrc.org/fr

[5] Département fédéral des Affaires étrangères, le Quai d’Orsay suisse : https://www.dfae.admin.ch/eda/fr/home.html

[6] Voir https://www.senscritique.com/film/khartoum/104814980

[7] Voir https://www.youtube.com/watch?v=pUzXlK0_w4M

[8] Voir notamment son interview à la RTS : https://www.youtube.com/watch?v=pUzXlK0_w4M

Auteur: librinfo74

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