ÉDITO Les paradis fiscaux font les enfers sociaux.
Savez-vous que Jersey, île anglo-normande de 116 km², peuplée et de 73000 habitants, située à 20 km des côtes françaises, est le siège d’une entreprise qui exporte la majorité des bananes vendues dans le monde ?
Voilà ce qu’est un paradis fiscal : un rocher battu par les vents de l’Atlantique où nul bananier ne pourrait pousser et où cependant on vend les bananes en quantité astronomique.
Est-ce un miracle ? Ce serait normal, après tout, dans un paradis.
Mais non, c’est une escroquerie.
Pour ne pas payer leurs impôts dans les pays où ils commercent, les marchands de bananes, après avoir acheté à très bas prix leurs marchandises aux producteurs, la revendent à leur filiale (une simple boîte postale) sur l’île de Jersey qui, elle (c’est-à-dire eux), va la revendre à son tour, en augmentant les prix de façon éhontée, aux pays importateurs.
Les bénéfices échappent ainsi à toute taxe et vont gonfler les poches des escrocs.
Le système économique mondialisé s’est réservé ainsi un certain nombre de havres (La Suisse, le Luxembourg, la Belgique, Monaco, Andorre en font partie, pour ne citer que les plus proches de nous) qui permettent aux capitaux d’échapper à toute taxation et donc de ne concourir au fonctionnement d’aucun État politique.
Toute entreprise, française ou autre ( et les banques ne s’en privent pas et les « Total » et autres « Véolia »), a cette possibilité, cette liberté très particulière qui a donné son nom au « libéralisme », de ne pas participer aux frais du fonctionnement collectif de l’État.
Pour payer les routes, les écoles, les hôpitaux, non seulement les dépenses mais aussi les dettes de l’État ( obligé d’emprunter à taux élevé à ces mêmes banques qui peuplent les « paradis ») il faut donc faire appel aux impôts sur le revenu, TVA, CSG et autres taxes qui pèsent sur ceux qui n’ont pas les moyens d’y échapper: les salariés, les retraités, les petits entrepreneurs… ceux qui vivent, non de la spéculation, mais de leur travail.
Et plus les paradis prospèrent, plus les peuples sont en enfer, plus les « restau du cœur » reçoivent de demandes, plus les abris du 115 débordent et laissent dormir dehors des gens que le chômage, la précarité et la pauvreté condamnent à des conditions de vie inhumaines.
Mais peu importe, me direz-vous : « Heureux les pauvres car ils iront au paradis ! » Mais seulement s’il n’est pas fiscal !