Coup d’arrêt au projet de 5ème retenue d’altitude de La Clusaz. Le bois de la Colombière à Beauregard est sauvé

La nouvelle est tombée ce 23 juillet à 17h, la justice, dans son délibéré, a donné une nouvelle fois raison aux associations environnementales et aux opposant.es à la cinquième retenue d’altitude de La Clusaz et sonné le glas de ce projet mal ficelé.

Cinq ans de mobilisation citoyenne inédite et une convergence des luttes avec le Collectif Fier Aravis, premier lanceur d’alerte, qui a fédéré l’ensemble des associations grâce à sa page « Sauvons Beauregard de la destruction », les premières ZAD d’altitude, La CluZAD, installées par Extinction Rebellion, le Grondement des cimes portés par les Soulèvement de la terre et les recours en justice portés par les associations France Nature Environnement Haute-Savoie et Auvergne-Rhône-Alpes, la LPO Auvergne-Rhône-Alpes, Mountain Wilderness et La Nouvelle Montagne d’une part et la Fédération de Haute-Savoie pour la pêche et la protection du milieu aquatique d’autre part, auront finalement eu raison de ce projet écocide.

Pour rappel La Clusaz, dont le domaine skiable s’étage entre 1000 et 2500 m d’altitude, entendait passer d’une capacité de 27% d’enneigement artificiel à 45% en creusant une 5ème retenue d’altitude de 148 000cm3 à 1540 m d’altitude, en bordure d’une zone humide remarquable classée, dans un corridor écologique, en plein milieu du bois de la Colombière abritant 58 espèces protégées. Cette retenue devait être alimentée par l’eau de la source de la Gonière puisée à 1200m d’altitude, 4 km en aval et aurait entraîné la destruction directe de 8 hectares d’habitats naturels (onze terrains de foot). Elle était destinée au ¾ à l’enneigement artificiel. Ce projet avait été annoncé sans concertation préalable en 2020 par la nouvelle municipalité une fois élue et avait d’emblée soulevé un tôlé avec 76% d’avis négatif lors de l’enquête publique en 2021 et une pétition comptant plus de 60 000 signatures, chose encore inédite en montagne. L’accaparement de l’eau à des fins d’enneigement artificiel devenait concret.

Avec l’annulation ce 23 juillet du projet de cette retenue d’altitude de la Colombière au motif de l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur, qui est l’une des trois conditions obligatoires pour déroger à la réglementation relative aux espèces protégées, les juges du tribunal administratif, dans leur délibéré, ont donc suivi l’avis de la rapporteuse publique du 17 juin dernier. Un avis que nous vous détaillions dans cet article https://librinfo74.fr/retenue-deau-de-beauregard-la-rapporteure-publique-preconise-lannulation/

Nous avons joint maître Aurélie Cohendet, l’avocate des associations co-requérantes qui nous a commenté le délibéré

Pour Maître Aurélie Cohendet l’avocate des associations co-réquérantes : « c’est une décision symbolique qui montre qu’on ne peut pas faire n’importe quoi en montagne sans étayer les justifications, avec des arguments qui ne sont pas démontrés et qui sont mêmes faux. »

Sur l’eau potable, le délibéré a retenu trois faits qui ont étayé la décision des juges.

L’avocate retient des 9 pages du délibéré, « c’est la partie des moyens qui ont été soulevés par les associations, c’est la partie concernant la raison impérative d’intérêt public majeur. » Comme on l’a vu plus haut, pour détruire des espèces protégées, parmi plusieurs conditions, il y a cette raison impérative d’intérêt public majeur qui est requis : « Or le délibéré a retenu qu’elle n’était pas constituée à la fois pour les motifs relatifs à l’eau potable, comme pour les motifs économiques. S’agissant de l’eau potable, il a retenu ce qui avait été soulevé par les associations de protection de l’environnement à savoir que les besoins en eau potable avaient été surestimés : que ce soit pour les besoins de la population permanente puisque les porteurs du projet avaient tablé sur une hypothèse de croissance démographique de +2% chaque année, alors qu’on a un déficit démographique depuis 1999. Que ce soit aussi pour les prévisions hivernales puisqu’ils tablaient sur une fréquentation hivernale qui était liée à l’augmentation des lits touristiques avec un taux de remplissage qui était de l’ordre de 90%, alors qu’à La Clusaz un tel taux de remplissage n’existe pas  (ndlr : et nul pas ailleurs non plus !).

La station faisait aussi l’hypothèse d’un étiage hivernal de plusieurs mois, sans une goutte de pluie ! Or même s’il y a un changement climatique qui va impacter la ressource en eau ce que personne ne nie, ce réchauffement climatique ne va pas avoir pour effet d’aboutir à une absence de pluviométrie pendant des mois et des mois en hiver. À un moment donné il pleut. Pour  résumer, le schéma du petit cycle de l’eau retient des hypothèses qui ne sont pas vraisemblables. Le délibéré dit aussi qu’il n’y a pas de justification sur la partie économique. »

Une victoire sans tambour ni trompette

Que ce projet soit jugé illégal par la justice est évidemment un soulagement pour les associations co-réquérantes et pour tous les défenseurs du vivant qui se sont mobilisés depuis cinq ans, mettant parfois leur intégrité physique en danger lors des ZAD. Mais pas de triomphalisme pour autant, étant donné que les stations des Aravis ne remettent pas en question leur modèle du tourisme et du « tout ski », mais appuient plutôt sur l’accélérateur avec notamment le projet d’enneiger artificiellement la Balme jusqu’à son sommet comme nous le révélions dans cet article https://librinfo74.fr/menaces-sur-la-combe-de-balme/

La nouvelle luge sur rails ou encore sa voisine Manigod avec son projet de deuxième retenue https://librinfo74.fr/enquete-publique-en-cours-sur-la-deuxieme-retenue-daltitude-a-manigod-foret-especes-habitats-proteges-menaces/

Le changement de paradigme n’est pas dans les ambitions des élus des Aravis.

Malgré les citoyens dont la prise de conscience est très en avance sur celles des élus locaux,

Corentin Mele, chargé de mission eau et veille chez France Nature Environnement Haute-Savoie, regrette que les stations des Aravis et les élus censés défendre l’intérêt général ne changent pas de braquet et aient toujours les mêmes ambitions touristiques. S’il se montre pessimiste avec la perspective des JOP2030, il pense que cette décision peut faire un précédent intéressant pour les prochaines luttes : «  ça peut être très inspirant tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue de la mobilisation. » Il regrette que les élus et les administrations ne se soient pas servi de cet exemple pour revoir leur copie, que ce soit en terme de concertation ou de projet de territoire. « Oui on a gagné, mais à quel prix et avec quelles suites sur le territoire concrètement, pour les habitants d’une part et pour l’environnement d’autre part ? », questionne-t-il.

Beaucoup de militants ont laissé des « plumes »

Car n’oublions pas non plus que dans cette mobilisation, beaucoup de citoyens locaux opposés à ce projet ont perdu des plumes : déménagement sous les menaces, perte d’emploi, pressions, insultes et diffamation jusqu’aux menaces de mort proférées sur un citoyen par un élu local jamais démis de ses fonctions … « cette lutte a été très dure humainement et ce sont des choses qui ne se voient pas », rappelle le chargé de mission qui fut aussi un témoin de ces tensions.

« Si je suis un peu déçu de voir que les peines prononcées soient si faibles, ne gâchons pas notre plaisir ! J’aurais aussi aimé que les requérants obtiennent des dommages qui auraient pu servir à la lutte future contre les bassines de Manigod et les travaux prévus pour les JO2030 », conclut un des membres du Collectif Fier Aravis.

Ajoutons que  « les vrais voyous » de l’histoire, ne sont pas ceux qui ont été pointés du doigt puisque la justice leur a donné raison par trois fois : lors du premier référé le 25 octobre 2025, puis le 17 juin par la rapporteur publique et enfin par ce délibéré du 23 juillet 2025.

Sandra Stavo-Debauge

  

 

 

Auteur: librinfo74

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1 commentaire

  1. Précision : dans le cadre d’un recours contre une autorisation, il n’est pas possible d’obtenir une indemnisation, c’est un autre type de contentieux.

    Notez que l’Etat versera aux associations co-requérantes (MW? FNE 74, FNE AAURA, LPO, la Nouvelle Montagne) la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Et 1500 euros à la fédération de pêche qui avait porté un recours de son côté.
    Le délibéré L’arrêté n°DDT-2022-12250 du 20 septembre 2022 du préfet de la Haute-Savoie étant annulé.

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