Faut-il supprimer le Smic ?

Selon le conseil européen, la « loi travail » ne va pas assez loin.  « La réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire » disait déjà Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, le 26 mai.

Déjà, l’Angleterre a aboli la notion de salaire minimum pour être cohérente avec la logique néolibérale qui nécessite la réduction continue du coût du travail pour une plus grande productivité. Les économistes nous expliquent qu’une entreprise ne peut pas payer un travailleur au-delà de ce que ce travailleur lui rapporte.  Certains emplois peu qualifiés devraient donc être rémunérés à un niveau inférieur au Smic pour être rentables.

« Dans le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire minimum risque de freiner l’emploi des personnes peu qualifiées » écrivait le conseil européen dans ses « recommandations » du 13 juin dernier. Il faut, disait-il, favoriser « l’ajustement des salaires nécessaire dans une situation économique défavorable».

Conscients que la diminution des salaires les plus bas pourrait engendrer une population de travailleurs encore plus pauvres que ceux d’aujourd’hui, certains économistes recommandent la création d’une allocation dite « de développement » ou une extension de la prime à l’emploi faisant en sorte que l’État et donc les finances publiques paient ce que les entreprises ne pourraient prendre en charge.

C’est dans cette optique que certains libéraux, parmi lesquels notre premier ministre Manuel Valls, envisagent la création d’une allocation universelle de base, versée à chaque individu à la place de toutes les autres par l’État afin de soulager les entreprises privées de toutes les « charges sociales » et, par conséquent, de leur permettre de diminuer très sensiblement les salaires.

Le but manifeste de cette modernisation du rapport capital-travail serait de séparer clairement les domaines de la propriété privée, d’une part,et du trésor public, d’autre part. La première se réservant les bénéfices tandis que le second, alimenté par les impôts prélevés sur les salaires, se verrait imputer l’ensemble des dépenses.

L’argumentation de la classe  dominante s’appuie sur un principe fondamental de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui garantit la protection de la propriété privée et la liberté de son usage. Elle avance l’idée que chacun a le droit de vivre de son travail et que, par conséquent, l’État doit favoriser ce qui crée des emplois.

Paradoxalement, et vicieusement, c’est en favorisant le chômage dans le but évident de créer de la concurrence entre les travailleurs pour obtenir un emploi, que la classe au pouvoir fait baisser la rémunération du travail et, c’est en baissant encore davantage la rémunération du travail qu’elle propose de lutter contre le chômage en créant des emplois sous-rémunérés, arguant par ailleurs que chacun a le droit de compléter son salaire par un autre travail et un autre salaire. On assiste ainsi dans de nombreux pays à ce phénomène de plus en plus répandu de gens qui multiplient en un seul jour les « journées de travail ». Cela est courant, non seulement en Grèce, au Portugal, en Italie, mais aussi en Angleterre ou en Allemagne. L’employé ou le professeur, quand il a fini sa première journée, devient commerçant, artisan ou employé de maison pour arriver à subvenir aux besoins de sa famille.

« Ce sera un peu compliqué de toucher au Smic, mais les prochaines réformes pourraient offrir aux entreprises la possibilité de déroger aux minima de la convention collective, sur accord d’entreprise » prévient Loic Abrassart, inspecteur du travail et membre du syndicat SUD. La « loi travail » n’a-t-elle pas déjà vocation de permettre aux employeurs de se libérer de toute convention collective pour diminuer les salaires ?

Manifestement, il est impossible de lutter contre l’abolition du Smic si nous demeurons dans le cadre de la logique capitaliste. La misère économique, sociale, avec tout ce qu’elle entraîne de désordre et de violence n’est pas un argument « économique », il ne sera donc pas entendu. Les candidats de la droite, du centre et de la gauche de gouvernement nous promettent, d’ores et déjà, d’abonder dans cette logique, non seulement en favorisant la diminution du coût du travail mais aussi en prolongeant le temps de travail pour une retraite à 64, voire à 67 ans, en supprimant la durée légale du travail hebdomadaire, en rendant dégressive les allocations de chômage et en permettant qu’elles deviennent inférieures, elles aussi, au SMIC ou en privatisant Pole emploi.

Il nous faut donc sortir du cadre de ce que certains n’hésitent pas à nommer « la réalité ». Le réalisme qui justifie le pragmatisme (ou, en allemand, la sinistre « realpolitik » ) est un concept biaisé pour nous faire croire à l’impossibilité d’une alternative. Mais on peut aussi appeler « réalité » et avec plus de raison, ce que les hommes ressentent, ce que les hommes désirent, ce que les hommes vivent.

Pourquoi l’intérêt économique des uns serait-il plus « réel » que le désir de tous les autres de vivre dignement ?

Chacun doit pouvoir vivre de son travail et il est urgent d’exiger un véritable respect de ce travail et de l’homme qui l’ exerce. Entre  les 1145 e que touche le smicard et les 1 145 000 e que touche le PDG, il y a une différence qui laisserait penser que le travail du PDG vaut 1000 fois plus que celui du smicard. Et ne parlons pas des milliards de dividendes qui sont perçus par le simple jeu de la spéculation.

Au fait, que signifie le Smic ? Salaire minimum interprofessionnel de croissance. Ne faudrait-il pas instaurer aussi le Smic (Salaire maximum interprofessionnel de croissance ) ? Et même le revenu maximum ? Et même, pourquoi pas, le patrimoine maximum?

« Mais, me diront, sans rire, les libéraux, ce serait une atteinte aux Droits de l’Homme ! »

 

capitalisme

 

 

 

 

Auteur: librinfo74

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