Diversification : La Clusaz déraille

À La Clusaz, le Bossonnet en haut du village en est tout retourné : il a été attaqué par d’énormes taupes aux mâchoires d’acier… Les travaux pour la future luge sur rails « quatre saisons » ont commencé. Ce projet de luge sur rail, chiffré à 3,5 millions d’euros, la commune et la SATELC, l’avaient dévoilé au public le 15 novembre 2024, sans que ce dernier n’ait son mot à dire… Cette nouvelle « attraction » sur le front de neige de la station, « un parcours de 360 mètres de montée et 820 mètres de descente », ouvrira au public en décembre 2025. Le défrichement de la forêt est autorisé du 1er septembre au 1er novembre. Les arbres vont tomber pour amuser le chaland…

                                                                                                ©Xavier Ernoult

Après « la bascule » mise en service l’été dernier, balançoire géante (qui a peiné à attirer le touriste et à occuper un emploi à plein temps cet hiver) laissant en héritage une immense verrue au sommet du Crêt du Loup, la station des Aravis enclenche sa « diversification », comme on peut le lire sur le panneau d’information.

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Une diversification non pas économique, non pas vers la sobriété, ni vers des activités qui mobilisent les neurones et/ou la sensibilité, mais une diversification uniquement touristique vers plus d’artificialisation (on artificialise désormais également pour le tourisme d’été et non plus seulement pour le tourisme d’hiver) et de divertissement « 4 saisons » pour des touristes (un peu beaucoup pris pour des pigeons). Une diversification avec la création d’une luge sur rail pour la modique somme de 3,5 millions d’euros et au prix du défrichement du bois du Plan, lieu-dit « Bossonnet ». Comble du cynisme : « la piste sera thématisée sur le thème de la forêt. »

                                 ©Sandra Stavo-Debauge – Avancée des travaux de la luge 4 saisons au 4 juillet 2025 au Bossonnet

 

Cette attraction est une atteinte de plus à un paysage certes déjà anthropisé, mais est-ce une raison pour en rajouter une couche ? Mais aussi une atteinte à la faune qui devra aller chercher ailleurs des zones de quiétude, leur habitat étant désormais perturbé hiver comme été. Mais rassurez-vous, écoterroristes que vous êtes, c’est « une implantation responsable », lit-on. « La future luge sur rail évite les zones humides et les milieux sensibles identifiés sur le site. »  Encore heureux ! « Le projet est adapté aux enjeux environnementaux du site : le tracé et les aménagements ont été pensés pour préserver au mieux l’équilibre du secteur ». Appréciez le « au mieux » ! Les enjeux environnementaux du site ne voudraient-ils pas qu’on ne le touche pas ?

 

Héritage de la société du divertissement : tout schuss vers les parcs d’attraction 4 saisons en montagne

La Clusaz est déjà dotée d’une luge d’été depuis le mitan des années 80, elle s’enorgueillit même d’avoir été pionnière en la matière et cette luge restera en place. Or depuis une quinzaine d’année, héritières des fêtes foraines ou luna park des villes, les luges sur rails dites 4 saisons (factuellement 2 saisons : été et hiver), monstres de fer hideux, fleurissent dans bon nombre de stations de ski (pardon, changement de sémantique, elles se nomment désormais « stations de montagne », alors même que la montagne, elles s’en éloignent de plus en plus…). Les stations ayant la fâcheuse tendance à se singer les unes les autres, mais espérant se concurrencer, La Clusaz a voulu sa luge sur rail : « un projet qui vient compléter les offres touristiques et proposer une nouvelle offre à destination d’une cible familiale, en toute saison », écrit-elle. Une nouvelle luge sur rail pour « diversifier les revenus : une activité moins sensible aux aléas météo, génératrice d’emplois », comprenez que la neige se fait rare, même artificielle, et qu’on doit trouver des palliatifs artificiels pour faire rentrer de la denrée (du pognon).

Être devenue si riche pour s’offrir ce genre de jouet à plus de trois millions d’euros et avoir un imaginaire si pauvre interroge : les décideurs des stations sont-ils à ce point en panne d’inspiration ? La montagne vaut-elle si peu à leurs yeux pour qu’ils la transforment en Luna park ? Les touristes ne viennent-ils pas chercher autre chose en montagne ? Ne valent-ils pas mieux que ça ?

Ces trois millions et demi d’euros n’auraient-ils pas été mieux employé pour, par exemple, financer des formations de reconversion pour les socio-pros dépendants du ski, la culture, les mobilités, l’habitat permanent, plutôt que pour un loisir indigent qui ne fait appel ni au corps, ni à l’esprit ?

© Sandra Stavo-Debauge

Sandra Stavo-Debauge

Auteur: librinfo74

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