Encore une fois, j’ai faim : témoignage d’un palestinien de Gaza

Ce témoignage a été  envoyé à  notre présidente Colette Charlet par un collègue en relation avec des gens de théâtre à Gaza

Lettre de GAZA du 19 juillet 202

de HOSSAM AL MADHOUN.


Encore une fois, j’ai faim

Une nouvelle journée commence et je me réveille avec les mêmes questions angoissantes :

Qu’allons-nous manger aujourd’hui ?

Où pouvons-nous trouver quelque chose à manger ?

Quelle réponse vais-je donner à mes enfants lorsqu’ils me demanderont quelque chose à manger ?

C’est un jour de plus dans la quête sans fin de la survie.

Après une nuit sans véritable sommeil, j’ouvre les yeux, non pas de repos, mais d’épuisement.

La peur des bombes et de la mort est devenue presque insignifiante.

Elle ne m’effraie plus.

En réalité, j’aspire à mourir rapidement, que ce soit par une attaque aérienne, un obus ou même une balle de drone.

C’est devenu mon désir silencieux.

Non pas parce que je veux mourir, mais parce que cela me semble être la seule échappatoire.

Une fuite devant les questions auxquelles je ne peux plus répondre :

De mes enfants, de ma femme, de ma mère, de mon père.

Une mort rapide semble plus facile que la lente agonie de ses yeux affamés.

La faim ?

Dans la guerre, la faim ne se réveille pas en retard, elle se réveille quelques instants avant vous. C’est l’alarme qui vous réveille de force

Vous ouvrez les yeux sur un monde où le lait est remis à plus tard, où le pain est un souhait et où le sucre est une rumeur.

Vous grandissez en croyant que l’odeur du pain est une sorte d’encens, qu’il faut renifler et non manger.

Et que la marmite n’est qu’un décor, pas un récipient pour préparer ce qui ne peut pas être cuit.

Assis dans un coin de votre tente, vous regardez votre mère essayer de convaincre l’eau qu’il s’agit d’une « soupe »,

La suppliant de coopérer pour le bien des enfants qui ont appris à vivre comme « moitié-moitié ». Moitié d’un estomac, moitié d’un rêve, et moins qu’un humain aux yeux du monde.

Vous et vos amis jouez à un jeu appelé « Qui se souvient du goût du fromage ? ».

Le gagnant est celui qui pleure le premier.

Dans les centres éducatifs, les enfants apprennent d’étranges leçons : « Avant, les pommes étaient des fruits ». « Il fut un temps où le chocolat existait.

Et que des créatures mythiques appelées « réfrigérateurs » ont autrefois préservé les aliments de l’extinction.


Parfois, on rit,

pas parce que la blague est drôle,

mais parce que si vous ne riez pas… vous vous mangerez vous-même.

On vieillit, mais pas l’estomac.

Un enfant reste en vous, demandant toujours :

« Est-ce que je peux manger un nuage ? Il a l’air tout doux. »

Ah, mon ami, la faim n’est pas seulement un estomac vide, c’est une conspiration cosmique contre ta dignité personnelle.

Vous vous sentez comme un morceau de pain rassis sur une étagère oubliée, alors que le Temps vous regarde et vous dit : « Plus tard ».

La faim commence comme un doux murmure dans votre estomac, demandant poliment : « Bonjour… une chance d’avoir une bouchée ? »

Mais vous l’ignorez. Alors, le murmure se transforme en coups… puis en cris…

Jusqu’à ce que, soudain, votre estomac devienne un chef d’orchestre fou jouant la symphonie de « La mort lente dans un monde silencieux ».

Vous commencez à sentir que vos organes conspirent contre vous.

Votre estomac rédige une pétition, vos intestins organisent une protestation,

et votre cerveau commence à halluciner une miche de pain volant avec des ailes au son de Beethoven.


Même le bruit de votre voisin faisant frire un œuf devient un film d’horreur.

Chaque publicité alimentaire se transforme en une forme de sadisme publicitaire.

La chaise devient un pain.

Le mur devient un bol de soupe.

Et votre ami qui mange à côté de vous devient un ennemi de classe

digne d’un procès devant un tribunal d’affamés !

Et au plus fort de la tragédie, quelqu’un vient vous dire :

« Buvez de l’eau, la faim n’est qu’une soif ! »

Et pendant un instant… vous vous interrogez :

Dois-je le tuer ?

Ou le cuisiner ?

Auteur: librinfo74

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